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Le rôle de la salive et des bactéries

Pr. Ivana MILETIC et Dr Anja BARABA, Croatie

La salive lubrifie et protège les tissus buccaux, agissant comme une barrière contre les agents irritants mécaniques, thermiques et chimiques. La capacité de nettoyage de la salive est une autre de ses fonctions permettant l’élimination des sucres, acides et bactéries présents dans l’environnement oral. Les bicarbonates, phosphates et l’urée qui la composent sont quant à eux responsables de son pouvoir tampon. Parmi les électrolytes salivaires, le calcium, le phosphate et les fluorures ont une importance particulière dans les processus de reminéralisation. La salive est super-saturée en ions calcium, phosphate et fluor en comparaison avec l’hydroxyapatite. Ces minéraux, principaux constituants de la dent, ne sont donc pas dissous dans la salive ou dans la plaque, tant que le pH de celles-ci reste neutre état d’équilibre. La salive a une influence sur :

  • La lubrification et la protection des tissus oraux.
  • L’auto-nettoyage.
  • Le pouvoir tampon.
  • La digestion et la gustation.
  • La formation du bol alimentaire et sa déglutition.

De plus, la salive a une activité antibactérienne et antifongique ; elle représente un réservoir d’ions facilitant la reminéralisation des tissus dentaires touchés par le processus carieux.

Les tests salivaires

Lors d’un test salivaire, il convient d’examiner tant la salive au repos que la salive stimulée. Les différents paramètres testés seront le flux, la viscosité, le pH ainsi que le débit et le pouvoir tampon de la salive stimulée ou au repos (selon les tests). Les échantillons de salive stimulée peuvent également être utilisés pour quantifier les Streptocoques mutans (S. mutans).

En effet, le taux de ces bactéries dans la salive sera un paramètre important à considérer lors de l’évaluation de la susceptibilité carieuse individuelle. Si le résultat de ce test montre un niveau de S. mutans élevé, l’utilisation d’une thérapeutique anti-microbienne devra alors être envisagée.

Origine et composition de la salive

Les trois glandes salivaires principales (parotide, submandibulaire ou sous-maxillaire et sublingual) sont responsables de 90 % de la production salivaire totale, alors que les glandes accessoires contribuent aux 10 % de salive restants. La salive se compose d’environ 99 % d’eau et d’1 % de protéines et d’électrolytes. Outre la salive secrétée, la salive totale contient d’autres composants, notamment du fluide gingival, des leucocytes, des cellules épithéliales, des micro-organismes, des débris alimentaires, des virus et du sang. La quantité de salive secrétée par jour se situe entre 0,5 et 1,5 litre. Le flux salivaire est influencé par plusieurs facteurs : le degré d’hydratation, la position du corps, l’exposition à la lumière, les rythmes circadiens et circannuels, l’état émotionnel et psychique du patient, les changements hormonaux, la consommation de drogue, alcool et tabac…

La glande sous-maxillaire est la principale productrice de salive non-stimulée, tandis que la glande parotide est la principale productrice de salive stimulée. Le débit de salive non stimulée est compris entre 0,3 et 0,4 ml par minute. Un débit inférieur à 0,1 ml / min est considéré comme un signe d’hypo-salivation. Les principaux facteurs responsables d’un débit réduit sont les médications prolongées, le syndrome de Sjörgen, les radiothérapies de la tête et du cou, certains facteurs génétiques et l’âge. La salive lubrifie et protège les tissus buccaux, agissant comme une barrière contre les agents irritants mécaniques, thermiques et chimiques. Les meilleurs composants de lubrification de la salive sont les mucines qui sont sécrétées par les glandes salivaires accessoires.

Le pouvoir tampon salivaire

Le bicarbonate, le phosphate et l’urée sont responsables du pouvoir tampon de la salive. Le bicarbonate, en diffusant dans la plaque et en neutralisant les acides, joue le rôle tampon le plus important. L’urée est métabolisée par les uréases bactériennes pour former du dioxyde de carbone et de l’ammoniaque, qui augmente à son tour le pH du fluide de la plaque. Le pouvoir tampon de la salive est présent de manière efficace dans le cas de flux élevés de salive stimulée, mais est quasi-absent pendant les périodes de faible débit avec une salive non stimulée. Le phosphate semble ne jouer un rôle tampon que dans les flux de salive non-stimulée.

Rôle dans la reminéralisation

Parmi les électrolytes salivaires, le calcium, le phosphate et le fluor sont particulièrement importants pour la santé bucco-dentaire et la reminéralisation. La salive est super-saturée en calcium, phosphate et ions fluor, en comparaison à l’hydroxyapatite. Ceci évite la dissolution des cristaux d’apatite de l’émail en contact avec la salive ou la plaque, sauf lorsque celles-ci sont acides. Le pH critique au-delà duquel l’émail se dissout (déminéralisation), se situe entre 5,5 et 6,5. Si le débit salivaire est faible, la cariosusceptibilité augmente car le flux ne permet pas la remontée du pH au-delà du seuil critique. Le pH de la plaque varie d’acide à normal en quelques minutes en fonction de la présence de salive. La stimulation du débit salivaire altère sa composition, augmentant la concentration de protéines, de sodium, de chlorure et de bicarbonate, et réduisant le magnésium et le phosphore. Le flux salivaire peut être augmenté par différents stimuli tels que l’utilisation d’aliments acides (bonbon sans sucre acidulé), la fréquence de la mastication (chewing-gum) et le fait de mastiquer réellement les aliments.

Un bilan salivaire comprend une évaluation complète de la salive au repos comme après stimulation (avec le GC Saliva-Check Buffer, par exemple). (Fig.1) Les paramètres salivaires testés sont les suivants :

  • Viscosité de la salive.
  • Débit et pH de la salive au repos.
  • Débit et pH de la salive stimulée.
  • Pouvoir tampon de la salive stimulée.

Il doit être demandé au patient de ne pas fumer, ni manger, ni boire, ni se brosser les dents ou encore de ne pas utiliser un bain de bouche durant l’heure qui précède le test. Le débit salivaire au repos est évalué en regardant si des gouttelettes de salive se forment aux orifices des glandes salivaires accessoires sur la face interne de la lèvre inférieure. Le débit salivaire au repos est normal si des gouttelettes de salive apparaissent en moins d’une minute.

L’étape suivante permet d’examiner visuellement la consistance de la salive. Une salive claire et fluide indique une viscosité normale, tandis qu’une salive collante ou bulleuse indique une viscosité augmentée, ce qui peut être une indication de flux salivaire réduit ou d’une composition anormale. Pour enregistrer le débit salivaire stimulé, le patient doit mâcher un morceau de paraffine. Lors des 30 premières secondes, la salive est prélevée et éliminée, ensuite toute la salive est collectée dans un becher de prélèvement à intervalles réguliers pendant cinq minutes. Le débit normal de salive stimulée est d’1 ml / min. Un débit inférieur à 0,7 ml / min est considéré comme faible. Le pH de la salive (au repos et / ou après stimulation) est testé avec une bande de papier pH qui est placée dans l’échantillon de salive pendant 10 secondes. (Fig.2 et 3) La couleur de la bande est ensuite comparée à une charte graphique fournie par le fabricant. Une faible valeur de pH de salive signifie un environnement buccal acide qui augmente la cariosusceptibilité du patient.

Le pouvoir tampon est enregistré uniquement à partir de la salive stimulée. À l’aide d’une pipette, la salive stimulée est déposée sur les trois zones colorées de la bande de test. (Fig.4) Bien que les zones tests puissent commencer à changer de couleur immédiatement, le résultat du test ne sera calculé qu’après deux minutes en additionnant les points obtenus pour chaque zone en fonction de sa couleur finale. (Fig.5) Les bicarbonates sont les éléments tampons les plus importants dans la salive car ils neutralisent l’acidité buccale et réduisent le risque de développer des lésions carieuses. Des échantillons de salive stimulée sont également utilisés pour l’analyse bactérienne (GC Saliva-Check Mutans, par exemple). (Fig.6)

Ce test évalue la présence des bactéries cariogènes S. mutans dans la salive. Le S. mutans qui se trouve dans la plaque dentaire est l’un des facteurs étiologiques majeurs du développement de la maladie carieuse (synthèse du glucane insoluble dans l’eau à partir du sucrose, acidogénique et acidurique). Le S. mutans a été désigné comme le facteur ayant l’influence la plus importante sur la prévalence et l’incidence des lésions carieuses. Il est important de détecter et d’évaluer ces bactéries cariogènes avec une méthode précise. Certains tests sont basés sur la culture bactérienne, mais ils sont cependant peu spécifiques et ne sont analysables qu’au bout de 48 heures environ. Lorsque le résultat du test indique un nombre élevé de S. mutans (plus de 5×105 CFU / ml), (Fig.7) un traitement antibactérien (bain de bouche, dentifrice, gel ou vernis à la chlorhexidine 0,12 %) doit être mis en œuvre.

Remerciements
Les auteurs souhaitent remercier tous les membres du GC-MI-Advisory Board initial (A. Banerjee, M. Basso, M. Blique, C. Gaucher, P. Khandelwal, L. Lavoix, I. Miletic, E. Reich F. Roussel et J. Zalba) pour les échanges d’idées et le travail de groupe.

Bibliographie
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Légendes et figures

Fig.1: Test GC Saliva-Check Buffer ; (Photo Anja Baraba).
Fig.4 : Application de salive stimulée sur la bande de test tampon ; (Saliva Check Buffer, GC)
Fig.5 : Calcul du pouvoir tampon de la salive stimulée, évaluée avec le Saliva Check Buffer.
Fig.6 : GC Saliva-Check Mutans ; (Photo Anja Baraba).