Comment optimiser un traitement parodontal ?

Les traitements parodontaux modernes se doivent d’agir sur toutes les composantes de la maladie parodontale. La plupart du temps, la thérapeutique initiale, qui comprend l’éducation du patient, une phase de désinfection chimio-mécanique et une maintenance régulière, suffit à contrôler la maladie sur le long terme. Le protocole du présent article propose d’associer une supplémentation systématique de vitamines, antioxydants, antibiotiques et probiotiques au traitement classique afin d’optimiser les résultats.

Une revue des différentes enquêtes nutritionnelles, menées en Belgique (ELAN), Allemagne (NVS 1 et 2), France (INCA, INCA2 et CREDOC 2009), Royaume-Uni (NDNS) et USA (NHANES) depuis une vingtaine d’années sur des cohortes de plusieurs milliers de personnes, fait état d’un pourcentage élevé de la population générale présentant des carences en micronutriments dont les principaux sont : vitamines C, D, E, B9, calcium, magnésium, cuivre, fer, zinc. [1]

Un pourcentage non négligeable de nos patients présente donc une ou plusieurs carences en ces nutriments essentiels qui jouent un rôle clef dans la cicatrisation parodontale (os et gencive) et la lutte contre l’infection et l’inflammation [2].

Le premier objectif de la supplémentation sera donc de remettre à niveau le taux de chacun de ces éléments dans le cadre de chaque traitement parodontal. De nombreuses études démontrent de meilleurs résultats des traitements parodontaux en terme de gain d’attache, profondeur de poche, saignement au sondage, qualité de la flore, aussi bien à 3 mois qu’à 6 mois ou 1 an, en associant une antibiothérapie à la désinfection globale. Le second objectif sera donc d’associer un traitement antibiotique à la phase de désinfection mécanique et chimique. Un consensus d’experts [3] a établi qu’« une formulation adaptée de probiotiques peut contribuer à la prévention et / ou au traitement des maladies infectieuses buccales », le dernier objectif consistera à introduire des bactéries protectrices pour participer à rétablir une flore compatible avec la santé parodontale.

Supplémentation en micronutriments

Un examen de la littérature scientifique montre l’avantage de rétablir le dosage de ces 11 éléments avant et pendant un traitement parodontal ou plus généralement avant une intervention de chirurgie buccale importante.

Vitamine D et calcium

  • Dans son article : « Les facteurs de risque négligés en implantologie » le Dr Choukroun conclut que de nombreux cas d’échec d’ostéointégration ont pu être explicités grâce à l’approche biologique qui mettait en évidence une carence en vitamine D. [4]
  • La formation d’os péri-implantaire est réduite chez le rat déficient en vitamine D et un apport de celle-ci a des effets bénéfiques sur l’os. [5] [6]
  • Une étude très récente de 2014 suggère que la vitamine D3 joue un rôle important dans la modulation de l’inflammation parodontale via la régulation de la production de cytokines par les cellules du ligament parodontal. [7]
  • La vitamine D est fortement impliquée dans la défense immunitaire, qui se traduit par l’expression de peptides anti-microbiens, tels que les défensines et cathélicidines, ce qui améliore la capacité microbicide des monocytes. [8]
  • La vitamine D joue également un rôle dans la réduction des effets de l’inflammation et contribue à améliorer les réactions immunitaires naturelles de l’organisme. Olsen suggère que la vitamine D peut améliorer la réponse immunitaire antibactérienne. [9] [10]
  • Les niveaux de vitamine D < 20 ng / ml ont un impact significatif sur les dysfonctions d’organes et les taux d’infection. [11]
  • Une étude épidémiologique sur plus de 11 000 sujets démontre que la carence en vitamine D est associée à une perte d’attache parodontale. [12]
  • Un apport optimal en vitamine D et calcium diminue la résorption osseuse et assure une bonne minéralisation osseuse. [13]
  • L’apport de vitamine D et calcium peut constituer une voie supplémentaire de la gestion de la pathologie parodontale, ceci est confirmé par plusieurs études. [14] [15]

Vitamine C

  • La carence en vitamine Cnjoue un rôle de catalyseur dans la maladie parodontale. [16]
  • Il existe une corrélation entre concentration plasmatique en acide ascorbique et perte d’attache parodontale. [17] [18]
  • Les patients atteints de parodontite présentent une concentration sérique basse de vitamine C. [19]
  • La vitamine C joue un rôle d’inducteur dans la différentiation du desmodonte et dans l’homéostasie de l’os alvéolaire. [20]
  • Elle permet une inhibition de la résorption de l’os alvéolaire et de la destruction du tissu parodontal. [21]

Vitamine B9

  • L’acide folique joue un rôle de cofacteur dans le processus de cicatrisation : le gain d’attache clinique est plus important chez les patients suppléés en acide folique lors d’une thérapeutique parodontale comparativement à un placebo. [22]
  • Il existe une corrélation entre saignement gingival et concentration sérique basse en acide folique. [23]

Vitamine E

  • Elle améliore la cicatrisation parodontale par son rôle antioxydant afin de compenser en partie les concentrations plus basses en oxyde dismutase. [24]

Acides gras oméga-3

  • Ils ont un effet anti-inflammatoire général. [25]
  • Une étude portant sur un échantillon de plus de 9 000 personnes, montre que les apports en W3 sont inversement proportionnels à l’apparition de parodontites. [26]
  • Les W3 ont un rôle protecteur par modulation de l’inflammation parodontale. [27]
  • L’apport de W3 a diminué de manière significative les concentrations gingivales en prostaglandines PGE2 et PGF2 alpha (contribuent au développement de l’inflammation) dans des parodontites expérimentales. [29]
  • La perte osseuse alvéolaire est inversement proportionnelle aux concentrations tissulaires en W3. [29] [30]
  • 3 études récentes démontrent des perspectives intéressantes d’une supplémentation en W3 pour optimiser le succès du traitement parodontal. [31] [32] [33]

Coenzyme Q10

  • Il joue un rôle sur l’augmentation de la résistance des tissus parodontaux aux bactéries parodontopathogènes : la méta-analyse de Prakash et Al en 2010 montre sans conteste que l’administration orale de coenzyme Q10 augmente la concentration de celui-ci dans le parodonte pathologique et agit positivement sur l’inflammation parodontale. [34]

Magnésium

  • L’apport de magnésium permet une meilleure santé parodontale (étude sur plus de 4000 sujets de 20 ans à 80 ans) [35], et diminue le risque d’apparition de la maladie parodontale. [36]

Zinc, cuivre et fer

  • Les carences en zinc, cuivre et fer constituent un facteur de risque sur la survenue de parodontopathies. [37]
  • Zinc et cuivre jouent un rôle d’inhibiteur sur la coagrégation de porphyromonas gingivalis et donc sur sa pathogénicité [38] mais aussi sur prevotella intermedia et prevotella nigrescens [39]
  • Le fer joue un rôle clé dans la différentiation cellulaire des cellules desmodontales. [40]

Une formulation spéciale de ces 11 éléments dosés spécifiquement pour la parodontie a été mise au point (Parocomplex : laboratoire Netlab pharma) [41]. Une prescription systématique de 8 semaines de Parocomplex sera ordonnée lors de la première phase de traitement.

Association amoxicilline/ metronidazole

  • Une étude très récente montre que la prescription de cette association lors de la thérapeutique initiale diminue la probabilité d’avoir recours à une phase chirurgicale. [42]
  • Une étude suédoise de 2013 observe qu’un an après le traitement parodontal, le groupe ayant reçu un traitement au métronidazole a significativement moins de poches de plus de 5 mm. [43]
  • Une étude brésilienne de 2014 prouve qu’a un an, le groupe de diabétiques de type 2 ayant reçu l’association amoxicilline + métronidazole lors du traitement parodontal présente une réduction de la profondeur de poche, du saignement, un gain d’attache et une réduction des bactéries du complexe rouge (analyse PCR) beaucoup plus importantes que le groupe traité de la même façon sans antibiotiques. [44]

L’administration de métronidazole avec ou sans amoxicilline diminue la profondeur de poche à un an de manière significative par rapport au traitement parodontal seul. [45]

  • Socransky et Haffajee en 2006 trouvent les mêmes résultats cliniques à un an (forte diminution des espèces bactériennes, réduction de saignement au sondage, gain d’attache et diminution de profondeur de poche) entre un groupe ayant reçu l’association d’antibiotiques sans autre traitement et un autre ayant reçu un détartrage / surfaçage seul. [46]
  • Ces résultats sont également confirmés par Rooney et coll [47], Winkel et coll [48] ainsi que plusieurs revues de littérature récentes. [49] [50]
  • Renvert et Slots en 1990 ont constaté la persistance d’A. actinomycetemcomitans dans les poches parodontales 6 mois après un débridement mécanique conventionnel sans antibiotiques.

Il est donc raisonnable d’inclure de manière systématique une prescription d’antibiotiques associant amoxicilline et métronidazole dans le protocole de traitement des parodontites dès lors que le diagnostic a été correctement posé. Un traitement de 8 jours (250 mg de métronidazole et 500 mg d’amoxicilline, 3 fois par jour) sera initié 4 jours avant le rendez-vous de désinfection globale.

Probiotiques

L’utilisation de plus en plus importante des probiotiques notamment dans la sphère gastro-intestinale et les nombreux résultats de leurs effets bénéfiques a suscité l’intérêt de nombreux chercheurs sur leur utilisation dans le domaine de la santé parodontale.

Conditions pour qu’un probiotique puisse agir au niveau de la cavité buccale [51]

  • Il doit adhérer aux surfaces dentaires (au moins de façon transitoire).Cette adhésion augmente le temps de contact de celui-ci avec les surfaces hautes (fluides et cellules épithéliales) facilitant ainsi l’action future du probiotique.
  • Il doit produire des substances antimicrobiennes contre les pathogènes buccaux, comme le peroxyde d’hydrogène, les acides organiques et des bactériocines.
  • Il est nécessaire qu’il altère les conditions de l’environnement buccal en modulant le pH et / ou le potentiel redox, et modifiant ainsi l’adhérence des pathogènes.
  • Il est nécessaire qu’il réduise la réponse inflammatoire (humorale et cellulaire).
  • Il est nécessaire qu’il soit sûr et sans risque pour l’organisme.

Des probiotiques sélectionnés permettent donc d’agir positivement sur les 4 conditions nécessaires à l’installation d’une parodontite par : diminution des bactéries virulentes, présence de bactéries protectrices, réduction de la défaillance immunitaire et amélioration de l’environnement dento-gingival (Modèle infectieux de Socransky 1979). Un certain nombre d’études ont montré que la prise quotidienne pendant plusieurs semaines de Lactobacillus Reuteri réduisait le nombre de bactéries pathogènes (notamment Porphyromonas Gingivalis et Prevotella Intermedia) de manière significative par rapport au surfaçage seul [52], améliorait nettement les paramètres cliniques versus placebo [53] principalement grâce à la production de Reuterine (antibiotique naturel) [54] [55] [56], et diminuait la réaction inflammatoire de l’hôte. [57] [58] D’autres probiotiques tels que Lactobacillus Salivarius [59] [60] [61], Lactobacillus Acidophilus [62], Lactobacillus Rhamnosus [63], Bifidobacterium Bifidum [64] ont également montré un intérêt complémentaire en terme de réduction de la flore parodontopathogène, réduction de l’inflammation et amélioration générale des paramètres cliniques. Une récente revue de littérature [65] conclut que les probiotiques sont faciles à utiliser, présentent peu de risques, améliorent les paramètres cliniques et les résultats associés à un détartrage / surfaçage.

Une action synergique de ces souches les plus documentées et les plus efficaces (Parobiotic, laboratoire Netlab) [66] sera initiée de manière systématique dans nos traitements parodontaux afin de les potentialiser et de les pérenniser (cure de 8 semaines). Il ne s’agit pas ici d’entrer dans le détail de chaque séance du traitement parodontal  qui correspond au déroulement classique d’une thérapeutique initiale, mais juste de décrire les grandes lignes et de proposer quand et comment les supplémentations seront introduites.

1er rendez-vous
Anamnèse (vérification de l’existence de contre-indications aux différentes prescriptions), écoute du patient, examen clinique, examen radiographique, diagnostic de parodontite. Explication de la maladie au patient (mécanisme, causes, facteurs aggravants, pronostic) et explication du traitement. Prise de photographies. Remise de documents informatifs et d’un devis.

Séance de motivation
Rappel des explications du premier rendez-vous, mise en évidence de la plaque dentaire et du biofilm (révélateur de plaque, microscope), mise en place d’une technique de brossage adaptée, enseignement des moyens de nettoyage annexes (fil, brossettes interdentaires). Cette séance est la pierre angulaire du traitement : la recolonisation des poches 3 semaines après une désinfection globale montre une flore identique à celle présente avant le traitement en l’absence d’un contrôle de plaque satisfaisant. [67] Des documents classiques ou numériques résumant la séance sont remis au patient ainsi qu’une ordonnance explicative comportant les outils nécessaires adaptés à son cas : brosse à dents manuelle ou électrique, brossettes, fil dentaire, antiseptiques (Chlorhexidine 0,12 %, peroxyde d’hydrogène à 1,5 %), supplément vitaminé (Parocomplex), probiotiques (Parobiotic) et antibiotiques. Les antiseptiques sont prescrits pour 1 mois, les vitamines et les probiotiques pour 2 mois, l’association d’antibiotiques (amoxicilline+metronidazole) sera commencée 4 jours avant le rendez-vous de désinfection globale et poursuivie 4 jours après.

Désinfection globale
1 mois après la séance de motivation. Vérification du contrôle de plaque et correction si nécessaire. Vérification de la médication. Détartrage/surfaçage sous anesthésie avec ultrasons sous irrigation de povidone iodée [68], utilisation de curettes manuelles, pulvérisation de bicarbonate de sodium grâce à des embouts stériles sous gingivaux [69] [70] (Perio Flow EMS), élimination des éléments rétentifs de plaque (obturations ou coiffes débordantes), amélioration des embrasures, polissage de toutes les surfaces dentaires (aéropolisseur et brossettes rotatives + pâte à polir). Le patient est sous antibiotiques depuis 4 jours, il prend ses vitamines et ses probiotiques depuis 1 mois. Il poursuit ses antibiotiques 4 jours de plus et ses vitamines et probiotiques 1 mois de plus.

Réévaluation
Elle a lieu 2 mois après la désinfection. Les paramètres cliniques sont objectivés (saignements, présence de plaque, profondeur de poche, mobilités), prise de photographies, interrogation sur la nécessité d’une contention, de la prescription d’un antiseptique quotidien (Listerine), d’une phase chirurgicale ?

Première séance de maintenance
4 à 6 mois après la réévaluation. Nouvelle objectivation des paramètres cliniques, détartrage, polissage, remotivation, fixation de la périodicité des visites de maintenance. Interrogation sur la nécessité de represcrire des vitamines (habitudes alimentaires du patient, sérologie éventuelle). Nouvelle prescription de probiotiques pour 1 mois de traitement à chaque séance de maintenance afin de participer à la pérennisation du résultat. La maintenance fait partie intégrante du traitement.

Discussion

Même si d’autres études sont nécessaires afin d’affiner les doses, les supports, et les durées de prescription, il semble incontestable que la remise à niveau de certains nutriments et la prescription de probiotiques apportent une amélioration des résultats dans le cadre de nos traitements parodontaux. Ce sont des « modulateurs de traitement » qui agiront positivement sur le résultat au même titre que l’utilisation des antiseptiques ou la motivation du patient.

Examen du ratio bénéfice/risque
Les bénéfices sont clairement démontrés dans la littérature scientifique. Les risques : surdosage en nutriments, effets secondaires, infections dues aux souches de probiotiques sont quasi inexistants.

Examen du ratio coût/bénéfice
Le coût des thérapeutiques chirurgicales parodontales ou implantaires étant relativement élevé, le prix de la supplémentation est donc proportionnellement faible en regard des bénéfices apportés. Ce protocole de supplémentation Parocomplex et Parobiotic 1 mois avant et 1 mois après l’intervention) peut donc être étendu à toute intervention de chirurgie buccale (management de tissus mous, greffes osseuses, extractions multiples, pose d’implants). Le bénéfice apporté en terme de cicatrisation et de diminution du risque infectieux étant bien supérieur aux effets secondaires négligeables, pour un coût proportionnellement limité. Cette prescription trouve toute sa place en médecine dentaire moderne où le patient est envisagé dans sa globalité et où l’on reconnaît que sa pathologie locale est aussi soumise à l’influence de facteurs plus généraux.