Comment réussir un challenge esthétique en secteur antérieur

Une patiente de 51 ans, adres­sée par un correspondant en mai 2011, s’est présentée au cabinet avec une doléance principalement esthétique. Elle n’a pas d’antécédents médicaux particuliers et arrêté de fumer depuis cinq ans. Des provisoires réalisées deux ans aupa­ravant par un confrère étaient en bouche en situation de 12, 11, 21, 22. Très for­tement infiltrées par la carie, les racines étaient poreuses et non conservables.

Il n’y avait pas d’urgence à réaliser ce challenge et donc nous disposions d’une liberté dans le temps afin de parvenir à un résultat esthétique de qualité, la pla­nification et l’évaluation des risques permettant de cadrer la situation cli­nique. Du point de vue clinique nous pouvons observer la RX et les dents an­térieures 12, 11, 21, 22 ; (Fig.1).

Fig.1 : Des provisoires réalisées deux
ans auparavant par un confrère étaient en bouche en situation de 12, 11, 21, 22.

Traitement parodontal initial

Nous réalisons pour commencer un trai­tement comprenant un assainissement profond des 4 sextants avec encoura­gements et motivation à l’hygiène. Le travail de maintenance commence dès maintenant avant le travail implantaire exécuté. Motivation et enseignement à  l’hygiène sont indissociables. Il existe maintenant des programmes d’accom­pagnement novateurs adaptés à la maintenance de différentes situations cliniques qui aident le praticien dans ses objectifs thérapeutiques pré et pos­topératoires. Aujourd’hui, j’ai choisi les programmes Specialys afin de proposer une réponse globale et adaptée aux be­soins d’hygiène bucco-dentaire de mes patients et maintenir dans le temps les résultats cliniques chirurgicaux et non chirurgicaux que j’ai pu entreprendre.

Les traitements implantaires ne se li­mitent pas à la pose d’un implant et de sa couronne dentaire. Notre obliga­tion de moyens nous invite à une prise en charge globale pré, per et postopéra­toire de nos patients. Avec la montée en puissance des traitements implantaires, les cabinets ou structures de mainte­nance ont pris un essor considérable et vont encore se multiplier avec des ou­tils et programmes attachés. Dans un traitement global il y a le traitement chirurgical peropératoire et les traite­ments solidaires non chirurgicaux pré et postopératoires.

Le traitement non chirurgical est accompagné du relationnel et de l’empathie que l’on peut engendrer et communiquer à ses patients afin d’as­surer une prise en charge globale tou­jours sollicitée et espérée mais souvent occultée par beaucoup de confrères et consoeurs. Le temps est la maladie du siècle qui empiète sur la qualité de nos traitements. Prenons notre rythme : les bons outils avec le temps sont les para­mètres initiaux de nos traitements. Sur cette patiente l’hygiène était moyenne. Des curetages profonds ont été réali­sés au moyen d’une instrumentation sous-gingivale et sous-muqueuse. Un cadran par semaine a été réalisé sous anesthésie locale, secteur 1, 2, 3, 4, sous quatre semaines. Un sondage des poches a été effectué et un contrôle de semaine en semaine : douleur, couleur, forme, granité et saignement de la gen­cive sont évalués.

Procédure clinique

Notre responsabilité s’étend au-delà du résultat d’une pose prothétique im­médiate mais aussi dans son devenir et son maintien dans le temps. Il n’y avait pas d’urgence, donc la prédictibilité et l’évaluation des risques orientaient ce challenge vers une procédure en deux temps opératoires chirurgicaux. Nous procédons à l’extraction des 4 ra­cines 12, 11, 21, 22 avec abord par un lambeau muco-périosté et décharge en distal de 13 et 23. Les racines ont été luxées le plus délicatement possible (abord ligamentaire très fin au périotome)afin de préserver les corticales vestibulaires garantes du volume osseux et facteurs essentiels de l’os résiduel néo-formé.

Nous réalisons le curetage très soi­gneux des alvéoles à l’aide de curettes de Lucas. Nous effectuons la stimula­tion osseuse à l’aide de ces mêmes cu­rettes et de fraises boules rondes chirur­gicales sur CA pour le fond des alvéoles. C’est déjà à ce stade que l’on va essayer d’évaluer et d’identifier les risques qui pourraient altérer la qualité de la réali­sation finale. Je n’hésite pas à prendre un papier et un crayon et à énumérer les relations visuelles et les fluctua­tions gingivales et osseuses qui peuvent se poser ultérieurement, m’empêchant d’atteindre mes doléances. Quelquefois il peut y avoir dix points particuliers différents sur une même dent. Point par point, il faut savoir y répondre et essayer de trouver la solution. Nous ré­alisons l’évaluation du support osseux: nombre de murs osseux 1, 2, 3, 4 et sa qualité. Nous planifions une greffe per et post opératoire, ou les deux.

La qua­lité de la gencive est évaluée : forme, contour, couleur, granité, maturation, saignement. La qualité esthétique re­quise, par le praticien et le patient, lors d’un traitement n’est pas hypothétique mais le fruit d’une prédictibilité du trai­tement implantaire par son analyse très fine en amont. Une prothèse mobile remplaçant ces 4 incisives est initiée le jour même des extractions ; (Fig.24, 30 et 31).

À ce stade une planification peut-être posée: analyser adiologique 3D Cranex avec programme d’analyse « on demand » ;(Fig.2 à 10b).

Fig.2 à 10b : À ce stade une planification peut être posée : analyse radiologique 3D Cranex avec programme d’analyse « on demand ».

Nous avons fait le choix d’implants Bone Level de Straumann pour ce cas clinique afin d’avoir plus de laxité concernant la zone esthétique en relation directe avec la partie secondaire qui sera réalisée à la demande par CFAO (Edcon de Straumann). Le choix de ces implants est devenu une référence clinique en matière esthétique. De conception simple, ces implants (pose en un temps opé­ratoire) nous donnent une laxité prothétique par diffé­rents choix de partie secondaire en forme et matériau. De nombreuses publications permettent d’orienter notre choix thérapeutique. Les références cliniques ne sont plus à démontrer, conférant une prédictibilité ac­crue dans divers contextes cliniques. Le profil de ces im­plants RC et NNC permet d’obtenir des papilles inter-in­cisives. Utiliser un bon implant permet de rassurer le patient et d’être également rassuré sur la perspective esthétique à rendre au patient. L’incisive latérale, ayant un diamètre plus petit, se rapproche plus intimement du diamètre NNC 3,3 mm. La plateforme prothétique étant étroite, elle permet d’avoir un diamètre MD plus réduit. Avec ces implants nous avons une plus grande liberté de positionner la limite des couronnes céra­miques par rapport au feston gingival et de calibrer le profil d’émergence. L’anatomie cervicale requise des couronnes entièrement céramiques peut être dictée de manière très précise. À partir du support osseux, tout est à la demande, donc mieux adapté aux prérogatives prothétiques contrairement à l’implant Tissue Level où le profil d’émergence est déjà prédéfini par le col lisse de l’implant. Il semble aussi que sur les piliers CFAO Zircon, l’intégrité de la gencive en contact direct soit mieux to­lérée dans le temps qu’avec un pilier métal. Nous réali­sons l’abord par un lambeau muco-périosté, et décolle­ment vestibulaire et palatin afin d’évaluer l’épaisseur de la crête osseuse résiduelle après extractions ; (Fig.12).

Il n’a pas été fait de guide chirurgical confectionné d’après les images Dicom des RX 3D(choix personnel). Le centrage de la crête est repéré d’après les éléments anatomiques : frein, distance entre les canines, ailes du nez, frein ligne inter-incisives des incisives inférieures ; (Fig.13, 14b).

Il est marqué avec une fraise osseuse Zekrya. Elle res­tera en place tout au long de l’intervention jusqu’à la fin de la pose des 4 implants NNC et RC12 mm ; (Fig.16, 17).

On vérifiera la symétrie des jauges avant la pose implan­taire afin de prévisualiser le positionnement précis des implants ; (Fig.14 et 16c). Nous réalisons la mise en place symétriquement des implants pour incisives latérales 12 et 22 (NNC 12 mm, diamètre 3,3 mm) ; (Fig.14 à 16c). Puis nous effectuons la mise en place symétriquement des implants RC 12 mm sur 11 et 21 (diamètre 4,1 mm) ;(Fig.16 à 18b).

Fig.13 à 14b : Le centrage de la crête est repéré d’après les éléments anatomiques : frein, distance entre les canines, ailes du nez, frein ligne inter-incisives des incisives inférieures. Fig.14a à 16c : On vérifiera la symétrie des jauges avant la pose implantaire afin de prévisualiser le positionnement précis des implants. Nous réalisons la mise en place symétriquement des implants pour incisives latérales 12 et 22 (NNC 12 mm, diamètre 3,3 mm)
Fig.16a, b, c et 17 : Le centrage de la crête est marqué avec une fraise osseuse Zekrya. Elle restera en place tout au long de l’intervention jusqu’à la fin de la pose des 4 implants NNC et RC 12 mm. Fig.16a, b, c à 18b : Mise en place symétriquement des implants RC 12 mm sur 11 et 21 (diamètre 4,1 mm).
Fig.18a et 18b : Mise en place des vis de cicatrisation hautes de 5 mm pour NNC (plus étroites pour incisives latérales) et 5 mm pour RC (plus larges pour les incisives centrales).

Lors de cette phase chirurgicale, plusieurs ques­tions interpellent le praticien : nécessité d’une greffe osseuse avec ou sans membrane : allogreffe, xénogreffe,  hiatus du site implantaire, qualité de la gencive, nombre de murs osseux nourriciers résiduels, qualité osseuse et situation de l’implant mésio-distal (MD) plus ou moins enfouie induisant un profil d’émergence particulier de la partie secondaire.

Choix des vis de cicatrisation implantaire

Il se fait en fonction de l’évaluation de la largeur prothé­tique de la future céramique et de la hauteur du manchon muqueux (vis à la demande). Sachant que cette pré-forma­tion du manchon muqueux va être totalement sphérique, ce n’est qu’une seconde étape dans la formation du fes­ton et des papilles gingivales. L’état des vis sera contrôlé régulièrement avec celui de la gencive périphérique.

L’aménagement de l’intrados de la prothèse pourra être retouché à la demande en fonction de la maturation des papilles. Nous mettons en place des vis de cicatrisation hautes de 5 mm pour NNC (plus étroites pour incisives laté­rales)et5mm pour RC(plus larges pour les incisives centrales) ; (Fig.18a et 18b). Nous réalisons des sutures par points sé­parés inter-dentaires bien serrés à l’aide d’un fil 5/0 po­lyglécaprone et l’aiguille tapercut 19 mm 3/8de cercle(fil favori dans plusieurs interventions) ;(Fig.19 et 20).

Fig.19 à 29 : Sutures par points séparés inter-dentaires bien serrés à l’aide d’un fil 5/0 polyglécaprone et l’aiguille Tapercut 19 mm 3/8 de cercle.

Attente de 3 mois avec la prothèse amovible transitoire et modelage des papilles

Une première procédure de cicatrisation est mise en place sur l’intrados de cette prothèse par compression et libération de la muqueuse cicatricielle afin de faire germer les prémices papillaires inter-dentaires ; (Fig.24 à 30).On peut apercevoir des rainures transversales per­pendiculaires au bord incisal et situées au niveau des papilles engendrant une libération de la muqueuse. Au niveau des dents extraites la résine compressera légè­rement l’alvéole ; nous dirons une compression dyna­mique. Ainsi la gencive trouvera son chemin sur la voie de libération qu’est la papille qu’il faudra faire renaître dans bien des challenges implantaires. Cette procédure de préformation des papilles peut être appliquée lors des extractions et continuera après la pose des implants.

Fig.24, 30 et 31 : Une prothèse mobile remplaçant ces 4 incisives est initiée le jour même des extractions.

Choix et pose des implants

Implants 12 mm NNC sur 12 et 22 et implants 12 mm RC sur 11 et 21 (voir la planification 3D) ;(Fig.2 à 10).

Choix des vis de cicatrisation prothétique

Nous mettons en place des vis de cicatrisation hautes de 5 mm pour NNC (plus étroites pour les incisives latérales) et5mmpourRC(plus larges pour les incisives centrales); (Fig.18a et 18b). Nous réalisons les sutures par points sé­parés inter-dentaires bien serrés à l’aide d’un fil 5/0 po­lyglécaprone transparent et une aiguille tapercut 19 mm 3/8 de cercle ; fil favori dans plusieurs interventions ; (Fig.19 et 20). Il s’agit du formatage chirurgical des pa­pilles. Le tissu néoformé autour des vis sera complète­ment circulaire. Dans un deuxième temps, la pose de couronnes provisoires résine permettra de modeler plus intimement le feston gingival et les papilles par com­pression et libération à l’aide de composite flow ou ré­sine liquide et cupule diamantée caoutchouc.

Procédure prothétique

Prise d’empreinte
Avec tenon à empreinte et porte-em­preinte perforé ; (Fig.34).

Fig.32 à 34 : Prise d’empreinte avec tenon à empreinte et porte-empreinte perforé.

Pose des couronnes provisoires

Nous posons des couronnes provisoires en résine afin de prévisualiser et avali­ser l’essai clinique esthétique (piliers pro­visoires avec couronnes provisoires résines). Le collet des couronnes résines est modelé et retouché à la demande de semaine en semaine jusqu’à maturation parfaite du feston support des papilles gingivales. Après la mise en fonction occlusale, nous attendrons environ deux mois afin de gérer de manière esthétique la réhabi­litation prothétique. À ce stade les cou­ronnes provisoires sont soit transvis­sées, soit sur piliers provisoires, soit posées directement sur les piliers CFAO Zircon définitifs. Nous avons choisi cette dernière option avec des piliers définitifs CFAO pour la partie secondaire en fonc­tion : du choix de l’implant, de son empla­cement, du type de muqueuse et de son épaisseur, du profil d’émergence et de la teinte des dents adjacentes. Maintenant nous pouvons affirmer que l’usinage CFAO en céramique fait partie de notre arsenal thérapeutique esthétique d’une manière fiable et certaine sans tracasse­ries surajoutées ; (Fig.35 à 38).

Fig.35 à 37 : Le modelage des papilles inter-dentaires et du feston gingival est réalisé toujours par compression et libération de la gencive entre les piliers CFAO. Fig.38 à 41 : Réalisation au laboratoire des couronnes céramiques sur chape Zircon.

Modelage des papilles

Le modelage des papilles inter-dentaires et du feston gingival est réalisé toujours par compression et libération de la gen­cive entre les piliers CFAO ; (Fig.35 et 36).

Choix des piliers CFAO Zirconà la demande

Les piliers à la demande CFAO Zircon sur implant Straumann NNC et RC vont donner un feston gingival en ma­turation dans le temps après la pose des couronnes céramiques définitives. Les profils d’émergence seront obtenus avec ces piliers CFAO. Ils sont simples et efficaces, respectant le volume os­seux entre les implants et définissant un bon support et une bonne tenue des papilles inter-implantaires.

Réalisation des couronnes céramiques au laboratoire

Nous faisons réaliser des couronnes cé­ramiques sur chape Zircon ; (Fig.38 à 41).

Au cabinet :

Nous réalisons la pose de 4 céramiques antérieures (latérales et centrales) sur chape Zircon ; (Fig.43 à 48). Nous effec­tuons le contrôle et la maintenance, lors de la pose ; (Fig.43 à 49)et à 2 ans ; (Fig.50 à 52). Le résultat esthétique donne satis­faction au patient. La ligne gingivale est harmonieuse, les papilles inter-implan­taires sont intactes, la muqueuse est ké­ratinisée, la forme et le volume des cou­ronnes harmonieux.

Fig.43 à 49 : Nous réalisons la pose de 4 céramiques antérieures (latérales et centrales) sur chape Zircon. Fig.50 à 52 : Contrôle à 2 ans.

Conclusion

Avec ces implants Roxolid le résultat es­thétique est stable et reste harmonieux dans le temps. Nous pouvons remarquer la maturation positive dans le temps des papilles inter-dentaires participant au fes­ton gingival, signe d’une bonne santé pa­rodontale (gencive et os). L’emploi de piliers CFAO, partie secondaire, semble contri­buer favorablement à long terme à la sta­bilité et l’esthétique. La mitoyenneté des tissus environnants semble s’adapter très favorablement au Zircon. Les phases prothétiques provisoires ont participé à la maturation des tissus mous autour des couronnes céramiques qui favorisent le résultat esthétique. Le procédé Edcon de Straumann concernant la partie secondaire participe à l’optimisation es­thétique des tissus mous et à la teinte même du rendu esthétique avec beau­coup plus de translucidité et de transpa­rence. C’est un procédé innovant auquel il va falloir se référer à chaque challenge esthétique. L’attention a été portée sur le diagnostic et l’évaluation des écueils éventuels afin de planifier un traitement implantaire et l’évaluation de tous les facteurs de risques en toute sérénité. La prise en charge postopératoire a été pla­nifiée dans le temps afin d’évaluer et de prévisualiser un problème qui se présen­terait. Augmenter la pérennité du résultat esthétique dans le temps fait aussi partie de la réussite du traitement à long terme.