La résistance aux antibiotiques : pourquoi s’en préoccuper ?
L’antibiorésistance est la résistance des bactéries aux antibiotiques. À chaque fois que ces médicaments sont utilisés en excès ou dans un mauvais contexte, les bactéries pathogènes peuvent évoluer et développer une résistance.
Face à la surconsommation actuelle d’antibiotiques ; (Fig.1), certaines bactéries évoluent, deviennent très redoutables et résistent aux traitements classiques.
Aujourd’hui, on estime que 700 000 personnes meurent à cause de l’antibiorésistance chaque année. Lorsque les antibiotiques perdent de leur efficacité, les procédures médicales désormais considérées comme peu risquées (opération de l’appendicite, césarienne, chimiothérapie…) et les maladies bactériennes aisément guérissables (cystite, pneumonie…) peuvent redevenir mortelles.
Conséquences de la résistance aux antibiotiques
- Échecs thérapeutiques et récidives augmentant les maladies chroniques.
- Augmentation de la morbidité (handicap, évolutions défavorables) et de la mortalité.
- Effets indésirables des traitements alternatifs (susceptibles d’être moins efficaces et/ou plus toxiques).
- Rechute de l’infection après le traitement.
- Augmentation de la diffusion des bactéries résistantes aux antibiotiques et des infections nosocomiales et communautaires qui leur sont associées.
- Multiplication du recours aux antibiotiques.
- Pénurie d’antibiotiques efficaces sur le plan clinique.
- Séjours hospitaliers plus longs et plus compliqués.
- Coûts supplémentaires pour les systèmes de santé.
- Perte progressive de la productivité de la société.
Un enjeu de santé publique majeur
Si la consommation mondiale de ces médicaments ne diminue pas, le prix à payer pourrait être dix millions de morts par an et un coût de cent mille milliards de dollars. Des chiffres alarmants imputables à l’antibiorésistance, d’ici 2050, selon un rapport de l’économiste anglais Lord Jim O’Neill, intitulé « Confrontation mondiale des infections résistantes aux médicaments : rapport final et recommandations ». Cependant, pour Lord Jim O’Neill, il n’est pas trop tard pour inverser la tendance. Celui-ci propose ainsi une première mesure à appliquer au plus vite : réduire la prescription et la consommation d’antibiotiques. Pour cela, il préconise des campagnes d’information pour que les patients et les éleveurs commandent moins d’antibiotiques, et que les médecins, les chirurgiens-dentistes et les vétérinaires mettent tout en œuvre pour en prescrire moins.
Constat d’une alarmante augmentation des antibiotiques prescrits par les dentistes
Des chercheurs canadiens ont analysé les données de prescriptions de 1996 à 2013, afin d’évaluer les ordonnances d’antibiotiques en dentisterie. Les chiffres ont révélé une augmentation significative de la prescription d’antibiotiques établie spécifiquement par les professionnels dentaires. L’étude a été menée à l’University of British Columbia au Canada sur des données de prescription dans cette région.
En 2013, les praticiens en Colombie-Britannique ont délivré 2,6 millions d’ordonnances d’antibiotiques, dont 11,3 % par des dentistes. La fréquence de prescription par ces derniers a augmenté de plus de 62 %.
En ce qui concerne les agents antibactériens spécifiques, les chercheurs ont constaté une augmentation de l’utilisation de l’amoxicilline et la clindamycine, qui étaient, en 2013, les agents individuels les plus couramment utilisés en dentisterie. En revanche, la prescription de pénicilline au spectre antibiotique plus étroit a nettement diminué, bien qu’elle soit généralement recommandée comme l’agent de première intention dans de nombreux cas dentaires.
Ces recherches soulignent cette tendance préoccupante, du fait notamment de risque accru d’apparition de Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline lorsqu’il est associé à la prise d’amoxicilline.
Un tiers des ordonnances établies par les dentistes seraient inutiles
Les antibiotiques prescrits par les praticiens contribueraient à l’émergence de résistances bactériennes chez Clostridium difficile, une souche responsable d’infections digestives nosocomiales sévères. C’est la conclusion d’une étude présentée lors de l’ID Week 2017 (congrès annuel de la société américaine d’infectiologie). Cette étude souligne qu’une majorité de ces prescriptions dentaires est jugée inutile. L’infection à Clostrium difficile se contracte dans les établissements hospitaliers ou les maisons de retraite. Depuis 2005, plusieurs épidémies ont été recensées aux États-Unis, au Canada ainsi qu’en Europe. En analysant les données de 1 700 malades atteints de cette infection, mais qui n’ont pas été admis à l’hôpital entre 2009 et 2015, les médecins ont découvert que 15 % d’entre eux avaient reçu des antibiotiques de la part de leur dentiste. La clindamycine, un antibiotique associé à des résistances chez Clostridium difficile, était le médicament le plus prescrit. Pour près d’un tiers des patients, les soins bucco-dentaires ne nécessitaient pas un traitement antibiotique, selon les auteurs. Autrement dit, ces dentistes n’auraient pas respecté les recommandations.
Règles de prescriptions
Le respect des règles de prescriptions d’antibiotiques éditées par l’AFFAPS en 2011 en fonction du type de patient, accompagné de la mise en œuvre réelle de la prévention des infections liées aux soins (guide de DGS 2006) permettraient de réduire de plus de la moitié les prescriptions d’antibiotiques en postopératoire.
« Il est important que les dentistes connaissent les répercussions des prescriptions d’antibiotiques, y compris les conséquences sur C.difficile », estime Stacy Holzbauer, responsable des travaux de recherche et épidémiologiste au département de santé du Minnesota.
Recommandations du conseil des dentistes européens
Le Conseil des dentistes européens (Council of european dentists-CED), le Comité permanent des médecins européens (CPME) et la Fédération des vétérinaires d’Europe (FVE) ont approuvé un nouveau plan de la Commission européenne pour lutter contre la résistance aux antimicrobiens (AMR).
« Le CED reconnaît que la médecine dentaire subira une crise importante par la perte d’antibiotiques en tant qu’agents efficaces dans le traitement de l’infection humaine », a déclaré le Dr Marco Landi, président du CED. « Il est donc essentiel, en termes de santé publique et bucco-dentaire, que les dentistes prescrivent uniquement des antibiotiques lorsqu’ils sont nécessaires et appropriés et qu’ils aident les patients à comprendre que les antibiotiques ne guérissent pas les dents ».
Le président du CPME, le Dr Jacques de Haller, a aussi déclaré : « Les prescripteurs devraient être encouragés et dotés d’outils appropriés pour établir des prestations fondées sur des preuves et pour éviter les ordonnances aveugles. »
Réduire sa prescription d’antibiotiques en utilisant des alternatives naturelles
Des solutions alternatives naturelles existent et ont fait leurs preuves depuis longtemps. L’association Odenth a organisé au mois de mai un congrès à Bruxelles (1) sur le thème « Les alternatives naturelles aux antibiotiques ».
Pourquoi les probiotiques sont-ils recommandés et comment agissent-ils dans le cadre de la médecine dentaire ? Quels sont les remèdes homéopathiques efficaces ; (Fig.2) dans la gestion des infections bucco-dentaires ? Comment utiliser ceux-ci ? Les huiles essentielles ; (Fig.3) sont largement documentées dans leurs propriétés antibactériennes à large spectre : quand et comment les utiliser ?
Comment employer des remèdes naturels pour réduire les antibiotiques en parodontologie et en implantologie ? Comment appréhender les allergies aux antibiotiques avec des oligo-éléments ; (Fig.4) ? Quand et comment user de l’ozonothérapie en médecine dentaire ? L’argent colloïdal ; (Fig.5) l’extrait de pamplemousse et la propolis ; (Fig.6) sont des remèdes naturels efficaces qui ont fait leur preuve et qui peuvent remplacer les antibiotiques dans une grande majorité de cas. Quand et comment les prescrire ?
Des conférenciers de renom étaient présents à ce congrès. Il a été question d’histoire, d’immunité, de biologie, de phytothérapie, d’aromathérapie, d’homéopathie, de lasers. On a aussi parlé d’odontologie légale : le respect des prescriptions adaptées dans nos pratiques bucco-dentaires et la mise en œuvre de la prévention des infections liées aux soins réalisés en médecine dentaire.
Il n’est pas question d’utiliser n’importe quoi, n’importe comment pour remplacer des antibiotiques mais de prévenir les risques infectieux et de limiter ainsi la prescription aveugle en amont. Pour utiliser à bon escient ces remèdes naturels, il est aussi important de se former pour apprendre les bons dosages et les différentes applications cliniques.
C’était l’objectif de ce congrès : partage d’expériences et de savoir-faire dans le domaine de l’utilisation des médecines naturelles pour nous aider à réduire notre prescription d’antibiotiques et lutter contre l’antibiorésistance.