Bien accueillir les patients à mobilité réduite
Bien évidemment, selon que votre cabinet se situe en pleine ville ou en zone périphérique que vous l’avez acquis récemment ou que vous y exercez depuis trente ans, la situation sera différente. Avec la meilleure volonté du monde, quand vous travaillez dans un immeuble ancien, l’accessibilité est parfois impossible. « J’ai repris un cabinet il y a dix ans, en plein centre-ville de Guéret (Creuse), dans un bâtiment très ancien, à la façade classée, au premier étage, sans ascenseur, explique le Dr Christian Boyer. Nous avons fait appel à un maître d’œuvre, on a failli installer un monte-personnes, mais comme celui-ci aurait réduit la largeur d’escalier, ce qui est non conforme en cas d’intervention des pompiers, cette solution a été abandonnée. J’ai pensé déménager, mais faut-il encore trouver une surface à louer ou à vendre dans le même secteur. Car le cabinet est à proximité des collèges et lycées, ce qui est très confortable pour mes jeunes patients. » Le chirurgien-dentiste a donc demandé et obtenu une dérogation pour raison technique. Son confrère de Paris est dans le même cas de figure. « J’exerce dans un immeuble haussmannien, témoigne Nicolas Girard. Il y a deux marches en marbre à l’entrée, je dois descendre, moi-même, aider mes patients à entrer dans l’ascenseur, J’ai donc demandé une dérogation pour l’accessibilité des parties communes. »
Obtenir une dérogation est possible pour un cabinet existant, mais pas en cas de construction neuve ou de rénovation complète. Le Dr Sandie Laurent vient ainsi de transférer son cabinet à la périphérie de Bergerac (Dordogne) afin de trouver un ancien bâtiment de plain-pied qu’elle a complètement rénové. « La demande de permis de construire devait tenir compte de toutes les normes d’accessibilité, c’est l’architecte qui a géré tout le dossier. »
Du stationnement à votre porte d’entrée à votre porte d’entrée
Tout commence donc pour les patients à mobilité réduite avec la possibilité de garer un véhicule qui contient un fauteuil roulant, à proximité de l’entrée du cabinet, sur un emplacement marqué au sol, d’une largeur de 3,30 m, avec un panneau de signalisation vertical. Si vous ne disposez pas d’un parking, vous pouvez demander, comme Jean-Claude Lucet à Selles- sur-Cher (Loir-et-Cher) à la mairie, la réservation d’une place réglementaire, avec pose d’un arceau escamotable.
Ensuite, le parcours doit être sans obstacle, depuis la voirie publique et permettre le croisement avec une personne valide. Si des pentes sont nécessaires, elles doivent respecter des normes bien établies et présenter des paliers de repos tous les 10 mètres, en haut et en bas de chaque plan incliné, de part et d’autre de chaque porte automatique coulissante. La porte d’entrée doit présenter une largeur de 0,90 mètre (0,77 m en cas de murs porteurs).
Le cheminement intérieur facilité
La circulation pour les patients à mobilité réduite doit être facilitée grâce à un sol non glissant, sans obstacle. Tous les aménagements doivent être atteignables pour les patients à mobilité réduite (hauteur du bureau d’accueil inférieure à 0,80 m) et les pièces (entrée, salle d’attente, salle de soins) doivent être dimensionnées afin de permettre l’espace de manœuvre d’un fauteuil avec possibilité de demi-tour (aire de giration de 1,50 m) ou le déplacement d’une personne avec une ou deux cannes. Les portes intérieures feront au moins 0,80 m de large, les ressauts ne devront pas excéder 2 cm (ou 4 cm en cas de chanfrein de 33 % maximum) et un espace de manœuvre sera prévu de part et d’autre des portes.
Les sanitaires ouverts au public
Les cabinets dentaires sont des établissements recevant du public (ERP), de catégorie 5. La loi ne leur impose pas des sanitaires ouverts au public mais ils y sont très souvent contraints par le règlement sanitaire départemental. Si vos toilettes sont ouvertes aux patients, elles doivent être accessibles à tous sans discrimination, avec de nombreux points de vigilance à respecter pour les patients à mobilité réduite : espace de manœuvre, positionnement du lave- mains, positionnement de la cuvette, espace d’usage afin de permettre le transfert d’une personne en fauteuil roulant.
Un équipement adapté en salle de soins
« La réglementation n’impose rien en matière d’équipement de la salle de soins, fait remarquer Janig Bruchier, chirurgien-dentiste à Saint-Brieuc (Côtes d’Armor). Mais il va de soi que pour soigner des personnes handicapées, il faut un fauteuil adapté, avec des accoudoirs et un unit qui puissent se dégager pour faire un transfert depuis un fauteuil roulant ou un brancard pour certaines personnes âgées dépendantes. »
Ce que dit la loi
Les ERP doivent être accessibles ou avoir prévu un agenda d’accessibilité programmée.
- La loi du 11 février 2005 impose à tous les établissements recevant du public (ERP) des normes visant à les rendre accessibles à tous, quel que soit le type de handicap, pour le 1er janvier 2015 au plus tard.
- L’ordonnance du 26 septembre 2014 exige des ERP qui ne sont toujours pas accessibles un agenda d’accessibilité programmée (Ad’AP) permettant d’échelonner les travaux sur trois ans.
- Le décret du 11 mai 2016 fixe les sanctions en cas de non-respect des obligations de l’Ad’AP.
- Le décret du 28 mars 2017 impose de mettre à disposition du public un registre d’accessibilité, précisant le niveau d’accessibilité de l’établissement.
L’arrêté du 19 avril 2017 en fixe les modalités.
Des dérogations peuvent être accordées par le préfet.
- Impossibilité technique, contraintes liées à la conservation du patrimoine, disproportion manifeste entre l’amélioration prévue et les conséquences (activité, coût) ;
- Refus de l’assemblée générale des copropriétaires pour les cabinets se situant dans des immeubles.
La dérogation peut être totale ou partielle. Elle est pérenne même en cas de changement de propriétaire ou locataire. Seuls des travaux soumis à permis de construire font tomber la dérogation pour motif économique.
Depuis le 31 mars 2019, il n’est plus possible d’échelonner les travaux. Aujourd’hui, les ERP non accessibles et n’ayant fait aucune démarche, doivent faire des demandes d’autorisation de travaux ou de permis de construire de mise en conformité totale, sous peine de sanctions administratives et pénales.
Des sanctions sont prévues en cas de non-respect :
- La fermeture administrative (par le maire).
- Des sanctions administratives :
- 1 500 € pour absence de dépôt de l’Ad’AP, de transmission des documents de suivi ou d’attestation d’achèvement des travaux ;
- 1 500 € en cas d’attestation d’accessibilité et 3000 € en cas de récidive ;
- 5 à 10% du montant des travaux restant à réaliser, en cas de retard.
- Des sanctions pénales :
- Jusqu’à 45 000 € en cas de non-respect de la loi et 6 mois de prison en cas de récidive
- Une amende maximale de 75 000 € et 5 ans d’emprisonnement en cas de refus de délivrer une prestation du seul fait du handicap du patient.