Comment entreprendre sans peur?
2018 a été une année chargée pour les Drs Cavaré et Cappaï. En l’espace de douze mois, ils se sont mariés et ont racheté un cabinet et validé la construction de leur prochaine structure. Pour ce couple de praticiens mariés en Selarl et dans la vie privée, entreprendre est un réel bonheur. L’optimisme est un état d’esprit qui les caractérise. Ils forment un binôme efficace et confiant qui les pousse à aller de l’avant. C’est d’ailleurs durant leur voyage de noces à l’étranger que le couple a validé les plans de construction de leur nouveau cabinet. Comment faire plus symbolique ?
Le plaisir d’entreprendre
À la sortie de son internat à l’UFR de Bordeaux en 2015, le Dr Cavaré entame une collaboration de deux ans chez le Dr Patrick Favali à Dax (Landes). Elle découvre le caractère libéral de la profession, son impératif de rigueur et sa diversité. « J’ai aussi constaté que les orthodontistes pouvaient proposer des soins de qualité en restant accessibles. »
En 2016, Anaïs Cavaré devient en parallèle assistante hospitalo-universitaire au centre hospitalier de Bordeaux – « finalement je n’ai quitté cette université qu’une seule année, le temps de passer de l’autre côté du bureau ». Son compagnon, le Dr Paul Cappaï, après avoir effectué son internat à Montpellier, poursuit sa carrière dans cette même ville. Le couple partage l’envie de s’affranchir de leurs praticiens titulaires pour pleinement prendre les rênes de leur cabinet, « même si j’adorais mon exercice à Dax, j’éprouvais une frustration, avoir fait huit ans d’études pour simplement être une technicienne manuelle me dérangeait et je voulais être indépendante dans mes choix de traitement ».
Lorsque Paul demande Anaïs en mariage, tout s’accélère. L’objectif premier est désormais de permettre au Dr Cappaï de travailler à proximité de sa future épouse. Lui, souhaite se lancer dans une création mais ressent une certaine appréhension à la faire seul ou pire, avec un inconnu. Alors, pourquoi ne pas se lancer dans l’aventure en couple ?
Sur la commune de Langon, une praticienne s’apprête à partir en retraite. Après une série de rendez-vous chez le notaire et le banquier pour clarifier cet achat commun, les spécialistes s’installent en 2018 dans ce cabinet vieillissant. Ils le rafraîchissent et rénovent aussitôt notamment en investissant dans l’achat de nouveaux units, de fauteuils Planmeca, d’une caméra optique Trios de 3Shape et d’une imprimante filiaire 3D ; les prises d’empreintes physiques ne seront bientôt plus que de vieux souvenirs pour leur patientèle.
Lutter contre le pessimisme
Voilà donc des jeunes praticiens qui investissent, s’endettent et prennent des risques pour créer leur structure. « J’entends souvent un discours qui voudrait que la nouvelle génération soit moins entrepreneuse et libérale. Je ne suis pas d’accord. En revanche, nous construisons notre carrière probablement différemment de nos prédécesseurs. Comme eux, nous sommes passionnés par le métier mais nous voulons aussi avoir le temps de vivre en dehors du cabinet. » Anaïs garde en mémoire ses anciens camarades de promotion à l’université qui, eux-mêmes fils de praticiens, regrettaient de ne pas avoir plus vu leurs parents durant leur enfance.
Hors de question pour le couple d’orthodontiste de reproduire ce schéma : « Nous sommes la génération Y, nous envisageons notre rapport au monde différemment. Nous avons un besoin d’éthique et d’absolu, notre objectif ne se limite pas à l’enrichissement financier. » Confiante et épanouie, le Dr Cavaré invite ses jeunes confrères à ne pas attendre pour s’installer à leur compte. Certes, les mutations sont nombreuses et le métier est traversé par de profonds changements, « mais il ne sert à rien d’attendre et de végéter dans une collaboration qui ne nous satisfait pas pleinement. La peur est souvent mauvaise conseillère. Avec Paul, nous nous sommes lancés avec toutes les inconnues que comporte une création d’entreprise ».
Leur pari était ambitieux car le volume de la patientèle rachetée correspondait à l’exercice d’un seul praticien. En quelques mois, ils sont parvenus à développer leur activité. Alors que leur prédécesseur avait commencé 186 nouveaux traitements en 2017, eux en introduisent 465 en 2018.
Le couple a également réussi à créer une alliance avec ses assistantes. « Elles travaillaient depuis de nombreuses années dans ce cabinet, nous avons pu faire évoluer leurs habitudes notamment en intégrant le numérique. Elles n’ont opposé aucune réticence à ces changements, au contraire, elles y ont vu une forme de challenge pour leurs dernières années de carrière. »
Travailler en couple
Ce n’est pas un hasard, Paul et Anaïs se sont rencontrés lors d’un congrès de spécialistes au Luxembourg. « L’orthodontie est une passion qui nous unit, nous en avons la même vision et nous n’hésitons pas à échanger lorsque l’on doute. » Bien entendu, leur installation commune n’a pas fait l’économie d’une série de questions délicates…
Notre couple ne va-t-il pas en pâtir ? Parviendrons-nous à couper avec le cabinet lorsque l’on rentrera à la maison ? Et si on se dispute ? Serons-nous capables de faire la part des choses ? « Nous ignorions les réponses mais nous avons fait le choix de rester optimistes. Entre nous, il n’y a pas de compétition, pas de concurrence, on se moque de savoir qui travaille le plus vite, nous n’avons pas de problème d’ego. »
Les patients ne disposent pas d’un praticien attitré, ce qui facilite la gestion de l’agenda et multiplie les échanges entre les deux praticiens. Ils se gardent d’évoquer publiquement leur statut marital même si beaucoup… s’en doutent probablement. « Il y a aussi un côté pratique à notre union, si je suis en retard, Paul n’hésite pas à m’alléger et si nous avons un imprévu dans la journée, qui mieux que notre conjoint-associé peut nous aider ? »
Avant de s’installer ensemble, les deux professionnels ont mis de côté un instant le romantisme pour tout verrouiller chez un notaire – « la clarification d’un tel projet est indispensable », souligne Anaïs Cavaré. L’échec a également été envisagé. Si le cabinet n’était pas parvenu à augmenter son volume de patients, l’un des deux praticiens serait parti travailler ailleurs – « cela aurait été une autre forme de complémentarité, nous restons ouverts à plusieurs schémas de réussite. Par chance, nous sommes en croissance et nous nous épanouissons tous les jours ».
Dans leur organisation quotidienne, même si le cabinet est ouvert cinq jours par semaine, le couple partage ce lieu seulement deux jours. Le Dr Cavaré précise en effet : « Je poursuis parallèlement mon activité d’assistante hospitalo-universitaire à Bordeaux, ce qui contribue à nous donner un peu d’espace. »
Une pratique diversifiée
Le prix du semestre d’orthodontie « Ce que j’aime le plus dans mon métier ? Le pronostic, la visualisation et l’anticipation, répond notre jeune praticienne. Aujourd’hui, avec les outils numériques, les orthodontistes sont devenus de véritables concepteurs de projets. Changer un arc, des brackets ou mettre des élastiques n’est pas ce qui m’épanouit le plus. Le caractère technique du métier tend à disparaître au profit de l’expertise. Tant mieux, cela me correspond davantage. » Anaïs Cavaré apprécie également le contact quotidien avec ses patients.
Le plus jeune a 3 ans, le plus âgé 80. Notre praticienne accorde une forte considération à la rééducation fonctionnelle, synonyme pour elle « de traitements légers avec des moyens simples », qui vise à anticiper des interventions plus conséquentes quelques années plus tard. Elle se passionne également pour les traitements plus complexes qui lui imposent de faire appel à plusieurs correspondants. En quelques mois, le nombre d’adultes reçus a doublé, passant de 5 % à 10 % de la patientèle. Le cabinet propose des techniques invisibles (lingual ou Invisalign) mais souligne toujours aux intéressés le fondement médical de leur métier (voir notre encadré Les limites de « l’alignothérapie »). Anaïs et Paul n’utilisent que des brackets auto-ligaturants – « cela va dans le sens de l’histoire » – et font une veille permanente pour connaître les nouvelles techniques utilisées. « Nous sommes persuadés que les transformations du métier vont encore s’accélérer, il nous appartient de choisir ce qui semble bénéfique pour nos patients. Le piège serait de se jeter sur toutes les nouveautés », s’accordent-ils à dire.
Plus surprenant, notamment pour les praticiens fans d’optimisation qui considèrent que leur place doit être collée au fauteuil les mains dans la bouche du patient, le Dr Cavaré s’occupe des tâches administratives et de la comptabilité. « J’aime faire ça, le soir chez moi ou le matin au cabinet. Je passe moi-même mes commandes, d’ailleurs certains commerciaux sont devenus des amis. Je ne veux pas savoir gérer qu’une bouche, je veux connaître toutes les facettes de mon métier. Cela me permet de diversifier mes activités et d’apprendre au-delà de l’orthodontie. » L’acquisition continue de compétences plurielles, voilà bien là l’une des caractéristiques de la génération Y.