CPTS : des réseaux émergents bientôt incontournables

Depuis l’automne, avez-vous repéré dans votre boîte mail ou dans votre boîte aux lettres une invitation à une réunion sur les CPTS? Si ce n’est pas le cas, cela ne saurait tarder. Partout en France, l’Assurance maladie, les Agences régionales de santé (ARS) ou encore les instances professionnelles, sont sur le front pour déployer ces réseaux qui devraient désormais organiser les soins de ville. À titre d’exemples, on retrouve douze réunions organisées dans les Hauts-de-France à Calais, Amiens ou Valenciennes, par le collectif InterURPS, cinq rendez-vous « les mardis des CPTS » en Charente proposés par la délégation départementale de l’ARS Nouvelle-Aquitaine ou un « CPTS Tour » à travers neuf communes de la Seine-et-Marne, orchestré par la délégation départementale de l’ARS Île-de-France.

1 000 CPTS d’ici 2022

Les CPTS ont été instaurées en janvier 2016 par la loi de modernisation de notre système de santé, mais le concept est resté confidentiel jusqu’à ce que le gouvernement en fasse un axe prioritaire dans son plan « Ma santé 2022 » lancé en septembre 2018. Objectif : atteindre 1 000 CPTS en 2022.
Dans son discours du 18 septembre 2018, le président de la République Emmanuel Macron a exprimé son souhait de voir sur les territoires « une vraie coopération de l’ensemble des professionnels de santé au-delà des frontières de statut, de positionnement et que l’ensemble de celles et ceux qui portent la bonne santé en soient coresponsables ». Dans la foulée, des négociations se sont engagées entre l’Assurance maladie et les partenaires sociaux et un accord conventionnel interprofessionnel (ACI) a été signé le 20 juin 2019 par l’ensemble des syndicats des professions paramédicales et médicales, dont deux syndicats de la profession, les Chirurgiens-dentistes de France (CDF) et l’Union Dentaire (UD). « S’il y a une communication autour du patient, c’est du temps gagné au fauteuil et pour le patient une meilleure prise en charge, estime le Dr Catherine Berry, présidente du pôle Cadre d’exercice des CDF. Dans l’absolu, une CPTS devrait nous permettre d’avoir immédiatement des résultats d’INR avant une extraction, de savoir si un patient diabétique est équilibré. Logiquement, nous ne pouvons qu’encourager nos adhérents à s’investir dans ces dispositifs de coordination.»

Participer pour ne pas subir

Les deux syndicats sont partants mais lucides. « Le processus de réorganisation des soins de ville est engagé depuis longtemps et, d’une certaine manière, on n’a pas d’autre choix que de s’investir, explique le Dr Arnaud de La Fonchais, représentant de l’UD. Notre message à nos confrères, c’est : participez, soyez actifs sur vos territoires afin de ne pas subir une organisation qui serait décidée sans vous. »
Car l’article L.1434-12 de la loi 2016 est sans ambiguïté. Si les premières lignes ne mentionnent pas d’obligation : « les professionnels de santé peuvent décider de se constituer en CPTS », les dernières lignes sont plus explicites : « À défaut d’initiative des professionnels, l’agence de santé prend, en concertation avec les unions régionales de santé et les représentants des centres de santé, les initiatives nécessaires à la constitution de CPTS. » Et comme l’ultimatum est pour 2022, tous les acteurs se démènent sur le terrain pour privilégier l’incitation à la contrainte.

L’aide financière versée chaque année est proportionnelle au bassin de population et peut aller de 185 000 € pour les plus petites à 380 000 € pour les CPTS qui couvrent des territoires de plus de 175 000 habitants.
Pour en bénéficier, les CPTS signent des contrats avec l’Assurance maladie et l’ARS.
Des indicateurs de suivi permettent de calculer la partie variable du financement ; ils dépendent des résultats des actions engagées.
La plupart sont définis localement, sauf ceux qui concernent l’amélioration de l’accès aux soins.

La convention indique les indicateurs suivants :

  • progression de la patientèle avec médecin traitant dans la population couverte par la communauté professionnelle ;
  • réduction du pourcentage de patients sans médecin traitant pour les patients en affection de longue durée, les patients âgés de plus de 70 ans et les patients couverts par la CMU-C ;
  • taux de passage aux urgences générales, pédiatriques et de gynécologie-obstétrique non suivis d’hospitalisation (indicateur décroissant) ;
  • part des admissions directes en hospitalisation adressées par un professionnel de santé de ville (indicateur croissant) ;
  • augmentation du nombre de consultations enregistrées dans le cadre de l’organisation de traitement et d’orientation territoriale mise en place pour prendre en charge les soins non programmés.

L’exercice coordonné se fait à l’échelle d’un territoire défini par les professionnels de santé eux-mêmes.

Organiser des tours de garde

Ces indicateurs ne vont-ils pas jeter un froid et calmer les ardeurs des plus motivés ? « On ne peut pas d’un coup de baguette magique résoudre les problèmes de désertification médicale, note le Dr Brachet, président de l’URPS des Pays de la Loire, mais on peut améliorer la situation. Depuis trois ans, pendant l’été, le Conseil de l’Ordre départemental organise un système de garde sur le littoral vendéen en raison de l’afflux de population. Les médecins généralistes de la CPTS des Sables-d’Olonne s’en sont inspirés et en juillet et août dernier ont mis en place un tour de garde pour répondre à des demandes non programmées et soulager les services des urgences. Sur notre région, les chirurgiens-dentistes souhaitent élargir cette démarche, en particulier dans les zones déshéritées. »
Nicolas Pernin, chirurgien-dentiste, vice-président de la CPTS en gestation à Montpellier-Centre, confirme : « Sur notre territoire, on compte 120 chirurgiens-dentistes, on peut espérer l’adhésion de 20 % d’entre eux… soit 25. On peut tout à fait imaginer être capable de proposer suffisamment de créneaux d’urgence sur une semaine. »

Il ne faudrait pas limiter les CPTS à l’amélioration de l’accès aux soins.

Mais il ne faudrait pas limiter les CPTS à l’amélioration de l’accès aux soins.
L’autre volet important est la coordination des soins. « Nous avons choisi de veiller à ce que toutes les professions libérales soient représentées au sein du bureau. Nous mettons au point un annuaire et nous sommes en train de nous interroger sur la messagerie sécurisée à utiliser pour communiquer », explique le Dr Berry, vice-présidente de la future CPTS du Maine (Sarthe).
Mettre en place un dossier médical partagé en toute sécurité, c’est peutêtre l’action qui déterminera la réussite des CPTS… « Dans Les Landes, les CPTS émergent tout juste, nous avons quatre lettres d’intention, note Buu-Thang Ung, chirurgien-dentiste à Tartas, élu URPS et membre du comité d’orientation de la plateforme territoriale d’appui (PTA) Santé Landes. Mais nous avons un atout de taille, nous avons à disposition une application sécurisée Paaco-Globule qui a été conçue par Santé Landes qui nous permet d’échanger entre professionnels et de consulter le dossier médical des patients. » Une technologie sur laquelle compte bien bien s’appuyer la Nouvelle Aquitaine pour développer les CPTS sur toute sa région.