L’Union Dentaire souhaite la prise en charge de la téléconsultation pour les dentistes
Dentoscope : La problématique des masques, au centre de la crise du Covid-19, est-elle désormais résolue grâce à la dotation par l’État ?
Dr Philippe Denoyelle, président de L’Union Dentaire : Je pense que le problème est complètement réglé car des masques destinés aux chirurgiens-dentistes sont maintenant fournis par les pharmaciens. C’est une mise à disposition de 24 masques par praticien et par semaine. Nos fournisseurs classiques de la grande distribution de matériel dentaire ont aussi commandé du matériel. Nous aurons donc pour la réouverture des cabinets des masques et des EPI car les circuits se remettent en place.
Les aides pour les chirurgiens-dentistes, notamment par l’Assurance maladie, vont-elles permettre d’amortir la crise ?
Nous bénéficions du chômage partiel et les aides de la caisse de retraite CARCDSF sont aussi en cours de versement. Il y a également une indemnisation de l’Assurance maladie sous forme d’acompte qui interviendra au début du mois de juin. La crise a été très violente, nous nous battons depuis le début pour obtenir des aides, cependant les assureurs n’ont pas apporté leur soutien. Par contre, l’Assurance maladie joue son rôle de partenaire et va dédommager les consœurs et les confrères pour leurs charges fixes d’une façon qui va être relativement raisonnable. Nous allons donc limiter les dégâts, d’autant plus que nous pouvons bénéficier des prêts garantis par l’État.
Comment va se passer la reprise de l’activité ?
Nous allons reprendre avec une activité restreinte. Nous venons de recevoir les recommandations de la HAS : il faut adapter les cabinets et forcément il va y avoir un coût supplémentaire lié aux mesures de protection et un manque à gagner du fait de la limitation du nombre de patients que l’on va pouvoir soigner durant cette période de Covid-19. Nous allons voir avec l’Assurance maladie comment indemniser les cabinets si l’épidémie dure et rediscuter la convention actuelle pour obtenir des modalités différentes de forfaits par patient ou par acte qui prennent en compte le manque à gagner sur notre exercice. Nous allons en effet reprendre à plein temps, mais avec la moitié de nos patients puisque, selon les recommandations, cela va être un patient par heure et par fauteuil. Accueillir le patient va demander un peu plus de temps et, après le soin, la désinfection et l’aération du cabinet va prendre au minimum un quart d’heure. Ces mesures draconiennes sont à prendre pour les actes engendrant des nébulisations.
Cette crise a montré la dépendance aux exportations au regard des moyens de protection EPI. Pensez-vous qu’une réflexion doive être engagée pour retrouver une certaine indépendance dans la filière dentaire ?
Cette crise aura permis de se rendre compte de cette dépendance. Je pense que sur le plan national un certain nombre de productions vont être relocalisées. Cependant, en termes de masques, nous avons besoin de quantités phénoménales et il faut donc un outil de production qui suive.
L’accès aux téléconsultations est-il selon vous important pour les dentistes ?
Il y a un intérêt des téléconsultations pour le chirurgien-dentiste. Nous avons demandé à l’Assurance maladie l’ouverture de négociations pour une « convention de crise » et dans ce cadre la prise en charge notamment des téléconsultations pour les dentistes. Nous avons le droit de le faire, mais pour le moment on ne peut la coter, ou facturer. Depuis plus d’un mois, j’ai réalisé moi-même des téléconsultations quotidiennes dans le cadre d’appels de patients au cabinet. Nous sommes d’autre part beaucoup à exercer dans des zones sous tension démographique et des téléconsultations pour les dentistes peuvent permettre de délivrer une ordonnance et de temporiser quelques jours. D’autre part, du fait que l’on ne puisse pas prendre autant de patients qu’avant, il va y avoir plus de difficultés pour obtenir un rendez-vous. Étant donné que nous devons également aérer notre cabinet durant quinze à vingt minutes, cela pourrait laisser le temps de faire une ou deux téléconsultations. Il va falloir trouver une organisation nouvelle du fait d’un besoin aujourd’hui exacerbé, mais qui est en fait ancien.
Pensez-vous que cette crise sanitaire d’ampleur jamais connue soit l’occasion de l’organisation d’un Grenelle de la santé dentaire ?
C’est difficile d’évoquer d’autres sujets tant que l’épidémie perdure et si nous ne trouvons pas de médicaments. La crise va modifier nos habitudes de travail en profondeur car même si le Covid-19 disparaît, nous ne sommes pas à l’abri qu’une nouvelle souche apparaisse. Les chirurgiens-dentistes sont en première ligne en matière de mesures de protection. On ne peut avoir le double masque et le patient ne peut garder le sien. Nous devions avoir des clauses de revoyure pour la nouvelle convention avec l’Assurance maladie. Plutôt qu’un Grenelle, ces clauses de revoyure vont devoir être affinées au regard de la situation actuelle.