Ils ont choisi de faire un break

À différents stades de leur carrière, pour des raisons variées, certains praticiens décident de faire un break. retours d’expérience (positifs) avec quelques-uns d’entre eux.

Drs Bernard et Emmanuelle Chopier, pour un tour du monde en catamaran

En 2000. à l’âge de 40 ans, Emmanuelle et Bernard Chopier réalisent un rêve : partir faire le tour du monde en cata­maran, avec leurs fils. Roch (11 ans) et Malo (8 ans). « Lorsque j’ai rencontré mon mari, à 17 ans, il en parlait déjà ! , se souvient Emmanuelle Chopier. Ayant fait du bateau en famille dès mes 5 ans, j’ai adhéré facilement au projet. »  Pour le financer, ils décident de vendre leur maison et leurs cabinets respectifs. « Les mettre en gérance nous semblait compliqué. Et puis nous ne savions pas ce que nous allions faire après notre voyage. » Tandis que leurs successeurs héritent de leurs locaux, de leurs personnels, patients et fournisseurs, les Chopier embarquent, grâce à ces opérations, sur le Hinano, leur catamaran. Leurs ressources leur per­mettent d’envisager de tenir quatre ans, mais ils se donnent un an de test.

Leur crainte : que les enfants ne s’adaptent pas à l’enseignement à distance. Au final, leur tour du monde va durer six ans et demi. Six ans pendant lesquels les Docteurs Chopier troquent leurs longues journées au cabinet pour du 24h/24, 7j/7 avec leurs enfants. Six ans de partage d’une « aventure incroyable ». « Nos fils nous ont plus tard remercié de leur avoir fait vivre cette expérience » , rapporte Emmanuelle Chopier. Si réaliser un tel rêve demande « beaucoup d’entêtement et d’huile de coude », pour eux, le résultat a été au-delà des espérances. Certes. il a fallu un jour revenir sur terre. En 2007, Ils ont ainsi choisi de s’installer chacun en libéral à Nouméa (Nouvelle-Calédonie), de « tout recommencer à zéro : emprunts etc. ».  C’était il y a 12 ans. Emmanuelle s’est reconvertie. En 2014. Bernard exerce toujours, mais il s’apprête de nouveau à vendre son cabinet. Tous deux vont re­prendre la mer, sur un Cigale 16, direc­tion l’Alaska. « Puis nous descendrons vers la péninsule Antarctique. Ce sera un voyage différent, sans enfants, même si nous espérons les avoir à bord de temps en temps » .

Dr Alice Modolo, pour préparer le championnat du monde d’apnée

« Faire un break, ce n’était pas mon choix au départ. J’ai fait en sorte que ça le devienne ! », s’exclame le Dr Alice Modolo, pédodontiste et … vice-championne du monde d’apnée et multiple recordwoman de France de la discipline. « Le cabinet dans lequel je collaborais depuis cinq ans à Valbonne (Alpes-Maritimes) – un an comme pédodontiste – se restructurant, mon poste de pédodontiste n’avait plus sa place. Il a été mis fin à mon contrat en décembre 2018 », explique-t-elle. Son organisation pour conjuguer ses deux carrières est ébranlée. La cham­pionne passe en revue les options : s’ins­taller à son compte ? La jeune femme de 34 ans le souhaite, mais « ce n’est pas le bon moment ». Travailler dans un autre cabinet ? Cela impliquerait de « mettre de nouveau la compétition de côté », comme cinq ans auparavant. Or le championnat du monde se profile : il aura lieu en France, à Villefranche-Sur-Mer, en septembre 2019. “C’était impossible pour moi de ne pas concourir, de ne pas me préparer pour cette com­pétition.” Elle décide donc de mettre son exercice entre parenthèses, pour s’entraîner à fond. Un choix non sans conséquences.

Professionnellement, faire ce break, c’est se séparer de ses corres­pondants, de ses patients – même si elle maintient le lien ; c’est renoncer au « super binôme » qu’elle formait avec son assistante. Financièrement, cela lui impose de chercher des ressources : il lui faut trouver des sponsors, apprendre à se vendre … Ce break « n’est pas qu’un projet sportif. C’est un projet global de vie », résume Alice Modolo. Hors de question pour elle de « laisser ses peurs dicter sa conduite ».  « Ce qui prévaut dans cette aventure, c’est tout ce che­min pour arriver à mon objectif. Ce que je vis au quotidien, c’est très dur, mais extraordinaire » poursuit la compétitrice, qui s’est entourée du préparateur mental Alain Parra. Elle n’a pas encore fixé de date de fin de break. « Je sais juste qu’en septembre, il y a cette compétition in­ternationale. J’espère y voir les résultats de mon travail ». C’est peut-être avec un nouveau titre à son palmarès qu’elle recevra ses futurs petits patients.

Dr Hélène Fron-Chabouis, pour faire le tour du monde en vélo couché

Un jour d’avril 2008, raconte le Dr Hélène Fron-Chabouis. son amoureux, – au­jourd’hui son mari -, lui demande : « Hélène, veux tu faire le tour du monde à vélo avec moi ? » Elle dit oui. « En vélo couché ? ». précise-t-il. Ce sera oui. L’engin, une fois testé, est approuvé. Reste un « détail » : en 2008, Hélène Fron-Chabouis est en dernière année de dentaire à l’université Paris-Descartes. Avant de partir, elle doit boucler sa thèse. « J’ai mis les bouchées doubles, revu à la baisse mes ambitions, et j’ai réussi à soutenir. Nous sommes partis une se­maine après, mi-août, de Notre-Dame à Paris. »

Arrivés à Athènes, ils prennent début novembre des billets d’avion tour du monde. Direction l’hémisphère Sud, pour ne plus subir la durée déclinante du jour. Australie, Nouvelle-Zélande, Patagonie. Puis ils rallient le nord-est du Québec depuis le sud des États-Unis. Ils passent par Londres, avant de reve­nir symboliquement à Paris. escortés de quelques amis. « Nous avons fait exprès de rentrer en août [2019] : il faisait en­core beau, on pouvait profiter de nos amis avant la rentrée … Du coup, les conditions du retour ont été assez cool. Mais mon mari a eu un coup de blues à l’automne, au moment de sa recherche d’emploi. » Ce break d’un an, elle ne l’a jamais vu comme pénalisant pour sa carrière, convaincue « qu’en faisant ce qui nous rend heureux, on trouve toujours les ressources pour rebondir ». Il lui a permis.
entre autres, de mûrir ses choix professionnels : c’est au cours du voyage que son cœur a penché en faveur de la voie hospitalo-universitaire et non d’un exercice libéral classique. Elle est aujourd’hui MCUPH(1) à Paris-Descartes. Ce break lui a aussi fait reconsidérer son rythme de vie. « Pour la naissance de mon deuxième enfant, j’ai eu envie de prendre le temps. Je fais donc de nouveau un break dans ma carrière. Je suis en congé parental, en Corse. »

(1) Maître de conférences des universités praticien hospitalier

En libéral, que fait-on de son cabinet ?


– Vendre le cabinet : C’est l’option choisie par les Docteurs Emmanuelle et Bernard Chopier, pour financer leur tour du monde. Radical, certes.

– Vous faire remplacer : C’est approprié quand le congé est d’une durée relativement courte (quelques mois). Les conditions sont encadrées par l’article R.4127-275 du Code de la santé publique. Le remplaçant peut exercer en tant que libéral ou en tant que salarié.

– Opter pour une gérance pour congé sabbatique : Cela équivaut à un remplacement d’un praticien cessant provisoirement toute activité pour convenance personnelle. Ce n’est pas qu’une simple substitution de praticien dans l’accomplissement des soins. Par ce contrat, le titulaire donne à son remplaçant (le gérant) la gérance des éléments corporels (matériel) et incorporels (patientèle, bail. etc.), composant son cabinet.

Les modèles de contrats sont disponibles sur le site de l’ONCD dans la rubrique « Tous les contrats ».