Télédentisterie : plus d’un dentiste sur deux ignorerait ce que c’est
En France, une loi a été créée en 2009, suivie d’un décret un an plus tard, pour instaurer la télémédecine au sein de l’exercice des professionnels de santé. Le décret définit cinq activités : la téléconsultation, la téléexpertise, la télésurveillance, la téléassistance et la régulation des urgences. Ces activités sont considérées comme des activités médicales à distance réalisées par des médecins, des dentistes et des sage-femmes. Pourtant, et ce malgré l’explosion de la télémédecine depuis l’apparition du Covid, il semblerait que plus d’un chirurgien-dentiste sur deux (57 %) n’ait jamais entendu parler de la télédentisterie (TD). Ces données étonnantes résultent d’une enquête menée dans l’ensemble de la France du 10 novembre au 13 décembre 2020 et publiée le 7 mars dans la revue Digital Health.
« En raison des réformes gouvernementales actuelles et de la volonté de la communauté dentaire de mettre en œuvre la DT à l’échelle nationale, une enquête à l’échelle nationale a été jugée nécessaire pour mieux comprendre la situation actuelle. L’objectif de cette étude était d’examiner les connaissances, les attitudes et les pratiques de TD perçues par les dentistes en pratique privée en France », expliquent les auteurs du papier.
L’étude s’appuie sur un questionnaire que l’Ordre national des chirurgiens-dentistes a adressé aux 42 464 praticiens qui exercent en France. « Le questionnaire comprenait 36 questions réparties en plusieurs sections : profil général (sexe, tranche d’âge, et université où les répondants ont effectué leurs études dentaires), connaissance générale de la télémédecine, et familiarité avec la réglementation actuelle sur la télémédecine et les activités qualifiées de télémédecine », est-il indiqué. Sur les tous les dentistes interrogés, 5 056 y ont répondu. Parmi ceux qui connaissaient la télédentisterie, tous savaient ce que recouvrait la téléconsultation. En revanche, la régulation des urgences (88,6 %), la téléassistance (74,3 %), la télésurveillance (72,1 %), et la téléexpertise (le recours à un confrère ou autre professionnel de santé) (45,1 %) sont des notions qui restent plus floues.
Améliorer l’accès aux soins dentaires ?
Autre révélation intéressante de cette enquête : 39,3 % des répondants effectuent au moins un acte de TD dans leur cabinet au quotidien. Parmi eux 34,6 % entre cinq et vingt actes. Le plus souvent, il s’agit de téléconsultation (27,9 %) ou d’appels d’urgence (23,9 %). Rappelons que cette enquête a été réalisée après que les cabinets dentaires ont été fermés lors du premier confinement. La téléconsultation a donc dû être pratiquée plus activement que d’ordinaire.
Chez les dentistes ayant déjà pratiqué la TD, la plupart (55,3%) sont satisfaits de leur expérience. 69% estiment qu’il s’agit d’une bonne solution pour améliorer l’accès aux soins dentaires (contre 63 % chez ceux qui ne s’en sont jamais servi).
« L’impossibilité pour les chirurgiens-dentistes d’être rémunérés par l’Assurance maladie a pu jusqu’à présent rendre difficile la mise en place et le développement de la télédentisterie », estiment les auteurs de l’étude qui constatent également un besoin important d’éducation et de formation.
Un besoin criant en formation
Les trois-quarts des répondants (77 %) disent par ailleurs être intéressés pour suivre un module de formation (à 60 % en ligne). Aujourd’hui, seuls 1,5 % des praticiens ont déclaré avoir suivi une formation sur le sujet pendant leurs études. Parmi eux, 75 % l’estiment d’ailleurs insuffisante. Pour finir, 90,5 % des sondés ne connaissent rien à la réglementation de la télémédecine.
Ainsi, cette étude « a révélé un besoin important d’éducation et de formation en TD ainsi que de réglementation », est-il donc expliqué. « Il pourrait être nécessaire à l’avenir de s’assurer que toutes les parties prenantes dans le domaine de l’odontologie travaillent ensemble pour améliorer ces deux sujets pour les praticiens dentaires. Il serait choquant de constater que la TD a été pratiquée par un dentiste qui ne connaissait pas la réglementation relative à sa pratique et qu’elle devrait être modifiée. »
En conclusion, « la télédentisterie et la télémédecine sont des outils de santé publique” qui pourraient permettre “un accès inéquitable aux soins médicaux. Cependant, la TD doit être mise en œuvre pour réduire les inégalités et s’assurer qu’elle ne fait pas l’inverse”, alertent les chercheurs.