L’implant monobloc en zircone dans la zone esthétique
Dans nos exercices quotidiens, l’implantologie fait désormais partie intégrante de l’arsenal thérapeutique disponible. Cette implantologie moderne, née avec Brånemark, utilise depuis plus de 50 ans le phénomène d’ostéointégration des implants en titane dans l’os alvéolaire. De nombreuses études ont montré les caractéristiques mécaniques du titane (solidité, résistance) qui sont très bien adaptées à la biomécanique du système manducateur. Parallèlement, Sami Sandhaus développait le concept d’ostéocoaptation avec un autre matériau, une céramique [1]. Ces implants en oxyde d’aluminium étaient moins aboutis, avec notamment des problèmes mécaniques (fracture des implants céramiques). Par contre, comme pour les implants en titane, ces implants en céramique ont fait largement la preuve de leur intégration dans l’os en raison de leur inertie physique, chimique et thermique et de leur biocompatibilité [2,3,4]. En effet, la maîtrise du zirconium a mis enfin à notre disposition une céramique de grande qualité, solide et modelable selon les exigences médicales les plus rigoureuses [5, 6].
Les implants céramiques n’ont été pour longtemps que monoblocs. Cela a été vécu comme une véritable et importante limite à leurs indications. On était en effet très loin de la souplesse d’utilisation des implants en titane en deux parties. Depuis quelques années, l’évolution des implants en zircone a mis à notre disposition des implants en deux parties.
À travers un cas clinique détaillé, nous allons montrer dans cet article que l’implant monobloc zircone n’est nullement une régression technologique mais constitue en réalité une approche qui a toujours son champ d’application clinique, et qu’il présente même des avantages par rapport à l’implant en deux parties.
Présentation du cas
Le patient de 59 ans est en bonne santé. Il est non-fumeur, n’a pas de traitement général et ne présente aucune pathologie. Il se plaint d’un problème esthétique sur la 11 (Fig.1 et 2).
Fig.1 : On note une récession sur la moitié de la racine (11) liée à une ancienne couronne mal adaptée, ce qui a causé un défaut d’alignement des collets et créé un déficit esthétique.
Fig.2 : L’examen radiographique a révélé une absence totale de l’os vestibulaire.
On note une récession sur la moitié de la racine liée à une ancienne couronne mal adaptée, ce qui a causé un défaut d’alignement des collets et créé un déficit esthétique. Selon les souhaits de la patiente, il a été décidé de remplacer cette incisive par une couronne implanto-portée, afin de restaurer l’esthétique par une gestion des tissus mous et une régénération de l’os perdu.
La chirurgie
Une empreinte en silicone est prise en secteur antérieur pour servir de clé pour la fabrication de la dent provisoire par automoulage lors de la mise en esthétique immédiate.
Une anesthésie locale avec l’articaïne est appliquée par infiltration, la dent est extraite, l’absence de la paroi vestibulaire est confirmée cliniquement (Fig.3).
Fig.3 : Une anesthésie locale avec l’articaïne est appliquée par infiltration, la dent est extraite, l’absence de la paroi vestibulaire est confirmée cliniquement.
Un implant monobloc en zircone (Whitesky de Bredent) est placé en chirurgie conventionnelle, en respectant minutieusement le couloir prothétique tout au long des étapes de la pose. L’implant est placé avec sous-forage afin d’augmenter le torque d’insertion et la stabilité primaire (50 N/cm).
Nous réalisons ensuite une ROG à l’aide de matériaux alloplastiques (RegenerOs de Zimmer Biomet) et d’une membrane de collagène (CopiOs de Zimmer Biomet) avant de suturer l’alvéole (Fig.4 et 5).
Fig.4 et 5 : Nous avons ensuite appliqué des matériaux alloplastiques de complément osseux et une membrane de collagène avant de suturer l’alvéole.
Fig.5.
Enfin, une couronne provisoire est préparée à l’aide de l’empreinte prise avant extraction, la prothèse est libérée de toute contact occlusal, que cela soit en OIM ou pendant les mouvements latéraux et antéro-postérieurs de la mandibule (Fig.6).
Fig.6 : Une couronne provisoire est préparée à l’aide de l’empreinte prise en silicone de la dent avant extraction. La prothèse est libérée de tout contact occlusal, que cela soit à l’occlusion centrale ou pendant les mouvements latéraux et antéro-postérieurs de la mandibule.
Une radio de contrôle est prise après la chirurgie, le bon positionnement de l’implant, et des matériaux de complément est confirmé (Fig.7 et 8).
Fig.7 : Une radio de contrôle est prise après la chirurgie : le bon positionnement de l’implant et des matériaux de complément est confirmé.
Fig.8 : Le patient est reçu après 4 mois de cicatrisation, la prothèse provisoire est retirée, et le résultat esthétique semble satisfaisant avec la correction du défaut d’alignement de collets.
Phase prothétique
Le patient est reçu après 4 mois de cicatrisation, la prothèse provisoire est retirée, et le résultat esthétique semble satisfaisant avec la correction du défaut d’alignement de collet (Fig.9).
Une empreinte numérique est prise, et la couronne définitive est posée une semaine après.
Fig.9 : Une empreinte numérique est prise, et la couronne définitive a été posée une semaine après.
Conclusion
L’objectif final de tout implant dentaire, comme pour toute prothèse, est celui de remplacer un organe au plus proche de son état initial. Fonction et esthétique doivent être retrouvées. Forts de ce constat, nous devons aller encore plus loin dans notre pratique quotidienne. En effet, la demande du patient en zone antérieure de la bouche est plus exigeante : outre la fonction, arrive une demande aussi importante qui est l’esthétique, pas seulement de la prothèse dentaire, mais aussi des tissus mous, l’harmonie du rose et du blanc.
Ici, la morphologie des implants en une seule pièce, avec une teinte naturelle, les rapproche d’une manière incontestable de la dent naturelle. L’affinité des tissus mous avec la zircone a aussi dans ce cas contribué à la réussite de la reconstruction gingivale et à l’élimination de ses défauts d’alignement.
Les implants céramiques vont probablement se démocratiser désormais. Le concept de l’implant monobloc simplifie considérablement la pose de la prothèse transitoire, avec moins de pièces implantaires à prévoir et un protocole opératoire simple et rapide. L’approche prothétique se conçoit exactement comme avec un moignon dentaire naturel.
Auteur
Dr Iyad Abou Rabii
Pratique en implantologie, chirurgie buccale et maxillo-faciale
Directeur du master en Implant Dentistry de l’université de Warwick (Royaume-Uni) – 2010 à 2015
Professeur honoraire à l’université de Montford (Royaume-Uni) – 2016 à 2019
Bibliographie
[1] Sandhaus S, Pasche K. (1999). Utilisation de la zircone en implantologie: implant Sigma d’après Sandhaus. Revista Romana de Stomatologie, 27 (1): 71-83.
[2] Sennerby L, Dasmah A, Larsson B, Iverhed M. (2005). Bone tissue responses to surface-modified zirconia implants: a histomorphometric and removal torque study in the rabbit. Clin Implant Dent Relat Res, 7 (Suppl 1): 13-20.
[3] Piconi C, Maccauro G. (1999). Zirconia as a ceramic biomaterial. Biomaterials, 20 (1): 1-25.
[4] Rimondini L, Cerroni L, Carrassi A, Torricelli P. (2002). Bacterial colonization of zirconia ceramic surfaces: an in vitro and in vivo study. Int J Oral Maxillofac Implants, 17 (6): 793-798.
[5] Sadoun, M. (2000). Céramique dentaire: matériau céramique et procédé de mise en forme. Tech Dent, 165/166 (2): 13-17.
[6] Borgonovo A, Censi R, Varassori V. (2012). Survival and success rate of dental zirconia implants 5-year clinical follow-up. Dent Implantol, 7: 508-513.