« L’hypnose est avant tout une communication avec son patient »

L’Académie de recherche et de connaissances en hypnose ericksonienne (ARCHE) vient d’ouvrir une formation à l’hypnose médicale pour les chirurgiens-dentistes. Pourquoi proposer une formation à destination de vos confrères ?

Dr Aude Monnier Da Costa : L’institut de l’ARCHE a déjà plusieurs années d’expérience dans la formation des hypnothérapeutes et a souhaité s’entourer de professionnels de santé pour développer une nouvelle branche. En effet, l’hypnose médicale est intéressante pour tous les professionnels de santé, c’est pourquoi l’institut a mis en place une formation pour les sages-femmes et une autre pour les chirurgiens-dentistes. Pour former les chirurgiens-dentistes, il fait appel à des praticiens formés à l’hypnose et utilisateurs de l’hypnose au quotidien dans leur cabinet. En effet, ceux qui vont pouvoir vraiment transmettre leurs compétences et leur savoir-faire utilisent l’hypnose quotidiennement. L’objectif est de rendre possible la mise en pratique immédiate au cabinet dès la fin de la formation. 

“L’hypnose change tout aussi pour le praticien lui-même”. 

 

Quel rôle peut jouer l’hypnose au cabinet dentaire ?

L’hypnose est un outil qui sert à tout le monde. Il change la communication avec le patient, mais aussi avec son équipe, les assistantes, ou le secrétariat. L’hypnose change tout aussi pour le praticien lui-même. Tout d’abord, l’accompagnement du patient va être différent, il va permettre de gérer l’anxiété, les nausées, les phobies et l’analgésie. 

L’hypnose s’adresse aussi au praticien lui-même. Notre profession médicale se situe parmi les plus à risque de burn out. L’auto-hypnose permet de le prévenir, c’est une manière de conserver un exercice serein. Les soignants ont l’habitude de s’oublier complètement, de se sacrifier pour leurs patients sans penser que les premières personnes qui doivent aller bien, ce sont eux. 

L’hypnose médicale a de multiples applications : en premier lieu elle permet de gérer l’anxiété des patients. Elle permet aussi la gestion des saignements et d’obtenir une meilleure cicatrisation, ce qui est prouvé par des études cliniques. Cela permet de faire moins de prescriptions d’antalgiques. Avec l’analgésie hypnotique, on peut potentialiser une anesthésie et même supprimer l’anesthésie, si cela est nécessaire. À la fin de la formation initiale, le praticien peut être capable de proposer tout cela à son patient. On va pouvoir apprendre à gérer également la douleur chronique. On va aussi pouvoir apprendre l’auto-hypnose à son patient. J’utilise moi-même quotidiennement l’hypnose dans ma communication avec des patients autistes non-verbaux.

“L’hypnose médicale s’adresse à tous”. 

Encore faut-il que le patient soit ouvert à l’hypnose ?

On ne peut pas faire de l’hypnose avec quelqu’un qui ne le veut pas. Avec la communication hypnotique, on peut obtenir une alliance thérapeutique avec le patient. Il ne faut pas confondre avec l’hypnose de spectacle, à laquelle seulement 3 % de la population est sensible. Par contre, l’hypnose médicale s’adresse à tous. Nous sommes tous suggestibles. Nous sommes tous capables de nous projeter dans nos dernières vacances. Erickson disait que l’hypnose médicale est l’utilisation des ressources du patient. Je reçois des patients non-communicants, handicapés. Même pour ces patients qui ne parlent pas, des choses les intéressent qui les appellent et que l’on peut utiliser pour obtenir l’alliance thérapeutique et le temps suspendu de l’hypnose. 

Cela demande aussi une volonté de communiquer chez le praticien ?

Tout à fait. L’hypnose est avant tout une communication avec son patient. Cela passe par les mots qu’il dit, le ton de sa voix, son attitude. Forcément, à un moment, un dialogue va donc s’installer. On va pouvoir proposer à son patient ce qui l’intéresse. 

Y a-t-il un moment opportun pour utiliser l’hypnose au cabinet dentaire ou peut-on l’employer tout le temps ?

Tout le temps, y compris dans la salle d’attente. Mon assistante est formée à l’hypnose pour qu’elle puisse la réaliser avec le patient, avant même que je le rencontre. Je dirai que le cabinet tout entier devient hypnose. Par exemple, un enfant très anxieux peut être guéri par l’enfant rassuré qui sort de la salle de soins d’à côté. 

L’auto-hypnose peut aussi aider sur les temps de récupération, mais aussi parfois sur la prise de décision”.

Vous enseignez aussi l’auto-hypnose. Que peut-elle apporter au praticien ?

Tout d’abord, elle va permettre de gérer son sommeil. L’auto-hypnose peut aussi aider sur les temps de récupération, mais aussi parfois sur la prise de décision. Elle peut aussi être employée à des fins analgésiques, dans le cas d’une migraine, par exemple. On peut dès lors prévenir le burn out, qui est à mon avis l’un des plus gros risques de notre pratique professionnelle. 

Formez-vous aussi les assistantes dentaires à l’hypnose médicale ?

Nous sommes trois formatrices au sein de la formation et nos assistantes sont aussi formées à l’hypnose car la pratique multiple est particulièrement riche. Cela permet en effet de démultiplier les propositions. Le chirurgien-dentiste doit pouvoir se concentrer à un moment donné sur son acte et l’assistante peut prendre le relais. S’il est en retard, pendant qu’il termine son acte, l’assistante peut commencer avec un autre patient. Cela permet un gain de temps. Nous formons les assistantes dentaires de la même façon que les praticiens. D’ailleurs parfois un praticien ne veut pas lui-même pratiquer l’hypnose mais peut avoir envie de la proposer à son cabinet, par le biais de son assistante. Nous sommes convaincus que le plus efficient est le duo dentiste-assistante, mais l’assistante seule peut être formée. 

Quelle est la part de chirurgiens-dentistes qui pratiquent l’hypnose aujourd’hui ?

Il y a entre 2000 et 3000 chirurgiens-dentistes formés à l’hypnose. Nous voyons une demande croissante de la part des patients. Au sein des cabinets, on voit aussi qu’il y a un besoin. On remarque également un intérêt de la part des jeunes praticiens, qui au sortir de la faculté s’inscrivent dans les formations d’hypnose parce qu’ils savent qu’ils vont en avoir besoin. Lorsque l’on apprend un geste clinique, il faut d’abord se concentrer dessus, il faut avoir assez d’expérience sur ce geste pour pouvoir également se concentrer sur autre chose. De la même façon, au début on va avoir besoin de se concentrer sur l’hypnose, sur ce que l’on dit, la manière dont on le dit. Ensuite on l’intègre très rapidement dans sa pratique quotidienne. 

Quelle est la position de la profession au sujet de l’hypnose médicale ?

La nomenclature a évolué en 2020, notamment en termes de prise en charge des patients handicapés, avec le choix de l’utilisation de la sédation ou de l’hypnose. C’est une reconnaissance institutionnelle de l’importance de l’hypnose dans la prise en charge du patient et encore plus du patient handicapé. D’autre part, l’université s’intéresse de plus en plus à l’hypnose. Une reconnaissance de l’hypnose est en train de s’établir dans la profession.