À propos de la régénération tissulaire induite : application clinique

La régénération tissulaire induite est une technique chirurgicale de gain d’attache utilisant les dérivés de la matrice de l’émail. Elle permet la formation d’une nouvelle attache fonctionnelle entre un cément néoformé et l’os régénéré.

Les dérivés de la matrice amélaire (DMA) sont très largement utilisés en clinique en raison de leur simplicité d’utilisation, d’une faible morbidité, de résultats satisfaisants dans le traitement des lésions intra-osseuses et des lésions inter-radiculaires.

Le principe de l’utilisation des DMA repose sur la régénération tissulaire à partir des dérivés des protéines de l’émail extraits de bourgeons de dents de sagesse porcins. Les amélogénines sont synthétisées et sécrétées par les cellules épithéliales de la gaine de Hertwig lors de la formation des racines dentaires et elles induisent la différenciation des cellules du follicule dentaire en cémentoblastes.

Le cément joue un rôle majeur en piégeant les fibres du tissu conjonctif qui ancrent la dent à l’os. Avec les DMA, l’objectif n’est plus d’induire la formation osseuse en première intention, mais de régénérer le cément afin d’induire secondairement une nouvelle attache parodontale.

Un seul produit est disponible commercialement : l’Emdogain. Il est composé de plus de 95 % d’amélogénines qui vont précipiter sur la surface radiculaire exposée.

Les résultats des études récentes montrent des gains d’attache significativement supérieurs lors de l’utilisation des amélogénines dans les défauts intra-osseux comparativement à un lambeau simple. De même, la réduction de la profondeur de poche est significativement supérieure pour l’amélogénine, en comparaison du lambeau seul.

Le potentiel de régénération d’un défaut intra-osseux dépend du nombre de murs osseux, de sa largeur (ou de son angle) et de sa profondeur. Plus le nombre de murs osseux est important, plus la probabilité d’obtenir une régénération osseuse du défaut est grande.

Évaluation préopératoire et radiographique

La largeur du défaut est définie par l’angle formé entre la paroi radiculaire adjacente au défaut et le mur osseux lui faisant face. Plus le défaut est étroit (angle fermé) et profond, plus le gain d’attache et le gain osseux seront élevés en comparaison avec une lésion large et peu profonde.

La sélection du défaut à régénérer se fait par une évaluation préopératoire et radiographique. La radiographie est un examen complémentaire qui fournit des informations utiles sur la morphologie de la lésion et son potentiel de régénération.

L’angle du défaut radiographique est un moyen de déterminer le potentiel de gain d’attache : il existe une différence significative dans les résultats entre des défauts étroits (inférieurs à 25°) et des défauts larges (supérieurs à 37°). En définitive, quelle que soit la qualité de la radiographie, la morphologie du défaut ne pourra être évaluée qu’en peropératoire après avoir levé le lambeau, dégranulé la lésion et surfacé la racine.

Cas clinique 1

Mme A., patiente de 44 ans, non fumeuse, se présente au cabinet. Nous posons le diagnostic d’une parodontite de stade 4, grade C (Fig.1 à 5).

régénération tissulaire

Fig.1 : Vue clinique initiale.

régénération tissulaire induite

Fig.2 : Sondage préopératoire évaluant la profondeur de la lésion. Profondeur de sondage = 7 mm.

Évaluation radiographique de la lésion.

Fig.3 : Évaluation radiographique de la lésion. Défaut à un mur osseux, peu profond et angle ouvert.

application du dérivé de la matrice amélaire sur la surface radiculaire

Fig.4 : Après débridement, application du dérivé de la matrice amélaire sur la surface radiculaire.

régénération tissulaire induite

Fig.5 : Cicatrisation à 15 jours.

Cas clinique 2

Mme B, 35 ans, non fumeuse. Nous diagnostiquons une parodontite de stade 3 grade B (Fig.6 à 11).

sondage préopératoire

Fig.6a et b : Vue clinique et sondage préopératoire après la thérapeutique parodontale initiale. Profondeur de poche résiduelle = 8 mm.

régénération tissulaire induite

Fig.6b.

Image radiographique préopératoire

Fig.7 : Image radiographique préopératoire. Présence d’un hémiseptum (défaut à un mur osseux) en distal de la 21.

Lambeau de préservation papillaire

Fig.8a et b : Lambeau de préservation papillaire. Évaluation peropératoire après dégranulation : hémiseptum large et peu profond. Défaut à un mur osseux.

régénération tissulaire induite

Fig.8b.

 Mise en place du dérivé de matrice amélaire

Fig.9a et b : Mise en place du dérivé de matrice amélaire sur la surface radiculaire exempte de cément.

régénération tissulaire induite

Fig.9b.

Cicatrisation à 15 jours

Fig.10a et b : Cicatrisation à 15 jours postopératoires.

régénération tissulaire induite

Fig.10b.

Cicatrisation à six mois.

Fig.11a et b : Vue initiale préopératoire et cicatrisation à 6 mois postopératoires.

résultat final régénération tissulaire

Fig.11b.

Nous mettons en place le dérivé de matrice amélaire sur la surface radiculaire exempte de cément. Le gel d’amélogénine précipite et forme une matrice extracellulaire stable hydrophobe. La matrice interagit avec les cellules mésenchymateuses des tissus sains adjacents et permet leur attraction et leur prolifération.

L’emdogain permet l’activation du programme de l’odontogénèse. Les cellules mésenchymateuses se différencient en cémentoblastes. Les cémentoblastes sécrètent un néocément qui conduit secondairement à la régénération du ligament alvéolodentaire. L’os alvéolaire est régénéré au contact du néocément.

Conclusion

La régénération tissulaire induite (RTI) est une technique de gain d’attache utilisant les dérivés de la matrice amélaire (DMA). La RTI permet la formation d’une nouvelle attache entre un cément néoformé et l’os régénéré. Les DMA sont indiqués dans le traitement chirurgical des défauts intraosseux parodontaux et des lésions inter-radiculaires. La régénération tissulaire induite peut être utilisée seule ou en combinaison avec un biomatériau de substitution osseuse.

La radiographie est un examen complémentaire indispensable à l’examen clinique préopératoire du potentiel de régénération du défaut. Avec les dérivés de matrice amélaire, la régénération la plus prédictible est lorsque l’angle formé entre la paroi radiculaire adjacente au défaut et le mur osseux lui faisant face est inférieur ou égal à 22 degrés.

Indications de la régénération tissulaire induite

– Dans le traitement chirurgical des défauts intra-osseux parodontaux.

– Lorsque l’accès à l’instrumentation est difficile (LIR étroites par exemple).

Avantages de l’utilisation clinique des dérivés de la matrice amélaire

– Simplicité d’utilisation.

– Meilleure reproductibilité.

– Morbidité faible.

Auteure

Dr Julia Garabetyan

Dr Julia Garabetyan

© Alexis Long.

Post-graduate européen de parodontologie et dentisterie implantaire de l’université Paris VII

Ancienne assistante de l’université Denis Diderot Paris VII

Exercice privé limité à la pratique de la parodontie et de l’implantologie orale, Paris.

L’auteure déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

Bibliographie

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