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Vidéosurveillance : les bonnes pratiques

Qu’elles soient destinées à assurer la sécurité des équipes et des patients, ou à décourager les cambriolages, effractions et autres activités répréhensibles, les caméras de surveillance sont de plus en plus présentes dans les cabinets dentaires. Si rien n’interdit à un praticien d’équiper son cabinet d’un système de vidéosurveillance, son usage soulève de nombreuses questions : sous quelles conditions peut-on filmer ses collaborateurs ou ses patients ? Où peut-on installer les caméras ? Quelles sont les limites au respect de la vie privée ? Quels sont les droits de vos employés et vos devoirs en tant qu’employeur ? Etc. En France, les conditions de l’utilisation de la vidéosurveillance en entreprise sont encadrées par plusieurs textes juridiques : le Code du travail, le Code civil, le Code pénal, le Code de la sécurité intérieure (CSI) et le Règlement général sur la protection des données (RGPD). En cas de non-respect de ces obligations légales, la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés) peut intervenir et, le cas échéant, prononcer des sanctions pénales ou financières à l’égard des contrevenants. Pour éviter les mauvaises surprises, il est donc primordial de connaître les règles à respecter avant de mettre en place votre dispositif de vidéosurveillance.

Quel prérequis ?

Avant toute chose, la première question à vous poser est de savoir si votre projet d’équiper votre cabinet d’un système de vidéosurveillance repose sur un objectif légal et légitime. En effet, comme le rappelle la Cnil, « un employeur ne peut pas installer des caméras dans ses locaux sans définir un objectif, qui doit être légal et légitime. Par exemple, des caméras peuvent être installées sur un lieu de travail à des fins de sécurité des biens et des personnes, à titre dissuasif ou pour identifier les auteurs de vols, de dégradations ou d’agressions ». Sans risque avéré, vous ne pouvez donc pas installer des caméras dans votre cabinet.

Quelles formalités ?

Pour les systèmes de vidéosurveillance qui filment un lieu non ouvert au public (lieu de stockage, zone dédiée au personnel, local de stérilisation, etc.), aucune déclaration n’est à faire auprès de la Cnil. Vous avez cependant l’obligation d’inscrire votre dispositif de vidéosurveillance dans un registre de traitements de données. Ce document, que le cabinet dentaire doit obligatoirement tenir pour être en conformité avec le RGPD, vous permet de recenser vos traitements de données et de disposer d’une vue d’ensemble de l’usage que vous en faites. Pour les systèmes de vidéoprotection qui filment un lieu ouvert au public (espace d’entrée et de sortie du public, comptoir du secrétariat, etc.), vous devez déposer une demande d’autorisation à la préfecture du lieu d’implantation du système (Préfecture de police pour Paris). Le formulaire de demande peut être retiré auprès des services de la préfecture, et également téléchargé ou rempli en ligne sur le site du ministère de l’Intérieur, via un formulaire dédié. La préfecture est tenue de répondre sous quatre mois. L’autorisation délivrée est ensuite valable pour une durée de cinq ans.

Quelles informations communiquer ?

Vous avez l’obligation d’avertir les personnes filmées (patients et collaborateurs) de l’installation d’un système de vidéosurveillance dans votre cabinet. Cela signifie que vous devez mettre à leur disposition une information claire qui mentionne l’existence du dispositif, au moyen de panneaux affichés en permanence, de façon visible, dans les lieux concernés. Ces affiches ou panneaux comporteront a minima : un pictogramme représentant une caméra et précisant l’identité du responsable du système de vidéosurveillance, les finalités du traitement installé (autrement dit, l’objectif principal de l’utilisation de données personnelles), la durée de conservation des images et les modalités concrètes d’exercice du droit d’accès aux enregistrements visuels pour les personnes concernées. Pour que les affiches restent lisibles, les autres informations devant être portées à la connaissance des personnes filmées (en application des articles 13 du RGPD et 104 de la loi Informatique et libertés) peuvent être communiquées par d’autres moyens, comme par exemple votre site Web. À noter : si aucun de vos collaborateurs ne travaille dans des zones où sont installées des caméras, vous n’êtes pas tenu de les informer de la mise en place de votre système de vidéosurveillance.

Où installer les caméras ?

La Cnil rappelle que les caméras ne doivent pas filmer les employés sur leur poste de travail, sauf circonstances particulières (un employé manipulant de l’argent, par exemple, mais la caméra devra alors davantage filmer la caisse que le collaborateur), ni leurs zones de pause ou de repos, ni les toilettes. Les caméras ne doivent pas non plus filmer les locaux syndicaux (ni leur accès, lorsque celui-ci ne mène qu’à ces seuls locaux) ou des représentants du personnel. Concernant les patients, il est évidemment illégal de filmer la consultation. Le dispositif de vidéosurveillance peut en revanche être installé dans les entrées, couloirs et salles d’attente.

Qui peut consulter les images ?

Seules les personnes habilitées et mentionnées dans l’autorisation préfectorale peuvent, dans le cadre de leurs fonctions, visionner les images enregistrées. La Cnil insiste particulièrement sur ce point : « L’accès aux images doit être sécurisé pour éviter que tout le monde ne puisse les visionner. » Les personnes filmées ont également un droit d’accès aux images sur lesquelles elles apparaissent.

Quelle durée de conservation des images ?

C’est à l’employeur de définir la durée de conservation des images de vidéosurveillance, qui doit être en lien avec l’objectif « légal et légitime » poursuivi par les caméras. En vertu du principe de limitation de la durée de conservation des données, prévu par l’arrêté préfectoral d’autorisation (art. L252-5 du CSI), la durée de conservation des images ne peut excéder trente jours. Après ce délai, elles doivent être détruites. En règle générale, pour un cabinet dentaire, quelques jours suffisent pour exploiter les images si elles ont besoin d’être examinées. Dans le cas où ces vérifications entraîneraient des procédures disciplinaires ou pénales, les images sont extraites du système et conservées pour la durée de la procédure.

Témoignage
Dr Alain Vigié du Cayla, orthodontiste à Obernai

« Dans mon cabinet, j’ai mis en place une alarme couplée à une télésurveillance. En cas d’intrusion, l’alarme se déclenche et les caméras filment les lieux s’il y a un ou des intrus. Ces images sont transmises au PC de sécurité et l’agent appelle le cabinet par le système audio installé avec les caméras. Il faut alors s’identifier avec le mot de passe et dans le cas contraire les forces de l’ordre sont prévenues et peuvent intervenir car il y a eu auparavant « la levée de doute ». Selon moi, c’est une solution judicieuse pour sécuriser des locaux. En revanche, je considère que filmer l’activité du cabinet en journée a un côté un peu intrusif. D’une certaine manière, cela voudrait dire que je ne fais pas confiance à mon personnel. Mais je comprends tout à fait que des confrères y aient recours s’ils ont déjà été agressés ou s’ils exercent dans des zones où des agressions violentes ont eu lieu. »

Cnil : 542 plaintes contre la vidéosurveillance en entreprise en 2022

En 2022, la Cnil a reçu 663 plaintes de la part d’employés estimant faire l’objet de mesures de surveillance illicites au regard du RGPD ou de la loi Informatique et libertés. Sur ces 663 plaintes, les dispositifs de vidéosurveillance ont été les outils les plus souvent signalés : 542 plaintes, soit près de 82 % du total. Ce chiffre reste relativement stable par rapport à l’année 2021, où 83 % des plaintes relatives à la surveillance des salariés concernaient les dispositifs de vidéosurveillance au travail.

Quels risques pour l’employeur ?

En cas de non-respect des dispositions du Code du travail et de la loi Informatique et libertés, l’employeur peut encourir des sanctions pénales :

• 1 an de prison et 45 000 € d’amende pour atteinte à la vie privée d’une personne (article 226-1 du Code pénal) ;

• 5 ans de prison et 300 000 € d’amende pour la collecte des images par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite (article 226-18 du Code pénal) ;

• 7 500 € d’amende lors d’un défaut d’information des salariés (articles 131-41 et R625-10 du Code pénal) ;

• 1 500 € d’amende par salarié filmé pour ne pas l’avoir informé que son image était collectée par le dispositif de vidéosurveillance (article R625-10 du Code pénal).

L’employeur s’expose également à des amendes pécuniaires, dont le montant peut représenter jusqu’à 4 % du chiffre d’affaires annuel de l’entreprise.