Les fake news dentaires

Au cours des dernières années, les fausses informations en santé, notamment dans le domaine dentaire, ont proliféré, amplifiées par le boom des réseaux sociaux. Ces plateformes, devenues des canaux de communication privilégiés, facilitent tout particulièrement la propagation rapide et virale de contenus non vérifiés. La crise sanitaire a exacerbé cette tendance, transformant souvent les réseaux sociaux en principales sources d’information et de partage, notamment pendant les périodes de confinement. Cette évolution a créé un environnement encore plus propice à la désinformation, où n’importe qui peut publier des informations erronées, mettant non seulement en péril la santé publique mais aussi la confiance dans les professionnels de santé.

Comment les fake news se propagent-elles ?

Nous avons tous déjà partagé des informations en ligne sans toujours vérifier si elles étaient exactes ou si leur source était fiable. En général, nous cliquons, survolons et partageons simplement pour participer à la conversation ou pour voir les réactions d’autres personnes. Ce comportement devient particulièrement problématique lorsque des éléments scientifiques sont mélangés à des informations trompeuses ou sortis de leur contexte. Cela rend difficile la distinction entre les faits réels et les fake news et peut conduire à une compréhension erronée ou biaisée. Parfois, même des idées fausses peuvent sembler plausibles, surtout lorsqu’elles sont répétées à maintes reprises, et finissent par être acceptées même si elles sont inexactes.

Ce mécanisme est au cœur du problème des fake news, qui sévit particulièrement dans le domaine de la santé. La dentisterie n’échappe pas à cette tendance : les réseaux sociaux et Internet regorgent de contenus accrocheurs et facilement accessibles proposant des solutions rapides, peu coûteuses et simples aux problèmes de santé bucco-dentaire.

Principales conséquences des fake news

Les fausses informations peuvent avoir des répercussions sérieuses sur la santé dentaire de vos patients. Elles peuvent notamment conduire au rejet de mesures préventives fondées sur des données scientifiques solides, telles que l’utilisation du fluor. Elles peuvent aussi encourager le recours à des traitements non éprouvés, comme les solutions de blanchiment maison ou les produits dentaires à effet rapide, largement promus sur YouTube et autres plateformes de médias sociaux. La propagation de mythes dentaires, comme la croyance erronée selon laquelle un brossage plus fort donne un meilleur nettoyage ou que la consommation de sucre serait seule responsable des caries, est également courante.

Enfin, la désinformation peut semer le doute à l’égard des professionnels de la santé dentaire. Lorsque les patients sont exposés à de fausses informations, cela peut remettre en question la crédibilité des praticiens et leur intégrité. Cette méfiance peut entraîner une perte de confiance dans les conseils et recommandations des chirurgiens-dentistes, compromettant ainsi la relation patient-praticien et la qualité des soins dentaires.

Se tenir informé et informer ses patients

Dans un monde où les fake news se propagent aussi facilement, il est donc essentiel que tous les professionnels de santé restent informés et puissent guider leurs patients de manière précise. En tant que dentiste, vous serez inévitablement confronté à une multitude de fausses informations, tout comme vos patients. Certains d’entre eux pourront d’ailleurs se rendre dans votre cabinet avec des questions ou des préoccupations basées sur des informations trompeuses trouvées en ligne ou dans les médias. C’est pourquoi vous et votre équipe devez être préparés à répondre à ces questions.

Pour cela, assurez-vous de rester toujours (in)formé sur les dernières avancées de la recherche et les meilleures pratiques en matière de santé bucco-dentaire. Cela vous permettra de fournir à vos patients des informations précises et actualisées lors des consultations. Encouragez-les également à poser des questions et à rechercher des informations provenant de sources crédibles. En les aidant à développer un esprit critique, vous les outillez pour discerner les fake news des faits vérifiés. Enfin, soyez prêt à réfuter activement les fausses informations déjà bien ancrées. Si vous constatez que certains de vos patients accordent du crédit à des informations incorrectes, prenez le temps de les corriger : présentez les faits étayés par des preuves scientifiques et proposez-leur des ressources fiables où ils pourront obtenir des informations précises et vérifiées.

Communiquer de façon claire et rassurante

Il arrive aussi parfois que les fake news découlent d’une incompréhension ou d’une mauvaise interprétation des explications fournies par les chirurgiens-dentistes aux patients. Ces derniers n’étant pas des professionnels de la santé bucco-dentaire, il est primordial que les informations transmises le soient de manière claire et compréhensible. Lorsque les explications sont ambiguës, il existe un risque que certaines soient mal interprétées, ce qui peut entraîner des conclusions erronées et contribuer à la propagation d’idées fausses sur la santé dentaire. Aussi, lorsque vous discutez des traitements ou des procédures avec vos patients, veillez à communiquer de manière claire et transparente. Évitez l’utilisation de termes techniques complexes qui pourraient prêter à confusion, et prenez le temps d’expliquer les procédures de manière simple et compréhensible.

3 questions à Inès Meisels, chirurgienne-dentiste à Annecya6ac2dba3ce56baac2dba3ce58eac2v

Pourquoi vous être intéressée aux fake news en dentaire ?

Cela s’est fait dans le cadre de ma thèse, « La dentisterie au travers des vidéos des youtubeurs : influence et conséquences sur l’internaute-patient ». En analysant ces contenus, j’ai commencé à remettre en question leur fiabilité et j’ai rapidement constaté que pour les patients, il était difficile, voire impossible, de distinguer le vrai du faux, faute d’outils pour faire le tri.

Quelles peuvent être selon vous les conséquences ?

Pour les patients, l’impact peut être directement sur leur santé bucco-dentaire en raison de mauvaises habitudes ou de l’utilisation de produits inadaptés. Pour les dentistes, c’est la légitimité de la parole qui est en jeu. Car d’une certaine façon, les patients vont trouver une vérité sur Internet, légitimée parce qu’ils l’auront vue à plusieurs reprises sur des comptes qui ont des millions d’abonnés. Ils peuvent donc avoir des croyances dans des choses qui ne sont absolument pas vraies. C’est pourquoi il est essentiel que les dentistes soient sensibilisés à ces questions pour être capables de poser les bonnes questions. Certains patients peuvent s’être renseignés sur des diagnostics avant de se rendre au cabinet, ce qui nécessite une communication adaptée de la part des praticiens.

Comment peut-on lutter contre les fake news ?

Il n’y a pas vraiment de consensus à ce sujet. Je pense qu’il est important de questionner régulièrement les patients sur leurs habitudes d’hygiène dentaire, notamment sur les outils et produits utilisés, car cela peut permettre de comprendre beaucoup de choses. Les motifs de consultation, comme l’esthétique, peuvent également révéler des préoccupations ou des croyances influencées par les médias sociaux. Dans tous les cas, il est essentiel d’engager des conversations avec les patients et de répondre à leurs questions de manière adaptée. Il faut garder à l’esprit que certains peuvent être convaincus par des informations erronées, ce qui nécessite une approche délicate pour les guider vers des choix de soins appropriés.

L’Inserm déclare la guerre aux fake news

Face à la problématique des fake news, l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) s’est mobilisé dès 2018 avec la diffusion d’une série de vidéos humoristiques, publiées sur sa chaîne YouTube dédiée, Canal Détox. En 2021, l’Institut a également publié le livre Fake news santé aux éditions du Cherche midi « afin de déconstruire toutes les fake news et idées reçues en santé ».

Fin 2023, c’est dans cette continuité que l’Inserm a lancé un nouveau volet de sa campagne grand public – « On gagne tous les jours à s’intéresser à la santé ». Cette fois, l’Institut a transformé « en vrais-faux produits une série de solutions miracles, à l’image de celles promues sur les réseaux sociaux ». Objectif : sensibiliser chacun sur les risques pour la santé associés aux fausses informations et attirer l’attention sur l’importance de se tourner vers des sources scientifiques rigoureuses pour s’informer.

Mésinformation versus désinformation

La mésinformation en matière de santé est une information qui est fausse, inexacte ou trompeuse selon l’avis des experts et des meilleures données scientifiques disponibles. Il s’agit d’informations erronées partagées par des personnes qui n’ont pas l’intention d’induire les autres en erreur.

La désinformation, en revanche, a pour but d’induire les autres en erreur. Bien qu’elle ne soit pas un phénomène nouveau, elle est l’objet d’une recrudescence depuis quelques années, en raison de l’explosion des réseaux sociaux et particulièrement depuis l’ère du Covid-19.