Chirurgie implantaire guidée : statique ou dynamique ?
Dans nombre de disciplines chirurgicales, la chirurgie assistée par ordinateur se développe. Le principe : à partir de données numériques d’imagerie, planifier virtuellement le traitement envisagé, puis le mettre en œuvre très précisément au moyen de divers dispositifs d’aide. Citons d’abord les guides chirurgicaux physiques, imprimés en 3D aux dimensions du patient, facilitant la réalisation des gestes chirurgicaux à la position prévue – on parle alors de chirurgie guidée, statique. Peuvent aussi être utilisés des systèmes de tracking des mouvements, capables de repérer et de guider dans l’espace, en temps réel, la main du chirurgien vers le site exact d’incision, d’ostéosynthèse, etc. – on parle alors de chirurgie naviguée, dynamique.
Et ces méthodes apparaissent particulièrement intéressantes en implantologie. L’objectif : sur la base des empreintes numériques du patient, prédéfinir « la position idéale de l’implant à poser », et retrouver cet emplacement optimal lors de la pose, indique Jérôme Lipowicz, chirurgien-dentiste à Paris et président de l’Académie de Chirurgie guidée.
La science confirme les progrès amenés dans la discipline. « Toutes les études donnent sensiblement les mêmes résultats : on gagne en précision sur l’angulation, la position osseuse et la position de l’apex de l’implant », soutient le Dr Josselin Lethuillier, chirurgien-dentiste au CHU de Montpellier ainsi qu’en cabinet, membre de la Société française de parodontologie et d’implantologie orale. La chirurgie assistée est associée à « des résultats plus réguliers et prédictibles que la chirurgie à main levée », insiste le Dr Lipowicz. Et ce, en chirurgie statique comme en chirurgie dynamique.
Au-delà de cette amélioration de la qualité des traitements, la chirurgie assistée présente d’autres atouts. « On gagne en temps et en confort, côté praticien comme côté patient », déclare le Dr Lethuillier.
Mais pour bénéficier au mieux de ces nouvelles méthodes, reste à savoir quel type de chirurgie assistée adopter.
Chirurgie guidée, plus aisée mais plus rigide
Certes, l’étape de planification implantaire est similaire en chirurgie statique et chirurgie dynamique. Et ce, bien que la finalité de cette première phase diverge – puisque la chirurgie guidée aboutit à l’usinage d’un guide chirurgical, et la chirurgie naviguée à la production d’un fichier informatique. « Dans les deux cas, il faut réaliser préalablement un scanner intraoral, et créer deux fichiers – un fichier os, et un fichier Dicom », détaille le Dr Lethuillier. Et en chirurgie statique comme dynamique, le praticien peut soit réaliser lui-même la planification de A à Z, soit déléguer tout ou partie de cette phase à un laboratoire de prothèse. « Le chirurgien-dentiste reste requis seulement pour valider la planification. »
Toutefois, les modalités pratiques de réalisation du traitement diffèrent. La chirurgie statique dépend, on l’a dit, de la pose d’un guide chirurgical, facilitant la plupart des gestes de même que la communication avec le patient. Cependant, le guide peut aussi être source de complications pratiques. « Le risque d’échauffement est plus important », illustre le Dr Lethuillier.
Et en cas d’erreur de planification, impossible de modifier le guide le jour de la pose. « On peut alors seulement replanifier l’intervention, le temps d’imprimer un nouveau guide, ou bien finir le jour même la pose d’implant à main levée », déplore le Dr Lipowicz.
Difficultés en cas de faible ouverture buccale
De plus, le guide n’est pas le seul dispositif particulier nécessaire à la réalisation d’une chirurgie statique. Comme l’explique le Dr Lethuillier, est aussi requis « un set d’instruments spécifiques pouvant passer à travers le guide, plus longs que les instruments classiques ». D’où un possible inconfort pour le patient. Si bien que la chirurgie statique semble inadaptée en cas de faible capacité d’ouverture buccale.
Au contraire, la chirurgie naviguée autorise plus d’adaptabilité. « Comme on ne dépend que d’un fichier numérique, en cas d’erreur de planification, on peut replanifier rapidement en cours de route, et réaliser malgré tout l’intervention à la date prévue », avance le Dr Lipowicz.
Mais la chirurgie naviguée n’est pas plus facile à mettre en œuvre pour autant : certaines différences avec la chirurgie classique nécessitent aussi un temps d’adaptation technique. Doivent être utilisés « une grosse pièce à main, inhabituelle, permettant de tenir le foret », ainsi qu’un radar accompagné de « clips », ou trackers, à fixer en bouche le jour de l’acquisition du scanner et lors de la chirurgie, décrit le Dr Lethuillier. « Tout dépend vraiment de la position du clip et de sa fixité, or difficile de bien fixer ce clip chez certains patients, notamment ceux très édentés. » Autre contrainte : l’espace entre le champ et le radar doit être laissé libre. « Si l’assistant passe la tête pendant la chirurgie, cela coupe le signal », prévient l’implantologue. De plus, pour se repérer, il apparaît indispensable de regarder non seulement la bouche du patient mais aussi un écran.
La chirurgie naviguée, plus souple mais plus confidentielle
En outre, si cette chirurgie dynamique peut être mise en œuvre au moyen d’instruments habituels, permettant son utilisation même en cas de troubles de l’ATM, du fait de l’absence de guide, cette chirurgie s’approche davantage de la chirurgie à main levée. « Si le chirurgien tremble, la précision est impactée », relève le Dr Lipowicz.
Ainsi, l’apprentissage apparaît plus long en chirurgie naviguée, remarque le praticien. En fait, la chirurgie naviguée apparaît globalement plus confidentielle. D’autant, selon le Dr Lipowicz, que « le prix du matériel nécessaire peut rebuter ». Du moins, au premier abord. « Quand on fait de la chirurgie assistée – qu’elle soit statique ou dynamique -, on travaille avec plus de régularité, plus rapidement », compensant rapidement le coût d’achat, estime-t-il.
Finalement, chirurgie guidée et naviguée permettent d’améliorer la précision et la rapidité des traitements en implantologie. Chacune de ces méthodologies présente des difficultés et avantages singuliers, qui nécessitent, comme les autres techniques, de se former. « Ce sont surtout des idées préconçues sur le numérique qui empêchent certains de se lancer », entrevoit le Dr Lipowicz.