La HAS réprouve la lasérothérapie en complément d’un DSR
Une chronique animée par le Dr Michel Abbou
Le verdict de la HAS (Haute Autorité de Santé) est tombé en décembre 2018 : « L’utilisation de lasers (Er:YAG, Nd:YAG et diode), ou de la thérapie photodynamique (TPD), en complément d’un DSR (détartrage-surfaçage radiculaire), n’est pas pertinente en pratique habituelle. »
La Sécurité Sociale n’attend pas systématiquement l’avis de la HAS pour décider de la prise en charge ou non des traitements bucco-dentaires. D’ailleurs la majorité des actes de parodontologie, bien que préconisés et validés par l’ensemble de la communauté scientifique, ne trouve aucun écho en termes de prise en charge par la CPAM. L’avis négatif de la HAS confirme la position maintenue depuis une dizaine d’année par l’AAP (American Academy of Periodontology). Ce verdict sans appel sur le recours à la thérapie laser-assistée en complément d’un DSR alourdit le « handicap » des praticiens laseristes (déjà confrontés au non remboursement de ces techniques de soins) avec la double peine d’un investissement initial important (formations et matériel) adossé à « l’obligation morale » de justifier leur pratique auprès des patients en quête (et au fait) légitime d’informations.
Alors qui croire et qui suivre… L’assemblée des sages de la HAS qui se base sur des avis d’experts émis à l’appui d’études bibliographiques OU les praticiens chevronnés qui ont pris la peine de s’intéresser eux-mêmes à la question… Jusqu’à se convaincre de la pertinence du recours à ces thérapies photo-dynamiques, au point de s’y investir matériellement, financièrement et pratiquement ?
Le corollaire de cette problématique est le suivant : quel intérêt peut-on trouver à pratiquer (et continuer à pratiquer malgré l’avis de la HAS) des TPD dans ces conditions « défavorables » (non remboursement, discrédit de la communauté scientifique)… Si ce n’est le constat récurrent d’un bénéfice thérapeutique favorable ? C’est la base du fameux bons sens clinique que nous acquérons avec l’expérience, parfois en nous exposant en dehors des chemins balisés par l’intelligentsia !
J’ai donc proposé à deux praticiens « laseristes » expérimentés – et enseignants universitaires de surcroit – de clairement et didactiquement nous exposer leurs perceptions des choses à l’aune de la décision réprobatrice de la HAS. Chacun se fera son opinion en n’oubliant pas cette assertion de l’académicien Michel Serres : « la seule autorité possible est fondée sur la compétence » .
Le débat ne sera pas clos pour autant ; il ne manquera pas de se poursuivre de vive voix à l’occasion du colloque national PARO 2020 (programmé au jeudi 16 janvier 2020) qui réunira sur un même plateau des acteurs de la sphère parodontale ayant des approches différentes, voire divergentes en termes de démarches thérapeutiques.
Dr Gérard NAVARRO
Master européen d’applications lasers en odontologie EMDOLA
Fondateur et Co-Président de la Dental Laser Academy
De l’utilité des lasers en parodontologie ?
Quelques rappels sur les mécanismes de la maladie parodontale sont indispensables :
Une gingivite chronique évolue le plus souvent vers une parodontite modérée sévère.
Cette Parodontite se caractérise par l’organisation et l’activité du BIOFILM, communauté complexe de micro-organismes organisée et adaptable (1).
Car le Biofilm dispose d’une résistance à de nombreux facteurs, de défense de l’hôte, en particulier, les macrophages, le système immunitaire et aux antibiotiques (2) permettant ainsi, aux bactéries de pénétrer l’épithélium et le conjonctif sous-jacent (3,4).
L’hôte dans sa tentative de combattre l’invasion, libère alors de nombreuses substances dont les cytokines, les prostaglandines, et des enzymes protéolytiques (Collagénases, Gélatinases, Elastases) entrainant une destruction et un remaniement tissulaire (5,6).
En l’absence de traitement, l’action du biofilm pathogène se pérennise. Il y a un risque de passage à la chronicité pouvant avoir de nombreuses répercussions systémiques (6).
Les thérapeutiques Lasers sont peu enseignées, peu développées au sein de l’arsenal thérapeutique conventionnel et souvent mal perçues.
Alors que les lasers ont facilement trouvé leurs lettres de noblesse en Ophtalmologie, en Carcinologie ou en Dermatologie, ils sont encore peu connus en Odontologie.
Non Iatrogène, cette technologie trouvera-t-elle naturellement sa place dans notre palette d’outil ?
S’il est un sujet à ce jour discuté, parfois jusqu’à la polémique, c’est bien celui de la Parodontologie Laser assistée.
En préambule, Il faut rappeler qu’un Laser se définit avant tout par sa longueur d’onde et que sous le vocable « Laser » se cachent une multitude de longueurs d’ondes différentes aux caractéristiques physiques très différentes. Les effets étant la conséquence directe des caractéristiques physiques du faisceau il est aisé de comprendre que l’on ne peut pas les regrouper sous un même vocable.
L’argumentation portant sur l’intérêt dans l’usage de cette technologie est soumise à controverse pour probablement quelques raisons valides et d’autres discutables, voire invalides.
Cette argumentation repose principalement sur :
- le coût des appareillages ce qui reste vrai pour certains d’entre eux et qui pourrait expliquer le « succès » des lasers Diodes,
- l’absence de preuves formelles du bénéfice thérapeutique
Le jugement est hâtif. Mais pour mieux comprendre la place que cette technique occupe aujourd’hui il convient de suivre l’évolution de la discipline Parodontale.
Dans les années 1970 la parodontie était principalement chirurgicale par SOUSTRACTION.
Il était recommandé de « mettre à plat » les poches parodontales, le processus cicatriciel se chargeant de la ré-attache. Le résultat cosmétique était désastreux et le résultat clinique n’était pas nécessairement pérenne.
C’est ce constat qui conduisit, une décennie plus tard, à une chirurgie parodontale dite par ADDITION, reposant sur des méthodes sophistiquées, de sutures, de déplacements tissulaires, de comblements, de greffes.
Peu à peu le concept de PARODONTIE MEDICALE (7) est apparu.
C’est dans ce cadre précis, que la technologie laser trouve sa place. Tant en désinfection qu’en microchirurgie parodontale.
Le concept de PARODONTOLOGIE MEDICALE repose sur la notion, de Biofilm bactérien, de réponse immunitaire mais également sur des facteurs de risques tels que Hérédité, Tabagisme, Alimentation, Hygiène bucco-dentaire, etc.
Dans notre activité, la clé principale du problème posé consiste à :
- Rechercher la cause,
- Gérer la cause,
- Associer différentes méthodes thérapeutiques
- Avoir des réponses tissulaires RAPIDES
Car pour les patients les résultats doivent apparaître rapidement et perdurer afin d’encourager, et de rassurer sur les méthodologies thérapeutiques employées.
« Time is the truth ». Pour ma part la rapidité dans l’obtention de résultats efficaces probants, encourageants et sécurisants est le facteur fondamental pour que le patient adhère aux contraintes thérapeutiques proposées.
AGIR VITE ET PROFONDEMMENT GRACE AUX LASERS.
Ne pas laisser la maladie parodontale s’installer, arrêter la destruction du système d’attache, stopper l’accumulation des PMN en réponse à la stimulation bactérienne iatrogène, bloquer les altérations du tissu conjonctif, décoloniser l’espace jusqu’au contact du tissu osseux et même dans l’os, pour la satisfaction du traitant. Sur cet aspect, personne ne peut démentir l’efficacité des Lasers.
Les lasers chauds et les lasers softs par la Photo Dynamic Therapy (PDT ) ont été très largement étudiés et ont démontré leur efficacité en traitement des parodontopathies et dans les traitements des péri-implantites .
On peut citer de très nombreuses publications, Exemples (8, 9, 10, 11, 12, 13, 14).
AMELIORER LE PLUS VITE POSSIBLEle déséquilibre de l’écosystème parodontal, les aspects cliniques et les phénomènes plus ou moins douloureux ressentis par le patient : saignement, mobilité des dents, tassements alimentaires, hypersensibilité dentinaire, suppuration et abcès parodontaux,
Dans un système de santé « idéal » la gestion de ces pathologies devrait passer par la prévention, mais pour agir vite, la technologie laser démontrée par de très nombreuses publications présente de belles perspectives qui restent, probablement, à valider par des études fondamentales incontestables (15 ) pour une intégration officielle dans l’arsenal thérapeutique dont nous disposons.
Pourquoi utiliser les lasers en parodontologie ?
Les lasers permettent de réaliser de façon plus efficace et plus aisée le traitement parodontal dit « non chirurgical », ou en complément d’un traitement chirurgical, par :
• Elimination du biofilm radiculaire surtout quand la topographie radiculaire et osseuse sont complexes,
• Elimination des bactéries intracellulaires de la poche,
• Obtention d’une surface cémentaire compatible avec une réattache ou une régénération tissulaire,
• Biomodulation, dont l’action diminue l’inflammation et accélère la cicatrisation parodontale.
En effet, les lasers grâce à leur :
- Action contrôlée et réitérative,
- Propriétés antibactériennes,
- Propriétés anti-inflammatoires,
Offrent une alternative thérapeutique complémentaire, au traitement SRP des parodontopathies.
Le choix de l’utilisation du rayonnement laser en parodontologie, s’effectue selon l’indication clinique et par une validation de l’outil associé :
- Choix de la longueur d’onde = Type de laser
- Choix du dispositif d’émission : bras articulé ou fibre, transmission miroir ou tip.
Rarement une technologie a suscité autant d’étude, d’analyses et d’investigations dans nos domaines thérapeutiques.
En effet, si la longueur d’onde est un facteur primordial dans l’efficacité du laser en parodontologie, il en va de même pour les conditions de mise en œuvre, la puissance, la surface, la durée des tirs, le temps de repos donc de récupération tissulaire, l’association laser / liquide d’infiltration, etc.
Il n’y a pas à ma connaissance d’étude montrant la différence d’élévation de températures de la pulpe en fonction de la forme de la fraise, utilisée, de sa granulométrie, de son usure, de sa vitesse de rotation, de la pression exercée, ou encore du débit de spray …
Les lasers doivent revendiquer leurs atouts, que sont :
- le pouvoir bactéricide,
- le contrôle de l’hémostase et de la douleur,
- souvent l’absence d’anesthésie,
- l’ablation sélective et contrôlée.
Les traitements adjuvants « laser-assistés » constituent des perspectives prometteuses en termes d’efficacité, d’amélioration des suites post-opératoires et d’accélération de la cicatrisation.
Dr Jean-Michel STROUMZA
Attaché de consultation – Service d’implantologie de Paris VII
Ex assistant hospitalo-universitaire
Ex coordinateur du DU clinique de chirurgie dentaire laser assistée à Paris VII
Laser et DSR
Quand la HAS affirme que l’utilisation de laser (Er.Yag, Nd.Yag et diode) ou de la thérapie photodynamique en complément d’un DSR, n’est pas pertinente en pratique habituelle, on ne peut pas lui donner tort… Mais on ne peut pas non plus lui donner raison. Le praticien ne soigne pas des maladies uniquement, ils soignent avant tout des malades !
Avant la découverte et l’utilisation des lasers dans le domaine médical, les traitements de la myopie se faisaient par kératotomie radiaire en utilisant un bistouri électrique. Depuis la découverte du laser Excimer plus aucune opération ne se fait par kératotomie radiaire mais par laser. Ce serait même une régression que de revenir en arrière avec les anciennes techniques.
Le champ d’action du laser est extrêmement vaste. Il peut générer un saignement ou au contraire réaliser une coagulation. Il peut détruire les tissus mais aussi les reconstruire par bio stimulation. Il peut brûler mais aussi avoir des vertus anti inflammatoires. Il peut supprimer le contenu d’une poche parodontale et voir rapidement cette vacuité se régénérer totalement.
On peut constater une accélération des réparations biologiques et une rapide régénération des tissus (comparée aux techniques conventionnelles) qui s’associe à un confort immédiat du patient lui permettant de reprendre dès le lendemain de l’intervention ses manipulations d’hygiène bucco-dentaire. La photo-biomodulation permet d’atténuer la douleur immédiatement après traitement et d’accélérer le processus de cicatrisation pour minimiser le temps de réparation. Le laser est utile pour désensibiliser les collets, vitrifier la dentine, en cas de coiffage pulpaire, pour préparer le sulcus en vue d’une prise d’empreinte… En parodontologie, le laser est indiqué pour son effet photochimique sur la solution d’irrigation des poches parodontales, pour l’éviction du tartre sous gingival par effet photo acoustique par onde de choc sur la solution d’irrigation. La photothérapie dynamique permet le traitement des poches parodontales, des péri-implantites, ainsi que le traitement des gingivites hypertrophiques. Le laser réalise l’hémostase et la réalisation de membranes biologiques sur la partie cervicale des poches parodontales. Ainsi cette membrane étanche isole l’espace parodontal profond des agressions par les bactéries du milieu buccal L’absorption de l’onde monochromatique infrarouge par les composants de la chaîne respiratoire cellulaire de la mitochondrie transforme les molécules protéiques en énergie sous la forme d’ATP.
Cette énergie permet une augmentation des mécanismes de néoformation tissulaire (néoangiogénèse, gencive, ligament parodontal, cément et os alvéolaire) et une accélération de la reconstruction de ces différents tissus biologiques
Seule la connaissance scientifique de ce concentré de lumière monochromatique cohérente évitera les actions iatrogènes et permettra de faire évoluer cette thérapeutique pour le bien-être et le confort de tous les patients.
Le laser, par rapport à certaines techniques conventionnelles, se montre moins invasif et permet des actes plus rapides et moins contraignants pour le patient.
Du fait de son fort pouvoir bactéricide et des suites postopératoires peu douloureuses et sans œdème qu’il induit, le traitement laser assisté permet de diminuer la prise d’antibiotiques, d’antalgiques et d’anti-inflammatoires… Ce qui a aussi un impact favorable sur les dépenses de santé publique !
BIBLIOGRAPHIE :
SAUVETRE Eric, RASTEGAR Babak, EL YAZAMI Hassan Évaluation Clinique du Laser YAP en Parodontologie. I.D no 16 23 Avril 2004 Pp 1077-1082
KIERNICKA M, OWCZAREK B, GALKOWSKA E, WYSOKINSKAISZCZUK J.
Comparison Of the effectiveness of the conservative treatment of the periodontal pockets with or without thé use of laser biostimulation. Ann Univers. Mariae Curie Sklodowska [ Med]. 2004;59(1):488-94
(1) Fux CA, Costerton JW, Stewart PS, Stoodley P : Survival strategies of infectious biofilms, Trends Microbiol13:34-40, 2005 ;
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(10) Schwarz F, Nuesry E, Bieling K, et al: Influence of an erbium, chromium–doped yttrium, scandium, gallium, and garnet (Er,Cr:YSGG) laser on the reestablishment of the biocompatibility of contaminated titanium implant surfaces, J Periodontol 77(11):1820-1827, 2006.
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(14) Arweiler N. B., Pietruska M., Skurska A., Dolińska E., Pietruski J. K., Bläs M., Auschill T. M., Sculean A. Nonsurgical treatment of aggressive periodontitis with photodynamic therapy or systemic antibiotics Schweiz Monatsschr Zahnmed Vol. 123 6/2013
(15) Bezzina-Moulierac ME, Rocca JP Laser et parodontie, in Parodontie médicale. Innovations cliniques, 2nd Ed, Ed CdP, Wolter-Kluwer France, 2010, 431-447