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L'homme de Néandertal utilisait des cure-dents

Des analyses ADN démontrent que l'homme de Néandertal était un utilisateur de cure-dent.

Par Raphaëlle de Tappie, publié le 27 mars 2021

L’homme de Néandertal utilisait des cure-dents

Le cure-dent en bois est l’un des objets manufacturés les plus simples qui soient. Son principe est si basique que certains primates utiliseraient des objets similaires pour se frotter les dents. Il est également considéré comme l’instrument de nettoyage dentaire le plus ancien. Des marques de cure-dents ont ainsi été découvertes sur des dents d’hommes du Néolithique. Des cure-dents en bronze ont également été trouvés dans des tombes préhistoriques au nord de l’Italie et à l’est des Alpes. Cet objet était aussi connu en Mésopotamie. Aujourd’hui, des analyses menées sur des dents retrouvées dans une grotte en Pologne suggèrent que les Néandertaliens, qui ont pourtant la réputation de brutes primitives, avaient eux aussi l’habitude de se curer les dents après avoir mangé. L’étude est parue dans le Journal of Human Evolution.

En 2010, une équipe menée par le Dr Mikołaj Urbanowski a découvert des dents dans la grotte de Stajnia, près de Cracovie. Parmi elles, une dent de sagesse (troisième molaire) et une prémolaire supérieure. En analysant ces dernières et à l’aide de la datation radiocarbone du site, les chercheurs en sont arrivés à la conclusion qu’elles auraient appartenu à un homme de Néandertal âgé d’une trentaine d’années, ayant vécu il y a 46 000 ans. Et, « il semble que le propriétaire des dents ait eu recours à l’hygiène buccale », explique le Dr Wioletta Nowaczewska, du département de Biologie Humaine de l’Université de Wrocław, en charge des premières analyses, au journal Science in Poland.

« Probablement qu’entre les deux dernières dents, il y avait des résidus alimentaires qu’il fallait enlever. Nous ne savons pas avec quoi il fabriquait un cure-dent — un morceau de brindille, un morceau d’os ou d’arête de poisson. Il devait s’agir d’un objet assez rigide et cylindrique, que l’individu utilisait assez souvent pour laisser une trace claire », poursuit-elle.

« Le temps s’arrête » 

La dent de sagesse présente des signes d’usure importante, possiblement liés à la consommation d’aliments durs. Pour la dater, les scientifiques ont évalué la structure de sa couronne, l’épaisseur de l’émail, le contour de la surface de la dentine et les microtraumatismes de la surface de la couronne. Puis, ils ont comparé ces données avec des dents des Néandertaliens, ainsi que des représentants fossiles et contemporains de notre espèce.

« Un ensemble de traits, c’est-à-dire la présence d’une combinaison spécifique de traits caractéristiques des Néandertaliens, indique que d’autres dents de la grotte de Stajnia leur appartenaient. Dans le cas de la molaire inférieure, on peut voir une structure compliquée : un grand nombre de tubercules. Dans la partie avant de la couronne, il y avait également une dépression caractéristique et une formation d’émail. Le bon état de la prémolaire nous a permis de réaliser une analyse 2D et 3D de l’épaisseur de l’émail, une reconstruction numérique, un “arrachage” virtuel de la calotte d’émail et une évaluation de l’épaisseur de l’émail, qui est plus fine chez les Néandertaliens que chez les Homo sapiens. Toutes ces caractéristiques prises ensemble pointent vers les Néandertaliens », détaille le Dr Nowaczewska.

Mais ce n’est que récemment que l’ADN mitochondrial de ces dents a été analysé. Ces tests supplémentaires ont été effectués par le Dr Mateja Hajdinjak, de l’Institut Max Planck d’anthropologie. Ils ont permis de confirmer qu’elles appartenaient bien à des Néandertaliens. Et la richesse du plateau de Cracovie-Częstochowa où se trouve la grotte de Stajnia laisse espérer de nombreuses nouvelles découvertes de ce genre.

« Quand je regarde ces zones en tant que paléoanthropologue, j’ai l’impression que le temps s’y arrête…. S’il y a encore des restes d’ossements néandertaliens à trouver, les recherches devraient se concentrer sur le plateau et d’autres sites du sud. En raison des conditions climatiques de l’époque, c’était la zone où les conditions de vie étaient les meilleures », s’enthousiasme le Dr Nowaczewska.

Des preuves datées de plus de 130 000 ans

En 2013, des dents de Néandertal datant de plus de 130 000 ans avaient déjà été découvertes en Espagne, avec des empreintes de picage et de ciselage, peut-être pour soulager la douleur. Quatre ans plus tard, des archéologues ont retrouvé une dent de Néandertal présentant les mêmes traces en Croatie. Celle-ci datait de 130 000 ans.

Outre le cure-dents, pour se nettoyer les dents, les Néandertaliens utilisaient possiblement des matériaux tels que des os, tendons, ou de l’herbe. Cela n’a toutefois pas encore été confirmé dans les archives archéologiques. Pour rappel, l’homme de Néandertal, espèce éteinte du genre Homo, a vécu en Europe, au Moyen-Orient et en Asie centrale avant de disparaître subitement il y a environ 25 000 ans.