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Des dents préhistoriques, preuve des amours entre Néandertal et Homo Sapiens

Des chercheurs britanniques ont trouvé des traits de Néandertal et d'humain moderne dans des dents préhistoriques. « Il s'agit de la preuve directe la plus forte à ce jour de croisement » entre les deux espèces, se félicitent-ils.

Par Raphaëlle de Tappie, publié le 03 février 2021

Des dents préhistoriques, preuve des amours entre Néandertal et Homo Sapiens

Les dents n’intéressent pas que les dentistes. Bien plus solides que les os, elles passionnent également les archéologues et paléontologues à qui elles permettent souvent d’identifier des fossiles. Aujourd’hui, elles ont, une nouvelle fois, aidé à faire avancer la science autant que l’Histoire. Pendant des milliers d’années, l’Homo sapiens et les Néandertaliens se sont partagé l’Europe et certaines parties de l’Asie. Ils auraient eu des interactions et mêmes des relations sexuelles, si l’on en croit des analyses ADN selon lesquelles la plupart des Européens présentent 2% d’ADN d’homme de Néandertal dans leurs gènes.  

Toutefois, jusque-là, les chercheurs n’avaient que peu de preuves physiques directes de leurs échanges. Jusqu’à récemment, où une équipe anglaise a identifié des dents présentant à la fois des traits humains et des traits de Néandertal. « Nous considérons qu’il s’agit de la preuve directe la plus forte à ce jour (de croisement) trouvée dans les fossiles », se félicite Chris Stringer, responsable de la recherche et professeur au Musée d’histoire naturelle de Londres dans la revue Journal of Human Evolution où l’étude a été mise en ligne le 29 janvier.

En 1910 et 1911, des chercheurs fouillent le site de La Cotte de St. Brelade, situé dans l’île de Jersey, dans la Manche, réputé pour avoir abrité des Néandertaliens pendant au moins 200 000 ans. Ils y découvrent une dizaine de dents qu’ils identifient comme venant d’un homme de Néandertal. Mais, aujourd’hui, une nouvelle analyse montre que les hachoirs proviennent non pas d’un mais de deux individus, ayant vécu sur le site il y a 48 000 ans. Et là, surprise : « nous trouvons les mêmes combinaisons inhabituelles de traits de Néandertal et de traits humains modernes dans les dents des deux individus de Néandertal identifiés », explique Chris Stringer.

« Cette idée d’une population hybride pourrait être testée en examinant l’ADN ancien des dents, ce que nous espérons faire à l’avenir », déclare le scientifique dans un communiqué du Natural History Museum.

 À cette époque, Jersey était reliée à la France

« Les racines des dents ont un aspect très néandertalien, alors que le cou et les couronnes des dents ressemblent beaucoup plus à ceux des humains modernes », détaille Stringer. Seule autre explication possible : « il se pourrait que cette population très inhabituelle ait développé cette combinaison de caractéristiques de manière isolée. Cependant, à cette époque, en raison du niveau plus bas des mers de la dernière période glaciaire, Jersey était définitivement reliée à la France voisine. L’isolement est donc peu probable », développe-t-il auprès de CNN.

Les scientifiques ont été très surpris de découvrir une telle trace de métissage dans le nord-ouest de l’Europe. Car les premières preuves de l’influence humaine moderne en Europe avaient jusqu’ici été retrouvées beaucoup plus à l’est, rappelle Stringer. En Bulgarie, les preuves remontent à potentiellement 47 000 ans tandis qu’en Ibérie et dans le sud de la France, on en a identifié datant d’environ 42 000 ans.

Jusqu’à présent, la preuve la plus formelle venait d’Ocase Cave en Roumanie, où une mâchoire de 40 000 ans avait été déterrée avec des caractéristiques inhabituelles, explique Stringer. En effet, l’analyse génétique avait révélé qu’elle contenait 9% d’ADN de Néandertal, provenant de croisements ayant sans doute eu lieu au cours des cinq générations précédentes.