Mâcher du chewing-gum au xylitol pour empêcher une naissance prématurée ?

Tous les ans, 15 millions d’enfants naissent avant terme (avant la 37^e semaine de grossesse), selon l’Organisation mondiale de la santé. En France, environ 60 000 bébés naissent prématurément tous les ans, soit un toutes les neuf minutes. Parmi eux, 5 % sont de très grands prématurés (nés entre 24 et 38 semaines). Ces dernières années, plusieurs études ont montré un lien entre mauvaise santé bucco-dentaire de la mère et naissances prématurées. C’est notamment pour cela qu’en France, on propose un examen de prévention bucco-dentaire gratuit aux femmes enceintes et que l’accent est particulièrement mis sur la prévention des maladies parodontales. Aujourd’hui, des chercheurs annoncent avoir découvert un outil simple et peu coûteux pour améliorer la santé bucco-dentaire et des futures mamans, réduisant ainsi les naissances prématurées. Il s’agirait de la consommation quotidienne de chewing-gum au xylitol dès la pré-grossesse ou au début de la grossesse. Leur étude a été présentée lors du “Pregnancy Meeting”, la réunion annuelle de la Society for Maternal-Fetal Medicine (SMFM), qui s’est tenue virtuellement au mois de février. Un résumé peut être consulté gratuitement sur le site de l’American Journal of Obstetrics and Gynecology (AJOG).

L’étude a été menée pendant dix ans auprès de de 10 069 femmes du Malawi, pays d’Afrique centrale et du Sud, qui compte le plus grand nombre de naissances prématurées au monde. L’essai randomisé a recruté des participantes dans huit centres de santé du pays. Tous les établissements ont diffusé des messages promouvant la prévention bucco-dentaire tandis que la moitié d’entre eux fournissait également des chewing-gums au xylitol à ces femmes. Pour rappel, le xylitol est un polyol (sucre alcool) naturel présent dans les fruits et légumes, couramment utilisé comme substitut au sucre dans les chewing-gums.

Sur les 9 670 participantes que les chercheurs ont réussi à joindre pendant les six années de suivi, les résultats ont montré une réduction significative des naissances prématurées chez celles ayant mâché des chewing-gums au xylitol (12,6 % contre 16,5 %) ainsi qu’une diminution du nombre de bébés pesant 2,5 kg ou moins (8,9 % contre 12,9 %) à la naissance. Les participantes ont en outre témoigné d’une meilleure santé bucco-dentaire.

« Un moyen facilement disponible, peu coûteux et agréable »

“L’utilisation de la gomme à mâcher au xylitol comme intervention avant 20 semaines de grossesse a réduit les naissances prématurées, et plus particulièrement les naissances prématurées tardives entre 34 et 37 semaines”, explique l’auteure principale de l’étude, Kjersti Aagaard, professeure de médecine fœto-maternelle et vice-présidente du département d’obstétrique et de gynécologie du Texas Children’s et du Baylor College of Medicine à Houston aux Etats-Unis. “Lorsque nous avons analysé par poids de naissance, au lieu de l’âge gestationnel estimé à l’accouchement, nous avons également montré une amélioration significative du poids de naissance, avec un tiers de moins de bébés de faible poids à la naissance.”

“Ce qui est unique dans notre étude, c’est que nous avons utilisé un moyen facilement disponible, peu coûteux et agréable au goût pour réduire le risque qu’un bébé naisse trop tôt ou trop petit. Le choix d’un chewing-gum au xylitol pour améliorer la santé bucco-dentaire repose sur des bases scientifiques solides, et notre nouvelle application à l’amélioration des résultats de la naissance est passionnante. Ce fut un travail d’amour avec nos collègues du Malawi, et nous avons été honorés de travailler côte à côte pour démontrer que le chewing-gum au xylitol au début ou avant la grossesse améliorait la santé bucco-dentaire en réduisant les maladies parodontales pendant la grossesse, ce qui était fortement associé à la réduction observée des naissances prématurées et de faible poids au Malawi. Cela correspond à des preuves de longue date liant la santé bucco-dentaire aux naissances prématurées.”

Forts de leurs résultats, les chercheurs entendent désormais mener leurs recherches dans d’autres régions du monde.

De nombreux facteurs de risque

Outre une mauvaise santé bucco-dentaire, de nombreux facteurs de risque existent concernant les naissances prématurées. Si la mère souffre de diabète, d’hypertension artérielle (20% des cas), d’infections génito-urinaires ou généralisées ou a plus de 40 ans, elle sera plus susceptible de mettre au monde un bébé prématuré. Le tabagisme peut également être mis en cause, ainsi que la génétique, des grossesses multiples ou encore trop rapprochées. Mais aussi le retard de croissance intra-utérin ou l’hématome rétro-placentaire (décollement prématuré du placenta accompagné d’un hématome). Mais dans 30% des cas, on ignore pourquoi l’enfant vient au monde avant-terme.

Une naissance prématurée comporte bien entendu de nombreux risques. En France, sur les 10 000 grands prématurés naissant chaque année, 8 500 survivent. Parmi eux, près de 9 % présentent une déficience motrice, soit près de cent fois plus qu’un enfant né à terme. Ces troubles moteurs couvrent un champ très vaste : certains de ces enfants seront incapables de marcher quand d’autres souffriront seulement d’une démarche légèrement imparfaite. Concernant les déficiences sensorielles, les grands prématurés peuvent être affectés au niveau de l’audition et/ou de la vue. Quant aux troubles cognitifs, ils concernent surtout des difficultés liées à l’apprentissage et à l’attention.

Plus globalement, à la naissance, un bébé prématuré est largement susceptible de souffrir de problèmes respiratoires. Une assistance par ventilation nasale ou sonde est alors parfois nécessaire.