Le cauchemar des Anglais pour accéder à un dentiste du NHS continue
En Angleterre, l'organisation caritative Healthwatch in Somerset alerte sur la difficulté des patients à accéder à un dentiste du NHS, le service de santé publique du pays.
Angoisse dentaire en outre-Manche. Il semblerait que la situation pour accéder à un praticien du National Health Service (NHS), le service de santé publique anglais, ne soit pas améliorée. Il y a quelques mois, le groupe britannique de campagne “Toothless in Suffolk” faisait parler de lui avec les témoignages de nombreux patients dans l’incapacité de trouver un dentiste du NHS dans cette région de l’est du pays et contraints de s’arracher des dents eux-mêmes. Le 9 mai, c’est l’organisation caritative “Healthwatch in Somerset“, qui a tiré la sonnette d’alarme pour attirer l’attention sur la situation dans le sud-ouest de l’Angleterre. Là-bas aussi, de nombreux patients ne peuvent pas s’inscrire aux soins du NHS. Certains sont si désespérés qu’ils ont recours à des traitements bricolés, assure le réseau qui dit avoir entendu 4 808 personnes sur le sujet entre octobre 2021 et mars 2022.
Selon un sondage réalisé par l’organisation, 41 % des personnes ont déjà eu du mal à prendre un rendez-vous dans un centre dentaire NHS. Une personne sur cinq (20 %) se serait déjà retrouvée privée de tous les traitements dont elle avait besoin. Une personne sur quatre aurait dû aller dans le privé pour y remédier. Chez les sondés ayant réussi à consulter un dentiste du NHS, un sur six (17 %) s’est senti poussé à payer à titre privé ou n’aurait pas été informée des coûts avant de commencer un traitement. Plus d’une personne sur dix aurait d’ailleurs eu droit à un praticien facturant les traitements plus chers que les tarifs annoncés par le NHS.
Pour plus d’un tiers (29 %) des sondés, le manque d’accès aux soins dentaires aurait entraîné des problèmes plus graves. Chez 16 % des personnes interrogées, cela aurait conduit à les empêcher de manger ou de parler correctement.
« Mon cœur s’effondre »
Pour donner vie aux chiffres, l’organisation relate le témoignage de Lidya, une femme souffrant de gingivite. « Ses gencives saignent fréquemment lorsqu’elle se brosse les dents. En plus de cela, elle a besoin de quelques nouveaux plombages et de l’extraction d’une dent de sagesse. » Ne trouvant pas de dentiste NHS dans sa région, Lidya s’est « résignée et a fait appel à un prestataire privé ». “Assise dans le bureau du dentiste, à écouter la liste des traitements, le coût de 1 100 £ m’a fait fondre en larmes. Ces coûts s’ajoutaient aux 50 £ que j’avais dû dépenser pour avoir le rendez-vous”, raconte-t-elle, « constamment inquiète ». “Chaque fois que je mange et que je sens un élancement, mon cœur s’effondre. Je panique à l’idée que quelque chose de terrible est en train de se produire”, poursuit-elle, insistant pour que les soins dentaires soient disponibles gratuitement, comme les autres, dans le NHS.
D’après Healthwatch in Somerset, la pénurie de rendez-vous au NHS affecte surtout les personnes à faibles revenus. D’après le sondage, les personnes appartenant au groupe socio-économique (SEG) comprenant les cadres supérieurs, les employés administratifs et les professionnels sont six fois plus susceptibles de pouvoir payer des soins dentaires privés s’ils ne trouvent pas de dentiste NHS pour les prendre en charge que ceux appartenant au SEG E. Cette catégorie englobe les retraités, les travailleurs faiblement rémunérés et les chômeurs bénéficiant d’allocations publiques.
« Créer un service dentaire équitable et inclusif »
L’année dernière, plus de 2 000 dentistes ont quitté le NHS, se tournant de plus en plus vers le privé, assure l’Association qui ne cesse d’alerter sur le sujet. “La pénurie de rendez-vous sur le NHS crée un système dentaire à deux vitesses, qui creuse les inégalités et nuit à la santé des communautés les plus défavorisées. Avec des millions de ménages qui supportent le poids de l’escalade du coût de la vie, les traitements privés ne sont tout simplement pas une option, et même les frais du NHS peuvent être un défi. Il est urgent de se pencher sur cette question si le gouvernement veut réaliser son plan de nivellement par le haut et s’attaquer aux disparités en matière de santé, déclare Louise Ansari, directrice nationale de Healthwatch England. Nous demandons une fois de plus au ministère de la Santé et des Soins sociaux et au NHS England de faire preuve de plus d’ambition et d’urgence dans les plans de réforme dentaire du NHS afin de créer un service dentaire équitable et inclusif. Nous recommandons vivement qu’un nouveau contrat dentaire soit mis en place avant que les systèmes de soins intégrés ne prennent officiellement en charge la dentisterie à partir d’avril prochain. »
La directrice de Healthwatch Somerset, Gill Keniston-Goble, renchérit : “La dentisterie continue d’être l’une des principales questions que le public nous soumet. Au cours de l’année écoulée, 22 % de nos réactions ont porté sur l’impossibilité de trouver un dentiste NHS. Les gens nous disent qu’ils ont appelé de nombreux dentistes mais n’en ont pas trouvé un qui accepte de nouveaux patients. Le public nous dit également que NHS England nous informe qu’aucun dentiste ne prend de nouveaux patients dans le Somerset ».
« Les résidents qui étaient inscrits auprès des dentistes du NHS avant la campagne Covid ont été rayés de la liste des cabinets dentaires d’origine parce qu’ils ne pouvaient pas s’y rendre parce qu’ils étaient alités ou immobiles », dénonce-t-elle également.
Sur son site, le groupe Toothless in Suffolk ne cesse d’alerter sur le même problème, à l’est du pays cette fois. « Beaucoup trop de personnes souffrent, beaucoup trop de gens sont en difficulté financière car ils sont obligés d’aller chez le dentiste pour soulager leur douleur », déclare notamment Mark Jones, membre du parti communiste. « Dans le Suffolk, les gens souffrent du manque d’accessibilité aux dentistes du NHS. Ce groupe de campagne a rassemblé des témoignages et demande au NHS de régler la situation au plus vite », est-il marqué dans la présentation groupe.