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Des analyses de dents remettent en question l'origine des premiers Américains

D'après une nouvelle étude basée sur l'analyse de dents, les "Native Americans" ne viendraient pas du Japon, contrairement à une théorie très répandue.

Par Raphaëlle de Tappie, publié le 01 décembre 2021

Des analyses de dents remettent en question l’origine des premiers Américains

Les théories sur les origines des premiers Américains ne cessent d’être bousculées. En septembre, une étude menée sur des empreintes humaines publiée dans Science révélait que des hommes avaient foulé le territoire du Nouveau-Mexique, il y a environ il y a 23 000 ans, soit plus de 5 000 ans avant ce que l’on estimait. Aujourd’hui, selon une nouvelle étude basée sur des analyses de dents parue dans PaleoAmerica, contrairement à ce que l’on pensait, les ancêtres des « Native Americans », ne viendraient pas du Japon et ne seraient pas apparentés au peuple Jōmon qui vivait dans la région il y a 15 000 ans.

Jusqu’ici, de nombreux scientifiques émettaient la possibilité que les ancêtres des Américains autochtones pouvaient être des populations japonaises de chasseurs-cueilleurs comme le peuple Jōmon. Et ce, en raison de similarités observées entre outils en pierre comme des pointes de flèches, découverts sur des sites amérindiens et Jōmon. Mais G. Richard Scott, anthropologue de la University of Nevada, et ses collègues ont toujours remis cette hypothèse en question.  « Les parallèles culturels ne sont pas rares, explique le chercheur à Live Science. Les peuples peuvent s’emprunter des idées ou aboutir indépendamment à des solutions similaires face aux mêmes problèmes. »

Fort de ces doutes, les scientifiques ont décidé d’étudier des dents datant de jusqu’à 10 000 ans qui auraient appartenu à des Américains autochtones, des individus Jōmon et d’autres peuples anciens originaires d’Asie de l’Est, du Sud-est ou du Pacifique. Ils ont analysé la morphologie des dents et de leurs racines. Car si la morphologie dentaire dépend d’une combinaison de gènes différents, elle serait en revanche très peu affectée par les facteurs environnementaux. Elle est donc un élément très fiable pour étudier l’origine des populations.

L’hypothèse sibérienne

En comparant des centaines de dentitions, ils ont découvert des différences capitales entre les premiers Américains et le peuple Jōmon. « Les Jōmon sont très différents d’un point de vue dentaire de tous les Américains natifs », tranche G. Richard Scott dans un communiqué paru sur le site de son université. Après quoi, des analyses génétiques n’ont montré aucun lien direct entre ces deux groupes. « Nous utilisons des preuves biologiques pour dire qu’il est très improbable que [les premiers Américains] proviennent du Japon« , poursuit le chercheur. Les dents des populations aborigènes japonaises, quant à elles, montaient une présence significative de l’Austral-Mélanésie. Les Jōmon/Ainu présentaient de légères ressemblances avec les Asiatiques de l’Est.

Quant aux dents des Native Americans, les recherches ont dévoilé des connexions avec celles d’anciennes populations de Sibérie. « Ces gens ne venaient pas du Japon, mais plus au nord, où ils ont été sculptés par le dernier maximum glaciaire », déclare G. Richard Scott. « Notre travail s’aligne assez bien avec l’hypothèse Beringian Standstill. »

Un mystère encore loin d’être résolu

D’après cette théorie dévoilée dans la revue Science en septembre, un groupe humain originaire de Sibérie orientale serait arrivé dans la région du pont terrestre de Béringie il y a environ 25 000 ans et y serait resté quelques millénaires avant de rejoindre l’Amérique. Pour leur étude, les chercheurs avaient analysé des empreintes de pas humains découvertes sur un site archéologique du Nouveau-Mexique datant du dernier Maxima glaciaire. Ce site est considéré comme le plus ancien et le mieux documenté d’Amérique du Nord.  « Les ancêtres des Américains natifs ont probablement été retenus en Béringie durant le Pléistocène supérieur jusqu’à ce que les conditions s’améliorent suffisamment pour permettre le voyage jusqu’à la côte ouest de l’Amérique du Nord », explique G. Richard Scott dans Live Science. « Et durant cette période d’isolement, ils se sont différenciés des populations ancestrales d’Asie de l’Est. »

Ainsi, les « Native Americans » ne descendraient pas du peuple Jōmon mais partageraient avec lui un ancêtre commun pouvant remonter jusqu’à 30 000 ans. L’ancêtre commun entre les premiers Américains et les populations d’Asie de l’Est serait, lui, plus récent. « Nous utilisons des preuves biologiques pour dire qu’il est hautement improbable qu’ils soient venus du Japon ». « Je savais depuis longtemps que les dents des Jōmon n’avaient rien à voir avec celles des Amérindiens – j’ai analysé de nombreuses données dentaires de populations amérindiennes circumpolaires et nord-américaines et il n’y a aucune similitude », insiste Scott.

De nouvelles recherches viennent régulièrement modifier les parcours supposés des premières migrations humaines vers l’Amérique. En effet, outre la découverte de Beringian Standstill au Nouveau Mexique, dont l’hypothèse reste encore à confirmer, des dents exhumées en Sibérie ont récemment dévoilé une population humaine inconnue. D’après l’étude, parue en juin 2019 dans la revue Nature, la Sibérie aurait été occupée depuis au moins 30 000 ans par une population née de la rencontre entre des Sibériens du Nord et un autre groupe venu d’Asie de l’Est. Le mystère des origines des premiers américains est encore loin d’être résolu…