Antibiotiques inappropriés en dentaire : un surcoût de 31 millions de dollars aux États-Unis
Une étude américaine démontre que la prescription inappropriée d'antibiotiques en odontologie ne constitue pas seulement une mauvaise pratique, mais engendre également des coûts considérables pour le système de santé.
Selon l’Assurance maladie, « plusieurs études internationales révèlent que 60 % des prescriptions mondiales » d’antibiotiques par les chirurgiens-dentistes sont « soit inutiles, soit inadaptées ». Une nouvelle étude établit que la prescription antibiotique inadéquate en dentaire représente un surcoût de 31 millions de dollars aux États-Unis.
Une prescription antibiotique inappropriée en consultation dentaire
Une étude, publiée le 10 juillet 2023 par l’Infection Control and Hospital Epidemiology, révèle que parmi les 65,4 % d’adultes américains se rendant chaque année chez le dentiste, 4,8 % reçoivent des antibiotiques en prophylaxie. Parmi ces prescriptions, 80 % s’avèrent inappropriées.
Une pratique contestée car elle provoque des effets secondaires non négligeables pour les patients. En effet, les chirurgiens-dentistes restent les principaux prescripteurs de la clindamycine, un antibiotique pouvant modifier la flore intestinale et déclencher des diarrhées induites par Clostridioides difficile (CDI).
L’étude montre, qu’aux États-Unis, la prescription non indiquée de clindamycine cause à elle seule, chaque année, un surplus de 768 cas de CDI et de 103 cas d’hypersensibilité sévère ou d’anaphylaxie nécessitant une hospitalisation. Soit un surcoût de plus de 8 millions de dollars.
De mauvaises pratiques aux retombées coûteuses
Les chercheurs chiffrent le coût excédentaire induit par cette prescription inappropriée d’antibiotiques en dentaire à 31 millions de dollars avec :
- 10,8 millions de dollars liés aux effets indésirables provoqués par la clindamycine, l’amoxicilline et la céfalexine ;
- 20,5 millions de dollars imputables aux frais d’ordonnances dentaires.
Selon Cynthia Gong, scientifique à l’origine de l’étude, « les dentistes jouent un rôle important dans les prescriptions d’antibiotiques, représentant 6 à 10 % de toutes les prescriptions d’antibiotiques aux États-Unis ». Elle ajoute qu’il est « essentiel de s’attaquer au problème de l’utilisation inappropriée des antibiotiques en dentisterie afin de réduire le fardeau des effets indésirables évitables, les coûts des soins de santé et la résistance aux antibiotiques en aval ».
Incertitude sur les critères de prescription des antibiotiques en odontologie
Mais comment en est-on arrivé à de telles pratiques ? La faute à une confusion généralisée liée à des directives parfois contradictoires ou peu claires.
C’est du moins ce que rapporte Amanda Hill, auteure et hygiéniste dentaire : en 2014, l’Association dentaire américaine (ADA) avait établi qu’il n’était pas nécessaire de prescrire des antibiotiques prophylactiques avant une intervention dentaire chez les patients porteurs d’implants articulaires prothétiques. Toutefois, ce n’est qu’en 2016 que l’Académie américaine des chirurgiens orthopédiques (AAOS) a défini des critères stipulant que le « risque de bactériémie orale liée aux infections articulaires était extrêmement faible, sans preuve d’association ». Selon Amanda Hill, cette période d’incertitude de deux ans aurait provoqué une vague de prescriptions d’antibiotiques inappropriés.
« Malgré les directives limitant la prophylaxie antibiotique aux personnes à haut risque, un nombre significatif de prescriptions ne sont pas conformes à ces recommandations », regrette Cynthia Gong aujourd’hui.
Des données qui font réfléchir quand on sait que les chirurgiens-dentistes français sont à l’initiative de 14,3 % du montant total des prescriptions d’antibiotiques en France en 2021.
À ce titre, l’ADF a publié en 2022 un guide pratique intitulé “Antibiotiques en odontologie – Règles de prescription à partir des recommandations de l’ANSM” et un “Serious game” pour tester vos connaissance sur le sujet.