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Maladies parodontales : un signe annonciateur d'Alzheimer ? 

D'après une nouvelle étude américaine, un mauvais équilibre des bactéries buccales pourrait augmenter les risques de développer la maladie d'Alzheimer plus tard.

Par Raphaëlle de Tappie, publié le 15 avril 2021

Maladies parodontales : un signe annonciateur d’Alzheimer ? 

Les maladies parodontales augmentent avec l’âge. En France, dès 35 ans, la moitié de la population souffre d’un problème parodontal. Dans 10 % des cas, il s’agit de formes sévères. Aux États-Unis, 70 % des 65 ans et plus seraient concernés. Or, en toute logique, ces afflictions peuvent avoir un lourd impact sur la santé globale du patient. Il a notamment été montré que la parodontite pouvait aggraver le diabète et engendrer des maladies cardiovasculaires et respiratoires. Récemment, une étude réalisée par la Fédération européenne de parodontologie (EFP) illustrait qu’elle fragiliserait par ailleurs les personnes atteintes de la Covid-19. Aujourd’hui, on apprend qu’il pourrait également y avoir en lien entre déséquilibre des bactéries buccales et maladie d’Alzheimer. En effet, selon un article paru dans Alzheimer’s & Dementia : Diagnosis, Assessment & Disease Monitoring, les personnes âgées présentant plus de bactéries nocives que saines dans la bouche sont plus susceptibles de présenter des traces de bêta-amyloïde, l’un des principaux biomarqueurs de la maladie d’Alzheimer.

Pour en arriver à cette conclusion, des scientifiques du NYU College of Dentistry et du Brain Health Imaging Institute de Weill Cornell Medicine, aux États-Unis, ont prélevé des échantillons bactériens des gencives de 48 personnes âgées en bonne santé et ne présentant aucun signe de démence au moment de l’étude. Ils ont également effectué une ponction lombaire pour obtenir un échantillon de liquide céphalo-rachidien (LCR) afin de déterminer les niveaux de bêta-amyloïde et de tau (protéine de structure).

Car le déclin cognitif d’Alzheimer commence avec l’agglutinement de bêta-amyloïdes qui forment des plaques interférant avec les fonctions de signalisation. Après quoi, les protéines tau s’accumulent dans les neurones où elles s’enchevêtrent. Ensemble, ces protéines conduisent petit à petit à la dégénérescence neuronale, la perte de la mémoire et des fonctions exécutives.

Une quantité moindre de bêta-amyloïde dans le LCR se traduirait par une plus grande quantité de cette protéine dans le cerveau, expliquent les chercheurs dans leur étude. A contrario, des niveaux plus élevés de tau dans cette zone se présenteraient par plus d’enchevêtrements cérébraux.

« La première étude montrant cette association »

Les scientifiques ont ensuite analysé l’ADN bactérien des échantillons de gencives de chaque patient et recherché des variétés mauvaises pour la santé bucco-dentaire, comme Prevotella, Porphyromonas et Fretibacterium ainsi que d’autres ayant au contraire une bonne réputation (Corynebacterium, Actinomyces et Capnocytophaga…).

Résultats : il y aurait un lien entre les bactéries nocives dans les gencives et les niveaux de bêta-amyloïde dans le liquide céphalo-rachidien (LCR). En effet, les patients présentant davantage de bactéries nocives seraient plus susceptibles d’avoir des niveaux réduits d’amyloïde dans le liquide céphalorachidien.

« La bouche abrite à la fois des bactéries nocives qui favorisent l’inflammation et des bactéries saines et protectrices. Nous avons constaté que la présence d’amyloïdes dans le cerveau était associée à une augmentation des bactéries nocives et à une diminution des bactéries bénéfiques », commente Angela Kamer, professeure associée de parodontologie et de dentisterie implantaire au NYU College of Dentistry.

« Les mécanismes par lesquels les niveaux d’amyloïde cérébrale s’accumulent et sont associés à la pathologie d’Alzheimer sont complexes et seulement partiellement compris. La présente étude permet de mieux comprendre que les maladies pro-inflammatoires perturbent l’élimination de l’amyloïde du cerveau, car la rétention de l’amyloïde dans le cerveau peut être estimée à partir des niveaux de LCR, se félicite Mony J. de Leon, directeur du Brain Health Imaging Institute de Weill Cornell Medicine, dans un communiqué paru sur le site de l’université. Les changements amyloïdes sont souvent observés des décennies avant que la pathologie tau ou les symptômes de la maladie d’Alzheimer ne soient détectés. »

« À notre connaissance, il s’agit de la première étude montrant une association entre le déséquilibre de la communauté bactérienne présente sous la ligne gingivale et un biomarqueur de la maladie d’Alzheimer dans le LCR chez des adultes âgés cognitivement normaux », renchérit Angela Kamer.

7,7 millions de nouveaux cas d’Alzheimer par an

En revanche, des niveaux élevés de bactéries saines de la bouche contribueraient à maintenir un équilibre bactérien et à réduire l’inflammation des patients, avancent les chercheurs. À terme, cela pourrait donc les protéger d’Alzheimer. « Nos résultats montrent l’importance de l’ensemble du microbiome buccal – non seulement du rôle des « mauvaises » bactéries, mais aussi des « bonnes » bactéries – dans la modulation des taux d’amyloïdes », conclut Kamer. Les chercheurs n’ont cependant pas trouvé de lien entre maladies parodontales et niveaux de tau.

Forts de leurs résultats, ils comptent désormais réaliser un essai clinique pour vérifier si des nettoyages en profondeur pour éliminer les dépôts de plaque et de tartre pourraient modifier les taux d’amyloïdes dans le cerveau.

Dans le monde, plus de 35,6 millions de personnes sont touchées par la maladie d’Alzheimer. Chaque année, 7,7 millions de nouveaux cas sont diagnostiqués. Un chiffre qui devrait empirer en raison du vieillissement de la population. En effet, d’après l’OMS, le nombre de personnes concernées devrait doubler tous les 20 ans pour finalement atteindre 152 millions en 2050. L’affliction commence le plus souvent à se manifester par des troubles de la mémoire. D’autres fonctions cérébrales sont ensuite touchées. Petit à petit, les tâches quotidiennes se compliquent et s’adapter à de nouvelles situations finit par devenir quasiment impossibles pour les malades.