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Optimiser la photo numérique dentaire

Avec le numérique, la photographie est devenue un outil essentiel pour le diagnostic, la mise en place et le suivi des traitements dentaires. faites le point sur vos besoins, puis mettez en place des procédures pour gagner en efficacité.

Par Claire Manicot, publié le 28 juin 2021

Optimiser la photo numérique dentaire

Découvrez l’intérêt de la photographie dentaire

Peut-être considérez-vous que faire de la photographie dentaire risque d’alourdir votre travail ou d’allonger la durée de vos consultations. Vous avez tellement de choses à gérer, vous rajouter une tâche, non merci. Sauf que l’arrivée du smart-phone a changé la donne. Quand vous avez un souci sur une pièce avec votre prothésiste, faire une photo et lui transférer, est plus facile et aussi rapide qu’appel téléphonique. Le smart-phone est un premier pas qui peut vous donner envie d’aller plus loin. Car l’intérêt de la photographie dentaire est multiple. « Quand on reçoit un nouveau patient, la photographie permet d’enregistrer une situation clinique avant même de faire des soins ou de débuter un traitement, estime Valentin Garyga, chirurgien-dentiste libéral et assistant hospitalo-universitaire à l’université de Lyon. Par exemple en parodontologie, c’est un outil précieux pour constater lors de la première visite l’état d’inflammation des gencives, puis de suivre l’évolution au fil de la prise en charge. »

Les fondamentaux

Anatomie de l’appareil photo

Un appareil photo est composé d’un boîtier et d’un objectif. Le boîtier enregistre les images grâce à un capteur sensible à la lumière, un obturateur. Les appareils reflex ont aussi un miroir et un prisme.

• Le capteur numérique (équivalent de la pellicule) composé de millions de cellules (photosites) permet de transformer l’énergie lumineuse en signal électrique puis d’amplifier et de convertir les données. De la qualité du capteur dépend en grande partie la qualité du boîtier. Plusieurs critères : la plage de couleurs exprimée en bits, la dynamique (capacité à enregistrer des informations dans toutes les zones de l’image sombre ou claire) exprimée en Exposure Value (EV), la photosensibilité (valeur ISO), la possibilité de synchroniser la prise de vue avec le flash, et la taille du capteur (capteur « Plein format » équivalent à l’argentique ou capteur APS-C, une fois et demie plus petit).

• L’obturateur laisse passer la lumière pendant un temps donné, le miroir permet de renvoyer l’image vers le viseur, le prisme remet l’image dans le bon sens. Le boîtier gère également les prises de vues grâce à un déclencheur et différents boutons et/ou molettes pour les réglages.

• L’objectif, composé de plusieurs lentilles, concentre la lumière de tous les points d’une image et les reproduit sur le capteur. Il est caractérisé par la qualité des verres optiques, la présence d’un stabilisateur et surtout la focale et le réglage d’ouverture du diaphragme.

• La focale est la distance entre le capteur et le centre optique de l’objectif. La focale standard de 50 mm correspond à l’angle de champ de la vision humaine. Les focales inférieures à 50 mm (grand angle) sont utilisées pour photographier des paysages. Les focales supérieures à 50 mm (téléobjectif) sont utilisées pour grossir l’objet à photographier. Mais la focale va être influencée par la taille du capteur. Si on utilise une focale de 50 mm sur un boîtier de APS-C, on obtient en fait une focale approchant les 75 mm. Il existe des focales fixes et des focales variables (zooms). En dentisterie, on choisira une focale fixe de 85 mm ou 105 mm.

• Le diaphragme est un orifice qui permet de plus ou moins réduire la quantité de lumière entrant dans l’appareil, au diamètre voulu, au moment de la prise de vue. Plus la valeur indiquée sur l’objectif (f/1,8) est petite, plus l’ouverture maximale peut être grande (il s’agit d’une fraction). En dentisterie, les valeurs d’ouvertures sont beaucoup plus petites, elles vont de f/8 à f/32, voire au-delà. Fermer le diaphragme permet d’augmenter la profondeur de champ pour avoir des photos plus nettes, par exemple de l’incisive à la molaire.

La photographie est un moyen pédagogique efficace pour les patients.

Faites-en un outil de diagnostic !

La photographie dentaire a un atout de taille, c’est un outil non invasif. Au même titre que les modèles d’études, les examens cliniques et radiologiques, les prises de vues du visage, du sourire de face et des vues occlusales maxillaire et mandibulaire font partie des outils de diagnostic. Toutes les disciplines de la dentisterie sont concernées. En ce qui concerne l’orthodontie, la photo est aujourd’hui quasiment incontournable, elle contribue au bilan initial avec des séries de vues faciales et intrabuccales protocolisées. La photographie dentaire contribue également à établir des plans de traitement précis pour les reconstructions prothétiques, optimise la communication avec les prothésistes et participe à la bonne conduite du traitement. « Il m’arrive régulièrement d’étudier mes clichés à distance des soins. Par exemple, on peut relever un défaut de polissage du joint d’une prothèse collée et intervenir à la prochaine séance, poursuit Valentin Garyga. En cela, c’est un outil d’autoévaluation qui m’inscrit dans une dynamique permanente de progression. »

Un excellent outil de communication

La photographie est un moyen pédagogique efficace pour aider le patient à comprendre des notions d’ana- tomie, de physiologie et l’apparition de pathologies. Montrer une image de carie ou de plaque bactérienne est souvent bien plus explicite que de longs discours ! « La photographie constitue une base de discussion, confirme le chirurgien-dentiste. Récemment, cela m’a permis d’exposer simultanément à un patient et à mon prothésiste plusieurs plans de traitement. J’étais à mon bureau devant l’ordinateur, le patient regardait l’écran face au fauteuil et le prothésiste voyait les mêmes images à distance. Nous avons eu une discussion à trois qui a permis de préciser la conduite à tenir. »

Les réglages de base

La sensibilité ISO est la réactivité à la lumière, plus sa valeur est élevée, moins on a besoin de lumière. Elle dépendra du boîtier, et pourra être réglée entre 200 et 1600, en tenant compte de la puissance du flash. On veillera à ne pas utiliser des valeurs trop élevées qui donnent un aspect dégradé et granuleux aux images ; on parle de « bruit ».

L’ouverture sera généralement très faible (par exemple f/22) pour les photos macro. Il s’agit d’obtenir une profondeur de champ importante, c’est-à-dire une zone nette suffisamment étendue en bouche. Pour les portraits, une ouverture à f/8 est suffisante. Quand on ferme le diaphragme, on diminue la quantité de lumière qui va vers le capteur, il faut donc compenser cela en augmentant la durée d’exposition ou la sensibilité ISO.

La vitesse d’obturation est la durée pendant laquelle l’obturateur est ouvert et la lumière atteint le capteur. Elle sera de préférence calculée façon automatique (il faut régler l’appareil en mode « priorité ouverture ») et donc adaptée à l’ouverture choisie. On veillera à ce qu’elle ne dépasse pas 1/125s pour avoir une bonne synchronisation avec le flash et on passera si besoin en mode « manuel ».

Choisissez votre équipement

Reste à choisir votre équipement. Force est de constater que vous êtes de plus en plus nombreux à utiliser les smartphones, et à estimer leurs clichés satisfaisants. Toutefois les appareils numériques reflex restent la référence pour un usage professionnel en dentisterie. Ils permettent de contrôler tous les paramètres de prise de vue : ouverture du diaphragme, vitesse d’obturation et sensibilité ISO. Ils produisent des clichés de grande qualité mais demandent un apprentissage préalable. Leur inconvénient majeur est leur poids. Des appareils dits hybrides sont arrivés sur le marché. Beaucoup plus légers en raison de l’absence de miroir entre l’objectif et le capteur, ils donnent des résultats de qualité. La photographie dentaire a ceci de particulier qu’elle nécessite des prises de vues en gros plan et donc un équipement pour faire de la macrophotographie. En plus d’un boîtier et d’un objectif spécifiques (voir encadré), vous aurez besoin de différents accessoires. Les flashs macro sont de deux types. Les modèles annulaires, qui produisent une lumière uniforme, avec moins d’ombres, sont efficaces pour photographier les dents postérieures, mais sont un peu moins précis pour les dents antérieures ou les photographies à visée esthétique (prise de teinte…). Les flashes bilatéraux, montés sur les côtés de l’objectif, permettent de capturer davantage les nuances des couleurs et des textures des dents et tissus mous. Enfin, d’autres accessoires seront utilisés tels que des écarteurs (pour rétracter les lèvres et les joues), des miroirs (pour réaliser des prises de vues indirectes des faces occlusales, vestibulaires et linguales) ou des contrasteurs (fonds noirs pour mieux délimiter certaines zones comme le bord incisif de la dent).

Sécurisez le stockage de vos photos

Les photographies font partie du dossier médical de vos patients et, à ce titre, constituent des éléments d’appréciation qui ont une valeur juridique et médico-légale en cas de litiges. Toutefois, la pratique de la photographie dentaire est encadrée. Selon l’article R.4127- 73 du Code de la santé publique, « Le médecin doit protéger contre toute indiscrétion les documents concernant les personnes qu’il a soignées ou examinées, quels que soient le contenu et le support de ces documents. » La CNIL (1) recommande des précautions pour sécuriser les don- nées informatiques stockées au cabinet (cryptage, usage de mot de passe individuel, usage d’antivirus et sauvegardes régulières). Lors de leur utilisation à des fins de d’enseignement ou de publication, l’identification des personnes ne doit pas être possible (rectangles noirs sur les yeux ou pixélisation).

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Les photographies ont une valeur juridique en cas de litiges.

Informez vos patients

Enfin, le droit à l’image permet à toute personne de s’opposer à la capture, à la reproduction et à la diffusion de son image sans son autorisation. En outre, les patients doivent être informés qu’ils peuvent retirer leur consentement à tout moment sur simple demande. Le législateur ne plaisante pas ! Le non-respect de cette obligation expose à un an d’emprisonnement et 45 000 € d’amende. Or, au quotidien, vous n’avez pas toujours l’habitude de demander expressément à vos patients. Dans la mesure où ils ne s’y opposent pas, on peut considérer que le consentement est présumé. Pour autant, on ne pour- ra que vous encourager à demander formellement aux personnes que vous photographiez leur accord. Adaptez vos logiciels métier avec une question sur le consentement dans le questionnaire médical, par exemple : « Je suis d’accord à ce que ces photos soient utilisées à des fins de publications scientifiques ou d’enseignement, dans la mesure où elles sont anonymisées. » Car si la photographie numérique enrichit les dossiers de vos patients, elle est aussi une source d’informations utiles à des actions de formation, des conférences ou des publications. Pour Valentin Garyga qui dispense ses cours à la faculté de Lyon, « c’est un outil incontournable pour l’enseignement. »

(1) Commission nationale de l'informatique et des libertés.