Quand bactéries et champignons s'unissent pour sauter sur les dents et former des caries...
Selon une nouvelle étude américaine, des conglomérats de champignons et de bactéries peuvent s'allier pour "marcher" et "sauter" à la surface des dents, ce qui propagerait alors les caries beaucoup plus vite que s’ils opéraient en solitaire.
Les chirurgiens-dentistes le savent bien, la bouche regorge de multiples bactéries diverses et variées. On estime en moyenne à 100 millions le nombre de bactéries par millilitre de salive dans la cavité buccale et il en existe jusqu’à 700 espèces différentes, variant d’une personne à l’autre en fonction de facteurs environnementaux. Mais le microbiote bucco-dentaire pourrait être encore moins ragoutant que ce que l’on imaginait… Selon une étude parue dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences USA, des conglomérats de champignons et de bactéries s’unissent parfois pour “marcher” et “sauter” à la surface des dents, propageant alors les caries beaucoup plus vite que s’ils opéraient en solitaire.
Hyun (Michel) Koo, microbiologiste et dentiste à l’université de Pennsylvanie (États-Unis) et son équipe ont prélevé des échantillons de salive sur des enfants atteints de graves caries. Ils ont alors découvert des assemblages naturels de bactéries Streptococcus mutans et de champignons Candida albicans, absents de la salive des petits aux dents saines.
En observant ces masses au microscope, ils ont pu voir qu’elles étaient capables de mouvements complexes. Dans le détail, les petites cellules bactériennes avaient tendance à se regrouper autour du noyau de chaque amas, formant une liaison collante qui maintenait le tout ensemble. Dans le même temps, des cellules fongiques plus grandes et en forme de tige se rejoignaient à l’extérieur pour constituer des “membres” mobiles qui propulsaient la structure vers l’avant au fur et à mesure qu’elle grossissait. Les membres antérieurs semblaient quant à eux parfois marcher ou même sauter en avant, l’assemblage s’étendant vite dans une direction tandis que ses membres postérieurs restaient au sol. Si deux groupes de ce genre étaient à côté l’un de l’autre, ils se tendaient parfois dans une “poignée de main”, puis fusionnaient, est-il détaillé dans l’article.
Une alliance redoutablement efficace
Les microbes de la bouche “sont comme une communauté qui essaie d’étendre son territoire”, explique Zhi Ren, chercheur postdoctoral dans le laboratoire du Dr Koo et co-auteur principal de l’étude. Au cours de cette dernière, les scientifiques ont remarqué que les partenariats bactériens-fongiques se développaient plus rapidement et résistaient mieux à l’élimination (par force mécanique ou produits chimiques antimicrobiens) que les bactéries ou les champignons isolés.
“Dans le passé, on pensait que les bactéries s’accumulaient une à une et provoquaient des caries”, indique Hyun (Michel) Koo. “Ce que cet article ajoute vraiment, c’est l’aspect spatio-temporel du comportement de ces structures”, commente Judith Behnsen, microbiologiste à l’université de l’Illinois à Chicago, extérieure à l’étude. Car si la plupart des chercheurs observent des microbes suspendus sur place par un produit chimique de conservation, ici, on a analysé des organismes vivants et en action. “Lorsque j’ai vu les images dans le journal, j’ai été époustouflée”, s’enthousiasme-t-elle.
Désormais, les scientifiques voudraient essayer d’évaluer qui est le plus à risque de développer des assemblages bactériens-fongiques et la meilleure façon de les traiter, a fait savoir Zhi Ren. À terme, comprendre comment interagissent champignons et bactéries dans la bouche pourrait donc aider à prévenir le fléau des caries…