Suicide des soignants : la vidéo choc
Dans un clip brutal, l'association Soins aux professionnels de santé (SPS) alerte sur les suicides de soignants.
« Qui nous soignera quand les professionnels de santé ne seront plus là ? » Le 30 août, l’association Soins aux professionnels de santé (SPS) a lancé une campagne de communication sur la prévention du suicide des soignants. Tous les ans, plus de 9000 personnes se tuent en France. « Si l’on applique une règle simple de proportionnalité, cela donne le chiffre, énorme, démesuré, de trois professionnels de la santé qui se suicident tous les deux jours. Un chiffre encore probablement sous-estimé », assure l’association qui, pour sensibiliser le grand public à cet enjeu, a réalisé un clip diffusé sur les réseaux sociaux.
Dans ce film de moins d’une minute et pourtant d’une grande violence, du réalisateur et scénariste Marc Gibaja, trois soignants entrent dans la chambre d’une vieille femme alitée. « Comment allez-vous ? », lui demandent-ils. « Bien mieux, grâce à vous », répond la dame. « Et bien, nous, ça ne va pas du tout », rétorquent les professionnels de santé avant de mettre fin à leurs jours sous les yeux de la patiente horrifiée. L’une se tire une balle dans la tête, le deuxième se défénestre, la troisième se pend… « Avant d’en arriver là, plus de 100 psychologues sont disponibles pour vous accompagner », rappelle une voix qui donne un numéro vert à contacter en cas de souffrance. Le 0805 23 23 36 est disponible gratuitement pour les professionnels de santé, 24h/24h et 7j/7. Les appels sont anonymes.
À l’occasion de cette campagne de sensibilisation, la SPS a dévoilé les résultats de l’enquête « suicide et professionnels de santé » réalisée en 2017. Globalement, 25 % des soignants interrogés ont déjà eu des idées suicidaires au cours de leur carrière, surtout ceux exerçant en milieu rural (39 % contre 25 % en ville).
Des images inappropriées ?
Mais la diffusion de ce film n’a pas plu à tout le monde. Dans une interview pour le magazine What’s up Doc, Nathalie Pauwels, chargée du déploiement du programme Papageno, qui a pour vocation à lutter contre la « contagion suicidaire », rappelle qu’il ne respecte nullement les recommandations de l’OMS concernant le suicide. « L’une d’elles est de ne surtout pas montrer le mode opératoire du suicide, au risque de provoquer un effet de mimétisme. Et c’est une des premières fois dans ma carrière, où je vois, pour le coup, trois modes opératoires présentés. Et c’est pour ça que j’ai réagi », déclare-t-elle notamment. Elle insiste alors sur « l’effet Werther » qui désigne le risque de « contagion » suicidaire après la médiatisation d’un suicide ou d’une tentative.
Selon elle, les soignants ne sont pas protégés de l’impact que pourraient avoir les « messages violents » de cette vidéo. « Ce n’est pas parce qu’on est professionnel qu’on est plus fort que les autres. L’effet Werther impacte les personnes qui ont déjà des pensées suicidaires. Mais si on part du principe, comme ils le disent dans leur étude, que beaucoup de soignants pensent au suicide, que c’est une population fragilisée, avec beaucoup de passages à l’acte, ça veut dire qu’il faut prendre encore plus de précautions quand on lance un message de prévention et là elles ne sont pas prises. »
Face à ces critiques, le réalisateur Marc Gibaja justifie ses choix. « Pour que le sujet passe, il faut arriver à créer un petit spot qui soit à la fois choc mais pas totalement réaliste parce que sinon, on plombe », explique-t-il auprès du site infirmiers.com. Eric Henry, médecin généraliste et président de l’association SPS, renchérit : « les images sont un peu trash, oui, mais nous avons tout de suite rattrapé cette impression (le rembobinage symbolise un possible retour en arrière) pour dire aux gens que c’est ça qui risque d’arriver si personne ne se réveille, si la société française n’entend pas le cri de douleur des soignants. »