On refait le cas !
Cette rubrique est la retranscription d'un échange entre les Drs Olivier Samtmann et Erwan Hauchard sur leur cas clinique de vestibuloplastie.

Erwan Hauchard : Waouh, les résultats sont impressionnants ! Et tout cela sans substituts ! Mais penses-tu que l’on puisse obtenir des résultats similaires dans tous les types de reconstructions ?
Olivier Samtmann : C’est une excellente question (rires)… L’épaisseur de tissu kératinisé obtenue dépendra de l’épaisseur du tissu colonisé. En toute franchise, cette analyse ne se base que sur mon expérience personnelle, mais les reconstructions osseuses entraînant une couche importante de pseudo-périoste sont celles où cette technique sans substitut donnera le meilleur résultat. Il s’agit essentiellement de reconstructions avec utilisation de biomatériau (type os bovin anorganique) et/ou avec usage de dispositifs de maintien non résorbables (membrane PTFE ou grille titane), dans l’hypothèse où celui-ci n’aurait pas été enlevé à lors de la dépose.
E. : Et c’est reproductible ?
O. : Oui ! Simple, rapide et reproductible ! On peut d’ailleurs apprécier dans ces autres situations cliniques des résultats similaires.
E. : Tu n’aurais pas la même approche lors d’une reconstruction purement « autogène », du type coffrage ?
O. : En effet, la couche de périoste en épaisseur similaire au périoste « naturel ». Le volume à coloniser serait, a priori, d’une faible épaisseur. On risque de se retrouver avec juste une bandelette et interposition de muqueuse alvéolaire. Dans ce type d’indication, une greffe épithélio-conjonctive classique serait plus indiquée, mais avec une morbidité élevée dans le cadre de grandes reconstructions. Dans cette optique, l’usage de matrice me paraît totalement indiquée.
E : Donc, pas de matrices sauf dans les reconstructions autogènes ?
O : Pas tout à fait. Elles ne me paraissent pas indispensables dans la première option mais rien n’empêche de les utiliser pour optimiser le résultat. Mais le coût additionnel peut parfois freiner, le praticien…et le patient. Pour optimiser le résultat et diminuer la morbidité au palais, Urban propose également d’associer un greffon conjonctif avec sa bandelette épithélio-conjonctive. Cela peut être une bonne option pour la gestion des séquelles des reconstructions autogènes.
Strip technique réalisée après une reconstruction type » sausage technique » (Fig.1 à 3b).
Strip technique réalisée après une reconstruction combinée » bone shield + sausage technique » (Fig.4 à 6).
Double strip technique réalisée après une reconstruction complète du maxillaire type » sausage technique » (Fig.7 à 9).
E : J’ai une bonne expérience de la vestibuloplastie de Kazandjian [Fig.10] ; je comprends ce que tu veux dire, on ne crée pas de tissu kératinisé. L’incision apicale des muscles permet vraiment d’améliorer l’accessibilité à l’hygiène du patient, mais le résultat est-il similaire avec la « strip technique »...
O : Les résultats sont tout à fait comparables. Mais quelle que soit la technique, il y a toujours un risque de migration coronaire.
E : Et la temporalité ? Avant la greffe osseuse ? Avant ou après les implants ?
O : Avant la reconstruction osseuse, non. On ne peut pas prédire à l’avance la position de la ligne muco-gingivale. De plus, le tissu résiduel sera plus délicat à mobiliser. D’une manière générale, il faut être sûr de ne plus avoir à tracter les tissus mous coronairement.
E : De nos jours, nous sommes très attendus par les patients sur le rendu esthétique de ce que nous réalisons. Étant donné l’aspect disgracieux des tissus provenant du palais, la technique est-elle vraiment adaptée quand les enjeux sont très élevés ?
O : Le sujet qui fâche ! Tu as entièrement raison. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Urban a proposé la technique modifiée du « strip vestibulaire ». Lorsque c’est possible, il prélève sa bandelette dans le tissu kératinisé à proximité du site reconstruit afin que le rendu soit plus proche d’une gencive « d’origine ». Parfois, on peut avoir réalisé une prise en charge complexe et rater l’esthétique !
E : Tu as déjà été confronté au problème ?
O : Malheureusement oui. Comme cela reste juste entre nous, je te partage quelques photos illustrant une reprise d’échec implantaire dans le secteur antérieur [Fig.11 à 17]. Le cas est un peu ancien mais permet d’en tirer quelques leçons.
Cette jeune patiente présentait une péri-implantite associant douleurs et suppuration au niveau de son implant 21 posé quelques années auparavant. Pour résumer, j’ai pu effectuer une reconstruction osseuse 3D associant membranes résorbables et biomatériaux d’origine allogénique. Un greffon de tissu conjonctif en selle a été suturé lors de la pose de l’implant afin de surcorriger le déficit.
À cette étape, la ligne mucogingivale était relativement coronaire et il y avait peu, voire pas de tissu kératinisé en pleine face vestibulaire. L’épaisseur de tissu étant satisfaisante (du fait de la greffe de conjonctif en selle), j’ai pris la décision (discutable) de réaliser un strip pour recréer un feston vestibulaire [Fig.18, 19).
Même si la patiente est satisfaite, le résultat est loin d’être à la hauteur de mes espoirs. Aujourd’hui, même si une technique de strip vestibulaire aurait pu se discuter, je réaliserais plutôt un nouveau greffon de tissu conjonctif enfoui purement vestibulaire, qui, en fonction du site de prélèvement, peut induire une kératinisation de surface.
E. : Pour des réhabilitations unitaires (plus souvent au maxillaire) et pour de petits volumes, on peut également recourir à des techniques pédiculées pour renforcer en vestibulaire !
O. : Tu as entièrement raison. La technique dite du « rouleau » est très simple à réaliser. Il me semble que tu as prévu de nous en parler un peu plus loin ?
E. : Tout juste ! Avec un petit tuto pour le praticien débutant, dans la rubrique TutoChir ! En fin de compte, pour ce qui est de la strip technique, vois-tu des limites à cette procédure clinique ?
O. : Sans usage de substituts, il sera difficile de créer un manchon fibreux péri-implantaire suffisamment épais pour respecter l’espace biologique si la ligne muco-gingivale se trouve au-delà de l’émergence des implants. Néanmoins, si le niveau d’enfouissement des implants le permet, on peut tout à fait l’envisager.
E. : Quels seraient les derniers conseils que l’on pourrait donner à nos lecteurs ?
O. : Peut-être répondre à deux grandes inquiétudes des aménagements muqueux ? Ça saigne et ça fait mal !
E. : Une chose simple à systématiser quel que soit l’aménagement : la plaque palatine. Qu’elle soit « faite maison » ou au laboratoire. Elle permet de gérer l’hémostase par compression en per et postopératoire immédiat, mais aussi la douleur en évitant le passage de la langue et des aliments. On peut même y déposer des crèmes pour optimiser la cicatrisation.
O. : Exact, un outil simple et efficace.
On vous propose également des ordonnances types dans notre rubrique Tutoscope : les Tutordos !
Auteurs
Dr Olivier Samtmann
Dr en chirurgie dentaire
Responsable du DU de chirurgie implantaire et pré-implantaire de l’université de Paris
Attaché de consultation au groupe hospitalier Paris Saint-Joseph
Pratique privée à Boulogne-Billancourt
Dr Erwan Hauchard
Responsable du DU de chirurgie implantaire et pré-implantaire de l’université de Paris
Attaché de consultation au groupe hospitalier Paris Saint-Joseph.