Intégrer le numérique dans sa pratique
La dentisterie numérique offre reproductibilité, gain de temps et de confort. Choix de son équipement et formation sont les deux étapes pour mettre en place le flux numérique à son cabinet.
La dentisterie numérique tient une place grandissante dans les cabinets et va encore accroître son rôle dans la pratique dentaire, dans les années qui viennent. Ce constat oblige à s’interroger sur l’évolution de son exercice et a fortiori sur l’équipement de son cabinet en outils technologiques. Reste qu’intégrer le numérique dans sa pratique n’est pas si aisé, lorsque l’on est néophyte. Vers quel équipement de caméra intraorale se tourner ? À quel degré introduire la CFAO dans son cabinet (indirecte, semi-directe ou directe) ? Comment se former ? Se rapprocher des fabricants peut être la première phase pour franchir l’étape du numérique. C’est une manière de découvrir le matériel existant sur le marché, leurs fonctionnalités et différences, ainsi que l’ensemble des outils d’un flux numérique complet.
Flux de travail avec son laboratoire
Les nouveaux outils modifient non seulement sa manière de travailler au cabinet, mais aussi les échanges avec son laboratoire. La collaboration avec son prothésiste s’en trouve simplifiée, ce qui permet un gain de temps, mais aussi enrichie, que ce soit pour des traitements simples ou complexes. Selon le Dr Ahmed Rabiey, « pour qu’un flux soit optimal entre un chirurgien-dentiste et un prothésiste, cela nécessite que les connaissances soient les mêmes de part et d’autre ». Ainsi, en matière de traitement de l’édenté total, le praticien souligne que « les deux doivent se situer non seulement à un même niveau de connaissance, mais aussi d’information, vis-à-vis des données du patient. Le numérique m’apporte plus de flluidité, de précision et de reproductibilité, mais le flux dépend aussi du prothésiste avec lequel on travaille et à quel niveau il se situe dans son adoption du flux digital ».
Chaîne numérique
Numériser sa pratique n’est pas seulement avantageux pour l’image de modernité du cabinet. Les principaux atouts du flux numérique sont multiples pour l’omnipraticien comme pour le chirurgien-dentiste spécialisé dans une discipline. La précision est l’un des premiers intérêts, mais aussi le gain de temps. Le Dr Jean-Luc Berruet s’en félicite : « La puissance de l’empreinte optique nous épargne de nombreuses séances en raison du mode et de la qualité de la prise d’occlusion que l’on n’obtient jamais avec les empreintes chimico-manuelles ».
La planification en dentisterie esthétique ou implantaire se développe aussi au travers du numérique. Le patient bénéficie à la fois de gain de temps et de confort (empreinte numérique). La communication autour du plan de traitement devient plus attractive et convaincante pour le patient et le praticien. Avec l’utilisation d’images en 3D de simulation, on peut ainsi projeter son patient dans son nouveau sourire.
Dr Jean-François Chouraqui : « On ne peut intégrer le numérique sans se former »
Dentoscope : Quelles sont pour vous les trois étapes importantes pour intégrer le numérique dans sa pratique ?
Dr Jean-François Chouraqui : La première étape est de définir ses besoins. Que veut-on faire avec le numérique ? Veut-on simplement faire de l’empreinte numérique pour pouvoir la transférer au laboratoire ? Est-ce que l’on s’intéresse à la réalisation de pièces prothétiques au fauteuil avec la CFAO ? Est-ce que l’on veut également intégrer l’implantologie avec la planification implantaire et la réalisation de guides chirurgicaux ? Après avoir défini ses besoins, le second point important est de choisir son système. Si on souhaite juste faire de l’empreinte numérique, on aura un choix pléthorique, des caméras d’entrée de gamme, si l’on a un faible besoin numérique, jusqu’au haut de gamme.
Si l’on veut pratiquer la CFAO et réaliser des pièces au fauteuil, le choix est plus restreint. Pour ceux qui veulent faire de l’implantologie et de l’impression numérique, on va choisir une caméra de prise d’empreinte, quelle qu’elle soit, avec une imprimante 3D de bonne qualité. Les caméras intraorales ne sont donc pas toutes équivalentes en termes de qualité d’empreinte et aussi d’indication. Par exemple, pour une couronne sur un secteur encastré, on ne verra pas de grosses différences entre les caméras. Si on réalise des travaux plus importants, par exemple un bridge sur quatre ou cinq implants, la différence va être notoire. Enfin, le troisième point est de déterminer ses besoins de formation, car on ne peut intégrer le numérique sans se former.
Comment précisément se former dans le domaine ?
Si l’on veut se former au numérique uniquement pour la prise d’empreinte, une simple formation par le fabricant de l’utilisation de la caméra et de son logiciel me paraît largement suffisant. On va pouvoir bénéficier de trucs et astuces sur la machine que l’on a ciblée. Lorsque l’on veut réaliser des choses plus complexes, comme de la CFAO, il est important de faire une formation plus poussée. En effet, non seulement il faut savoir parfaitement utiliser le matériel, mais aussi modifier légèrement ses techniques de préparation dentaire afin d’intégrer le mieux possible les éléments réalisés en CFAO. Il y a peu de formations initiales sur ces technologies. Il existe quelques DU dont le programme peut-être un peu trop généraliste et qui exigent de se libérer beaucoup de temps. Par contre, il y a de nombreuses formations privées qui peuvent être plus ciblées sur le matériel utilisé par le praticien.
Qu’a changé le numérique dans votre pratique ?
En 2004, j’ai réalisé mes premières empreintes numériques avec la CFAO. J’ai fait directement ce choix de la CFAO pour remplacer des amalgames par des obturations de grande qualité en une seule séance. D’autre part, les patients sont très friands de ce type de technologie. J’ai continué à investir dans cette technologie pour disposer de la plus récente. Ensuite, ayant tout le matériel, et posant de nombreux implants, je me suis intéressé à la planification implantaire réalisée grâce au numérique.
De la planification, on passe au guidage chirurgical des implants posés qui m’a poussé à m’équiper en imprimante 3D de laboratoire pour réaliser les guides chirurgicaux et les mock-ups pour les travaux esthétiques. Cela m’a apporté une réactivité plus importante sur des cas cliniques complexes et la possibilité de les planifier beaucoup mieux. Certes, c’est un investissement pour le cabinet, mais qui va permettre d’apporter du confort et de la reproductibilité à son travail, ce qui est très agréable.