Logement privé et locaux professionnels au même endroit : avantages et contraintes
Pas de temps de trajet pour se rendre au cabinet, possibilité de manger chez soi à midi… Partager ses locaux professionnels et son habitation peut présenter divers avantages, mais également différentes contraintes. Quels avantages pour quelles contraintes ? Au final, est-ce réellement une bonne idée ?
Avant même d’examiner l’aspect juridique et financier d’une telle solution, la question à se poser est : « Suis-je prêt à travailler à l’endroit où je vis ? ». Certes cela permet d’être plus près de chez soi (très près !) et donc de ses proches, ce qui dans nos sociétés modernes constitue un réel luxe. Réciproquement habiter et travailler au même endroit, suppose également d’être en permanence proche de son lieu de travail. Serez-vous capable de cloisonner les deux ? Ne passerez-vous pas vos soirées et week-end au cabinet au détriment de votre vie personnelle
Habiter et travailler au même endroit implique au préalable que vous vous posiez ces questions et preniez en compte les inconvénients d’une telle situation. Une fois ces arbitrages personnels réalisés, quels sont les avantages et les inconvénients de localiser son cabinet et son habitation en un même lieu ?
De nombreux avantages…
Vous disposerez indéniablement d’un levier financier plus important si vous additionnez votre potentiel de financement personnel avec celui de votre cabinet. Le bien à construire ou à acheter pourra ainsi être plus grand, avec de meilleures finitions ou dans un secteur plus agréable.
Si des travaux sont à réaliser, la répartition des travaux n’a pas nécessairement à être égalitaire, et vous pourrez peut-être tenter de « passer » une partie du coût de ces travaux plutôt sur votre exercice professionnel que sur vos biens personnels, à condition bien sûr de ne pas commettre d’abus !
Et quelques contraintes
Outre les considérations d’ordre personnel, les principales contraintes d’habiter et travailler au même endroit seront liées au formalisme qu’implique cette situation.
En effet, s’il existe une pluralité des propriétaires (SCI, personnes physiques, etc.), vous serez notamment tenu d’établir un règlement de copropriété entre les deux propriétaires. Nous vous conseillons d’accorder une attention particulière à ce document. L’idéal en pareil cas étant de séparer au maximum les deux entités. Par ailleurs, afin de ne pas constituer un frein à une éventuelle transmission ultérieure de votre exercice, le projet architectural devra être soigneusement pensé.
Quelle structure juridique ?
L’acquisition ou la construction du bien immobilier doit nécessairement s’effectuer au travers de deux structures juridiques distinctes. En effet, le découpage a posteriori entraînera un coût fiscal important. Or si dès l’origine les deux biens sont détenus par deux entités juridiques, ce coût ne sera pas à supporter.
Concernant le local professionnel
Il est important que le bien immobilier n’entre pas dans le patrimoine professionnel du praticien (exercice personnel ou SEL) pour des raisons d’ordre fiscal ou de faillite professionnelle. Par ailleurs, même si cela se pratique couramment, il est préférable que le praticien détienne seul les murs de son cabinet (sans y associer son conjoint ou ses enfants) afin de conserver une totale maîtrise de ses biens professionnels. L’acquisition peut donc être faite directement par le praticien personne physique (sans SCI).
Concernant l’habitation
La forme juridique choisie n’appelle pas de commentaire particulier. En fonction de votre situation personnelle et de vos préférences vous pourrez acheter votre habitation directement ; seul ou en indivision ou encore au travers d’une SCI.
Quelle organisation contractuelle ?
Concernant le local professionnel
Un contrat de bail viendra régir les relations entre les parties. Il est possible de conclure de manière dérogatoire un bail commercial, mais le recours au régime du bail professionnel nous semble plus opportun. Une attention particulière devra être apportée d’une part au respect des clauses contractuelles (paiement des loyers à échéance, délivrance de quittance, etc.) et d’autre part au montant du loyer. En effet, le montant du loyer n’est pas le montant de vos échéances d’emprunt mais celui correspondant à la valeur du marché. Il est important de garder cela en tête afin d’éviter tout redressement fiscal ultérieur. Le recours à un professionnel de l’immobilier peut s’avérer utile en pareil cas.
Concernant l’habitation
À première vue la question de l’organisation contractuelle de votre habitation principale ne paraît pas être un sujet. En effet, vous occupez le logement que vous détenez directement ou indirectement (via une SCI) à titre gratuit et ne déduisez en conséquence de votre revenu ni les intérêts d’emprunt, ni votre taxe foncière.
Toutefois, rien ne vous interdit de conclure un contrat de bail d’habitation entre votre SCI et vous-même sur votre local d’habitation. Vous pourrez ainsi déduire de votre revenu les intérêts d’emprunt et votre taxe foncière. En contrepartie, vous devrez vous acquitter d’un loyer mensuel qui sera par la suite déclaré dans la catégorie de vos revenus fonciers.
Ce mécanisme, quelque peu schizophrénique reconnaissons- le, peut à la marge être intéressant lorsque les charges sont particulièrement importantes. Attention toutefois, pour être valable, le montant du loyer payé, et donc déclaré en tant que revenu foncier, ne doit pas être dérisoire et correspondre à la réalité du marché. Certains malins ayant voulu jouer sur les deux tableaux (déductions des charges et loyer modique) se sont vus sévèrement sanctionnés et redressés par l’administration fiscale.