Les défis de la stérilisation du matériel et des équipements au cabinet dentaire

Assurer une stérilisation optimale dans un cabinet dentaire exige une rigueur constante pour répondre aux normes strictes tout en s'adaptant aux contraintes quotidiennes. De la maîtrise des étapes clés aux enjeux de formation et de digitalisation, le Dr Didier Glachant partage son expertise sur les pratiques à adopter et les pièges à éviter.

Propos recueillis par Sonia Belli., publié le 11 février 2025

Les défis de la stérilisation du matériel et des équipements au cabinet dentaire

Quelles sont les différentes étapes et exigences du processus de stérilisation dans un cabinet dentaire ?

Didier Glachant

Didier Glachant est chirurgien-dentiste et fondateur de Vision Dentaire, société de conseil et organisme de formation en organisation, hygiène et stérilisation pour les cabinets dentaires.

Didier Glachant est chirurgien-dentiste et fondateur de Vision Dentaire, société de conseil et organisme de formation en organisation, hygiène et stérilisation pour les cabinets dentaires.

Dr Didier Glachant : La stérilisation repose sur un protocole rigoureux pour garantir la sécurité des patients et du personnel. Il commence par la pré-désinfection, réalisée immédiatement après l’utilisation des instruments, directement dans la zone de travail. Cette étape est essentielle pour réduire la charge microbienne et éviter que les contaminants ne se fixent sur les instruments.

Vient ensuite le nettoyage pour éliminer les souillures et le biofilm. Ce nettoyage doit être de préférence réalisé de manière automatisée grâce à des dispositifs comme les laveurs thermo-désinfecteurs. Les instruments, une fois nettoyés et séchés, sont inspectés pour vérifier leur intégrité, puis conditionnés dans des emballages afin de garantir leur stérilité.

La phase de stérilisation proprement dite se fait par autoclave, en cycle Prion. Ensuite, les instruments sont étiquetés pour assurer une traçabilité complète, permettant de suivre chaque étape du processus. Enfin, ils sont stockés dans des conditions appropriées afin de garantir leur stérilité jusqu’à leur prochaine utilisation.

Quels sont les principaux défis pour les cabinets dentaires dans la mise en œuvre d’un processus de stérilisation efficace ?

Pour moi, le principal enjeu est de garantir une qualité irréprochable du résultat final, tout en optimisant les ressources. Cela signifie que le processus doit être le moins chronophage possible pour l’équipe et le moins coûteux possible pour le cabinet.

Un autre défi est d’assurer la reproductibilité des pratiques. C’est cette constance qui garantit la qualité : une fois un niveau d’exigence défini, il est essentiel de pouvoir le reproduire de manière fiable et systématique. Sans cela, même les meilleurs standards risquent de s’affaiblir. Si beaucoup de cabinets adoptent des protocoles rigoureux en début d’activité, il n’est en effet pas rare de constater une diminution progressive de leur application au fil du temps, faute de suivi ou de formation continue.

Comment les normes et réglementations en matière de stérilisation ont-elles évolué dans le secteur dentaire ?

Les normes sont les mêmes depuis des années. Ce qui a réellement évolué, c’est leur application stricte : elle ne laisse plus de place à une interprétation personnelle, car leur respect fait désormais l’objet d’un contrôle beaucoup plus rigoureux et systématique.

Un exemple concret est le traitement des PID (porte-instruments dynamiques) : chaque professionnel du secteur dentaire sait aujourd’hui que ces instruments sont des dispositifs médicaux à part entière qui doivent subir entre chaque patient un nettoyage et une stérilisation. Aujourd’hui, il n’est plus possible de dire « je ne savais pas ».

Quels sont les risques associés à une stérilisation inadéquate, pour les patients et les équipes ?

Le principal risque reste celui d’une contamination croisée par des micro-organismes présents sur les dispositifs médicaux, qui peut mettre en danger tant les patients que les équipes soignantes. Ce risque, bien réel, est particulièrement prégnant lors des actes invasifs, où une vigilance accrue est indispensable. L’article R4127-204 du code de déontologie des chirurgiens-dentistes, qui fait partie du code de la santé publique, rappelle clairement la responsabilité de chaque praticien. Le chirurgien-dentiste doit non seulement prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir ces risques, mais également s’assurer que son équipe, notamment les assistantes dentaires, applique scrupuleusement ces règles. Ces obligations, inscrites dans la législation, soulignent l’importance de procédures strictes et rigoureusement respectées. Le risque de contamination doit être maîtrisé au maximum pour garantir la sécurité des soins et préserver la santé de tous.

Quels conseils donneriez-vous aux praticiens pour optimiser l’organisation de leur salle de stérilisation et garantir une application rigoureuse des protocoles ?

Mon premier conseil est d’avoir une salle de stérilisation véritablement fonctionnelle. Ce mot est essentiel et mérite d’être souligné, car il englobe de nombreux aspects. Les zones de travail doivent être clairement délimitées entre « zone sale » et « zone propre », et les espaces adaptés au volume de matériel à traiter pour garantir une organisation fluide. Le côté esthétique, bien qu’agréable, reste secondaire : une salle de stérilisation est avant tout un lieu de travail où la qualité et l’efficacité doivent primer. Une belle décoration peut valoriser l’image d’un cabinet, mais jamais au détriment du côté pratique.

Ensuite, il faut s’appuyer sur des protocoles clairs et conformes à la réglementation. Ces documents, qui doivent être soigneusement rédigés et validés par les praticiens et leurs équipes, constituent la base de tout le processus et garantissent le respect des normes et la sécurité des soins.

Enfin, il est indispensable de veiller à ce que le niveau de qualité ne se dégrade pas avec le temps. Avec les années et la routine, les pratiques peuvent s’éloigner des standards initiaux. Pour éviter cela, il est essentiel de mettre en place des audits réguliers et impartiaux afin de s’assurer que les protocoles et procédures restent appliqués et efficaces.

Quel a été l’impact de l’automatisation sur les pratiques de stérilisation en cabinet dentaire ?

L’automatisation des tâches garantit une qualité reproductible et non opérateurs dépendante. Grâce aux appareils et logiciels de traçabilité automatique, les processus sont standardisés, ce qui réduit considérablement l’aspect chronophage des tâches. Ces technologies garantissent donc des résultats fiables et homogènes tout en optimisant le travail au quotidien, un atout précieux dans un environnement où l’efficacité est essentielle.

Si l’investissement dans ces équipements peut sembler un frein pour certains en raison de leur coût, ils offrent une réelle garantie de qualité et de constance, avec un retour sur investissement à long terme. Cependant, il est important de rappeler que le prix ne fait pas tout : un appareil onéreux n’est pas obligatoirement synonyme d’une meilleure performance globale. La réalité est souvent plus nuancée et l’essentiel est de choisir du matériel adapté aux besoins réels du cabinet.

Quels investissements sont essentiels pour garantir une stérilisation efficace et conforme ?

Il est indispensable d’investir dans un matériel normé et adapté, tel que le laveur thermo-désinfecteur, la soudeuse et l’autoclave. Ces équipements respectent des normes précises de fabrication et de qualité, essentielles pour assurer un travail fiable et sécurisé. À l’inverse, utiliser un lave-vaisselle domestique, comme cela arrive parfois, est totalement inapproprié. Bien que moins cher, il ne peut remplacer un laveur thermo-désinfecteur normé, dont le coût plus élevé est justifié par la garantie d’un résultat conforme.

Par ailleurs, il est important d’éviter une surabondance de meubles dans la salle de stérilisation. Cette pièce doit rester un espace fonctionnel, et non un lieu de stockage, sauf en bout de chaîne, sur une zone délimitée. Trop de meubles ou un stockage mal organisé peuvent entraîner des problèmes, comme des instruments stériles placés près d’équipements sales. Par exemple, il est fréquent de voir des sachets de stérilisation mal positionnés, au-dessus d’éviers ou dans des zones non adaptées, ce qui compromet l’efficacité des procédures.

Comment former efficacement les équipes à respecter les protocoles de stérilisation au quotidien ?

La formation initiale est essentielle, car elle permet aux assistantes dentaires d’acquérir les compétences nécessaires à leur métier dans le respect des normes. Cette formation doit être complétée par des mises à jour régulières, comme les formations MAJGRI (Mise à jour gestion risque infectieux), à réitérer tous les cinq ans après l’obtention du diplôme. Ces sessions permettent de maintenir les connaissances des équipes au niveau des évolutions réglementaires et pratiques.

Les documents de référence, issus de sources reconnues comme la Haute autorité de santé (HAS), l’Association dentaire française ou des sociétés savantes telles que la SF2S (Société française d’hygiène hospitalière ou de sciences de la stérilisation) et la SF2H (Société française d’hygiène hospitalière), sont également des outils indispensables pour élaborer des protocoles adaptés et précis.

Il est également important de s’appuyer sur des procédures et protocoles clairs, bien définis et accessibles au sein du cabinet. Ces documents permettent de structurer les pratiques et d’assurer leur cohérence. La traçabilité interne des tâches accomplies est également incontournable. Elle ne se limite pas à la réalisation des actions, mais inclut le suivi et la vérification de leur bonne exécution, à l’aide de documents dédiés.

Quelles sont, selon vous, les idées reçues ou les mauvaises pratiques les plus fréquentes en matière de stérilisation dentaire ?

Parmi les idées reçues les plus fréquentes, la première est de croire qu’investir dans un matériel coûteux garantit automatiquement un résultat de qualité. C’est une erreur fréquente et souvent lourde de conséquences. Même avec un équipement haut de gamme, sa mise en place, son positionnement, et surtout son utilisation correcte restent essentiels pour atteindre les standards requis. Certains cabinets, persuadés que le coût élevé de leur installation suffit, se retrouvent pourtant avec une stérilisation non conforme.

Le non-respect de la marche en avant est une autre mauvaise pratique fréquente. Ce principe, pourtant bien connu, est souvent mal appliqué. En analysant les pratiques, on observe régulièrement des retours en arrière ou des croisements de matériel qui compromettent l’hygiène.

Enfin, oublier le rôle de l’humain dans le processus est une erreur majeure. Même avec les meilleurs équipements et protocoles, c’est l’opérateur qui détermine la qualité finale. Sans implication et rigueur de la part des équipes, aucun dispositif ne peut garantir des résultats satisfaisants.

Voyez-vous des tendances émergentes ou des innovations qui pourraient impacter les pratiques futures ?

Les tendances actuelles en stérilisation dentaire apportent des améliorations notables, mais sans bouleverser fondamentalement les pratiques. Les autoclaves de grand volume, par exemple, optimisent la consommation en réduisant le nombre de tests nécessaires, ce qui permet de gagner du temps et de limiter les coûts tout en maintenant les standards. Les logiciels de traçabilité progressent également, rendant possible un suivi plus précis de chaque instrument, avec son numéro de série unique, et non simplement son type ou son lot. Les conditionnements réutilisables, déjà en usage à l’hôpital, suscitent aussi de l’intérêt. Mais ils exigent de nouvelles pratiques souvent mal maîtrisées par les équipes, ce qui peut limiter leur adoption. Enfin, les outils connectés, comme les autoclaves full web, facilitent la gestion des données et des cycles, mais restent des évolutions plus qu’une transformation majeure des protocoles.