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Où s'installer ?

Pour une création ou un déménagement, la question de l'emplacement se pose immanquablement au praticien qui veut mettre toutes les chances de son côté pour réussir… Dans un contexte où la démographie professionnelle reste très avantageuse pour les chirurgiens-dentistes, la question de l'adresse vaut-elle (encore) d'être posée ?

Par la rédaction, publié le 29 juillet 2011

Où s’installer ?

Nous sommes à la veille de l’an 2000, à Bordeaux. Le Dr Franck Pourrat apprend que la première phase des travaux du tramway va commencer ouvrant un gigantesque chantier dans le centre-ville où son cabinet d’orthodontie est installé… Fin des travaux annoncée: 2005. « Ne voulant pas mettre en danger ce que j’avais construit, j’ai décidé de quitter mon cabinet pour trouver refuge aux abords de la ville, dans un endroit où le stationnement est facile, rappelle-t-il. J’ai vendu à un confrère et ami qui pensait que les travaux ne seraient qu’un moment difficile à passer et qui avait foi dans le potentiel du centre piétonnier de la ville. »

Résultat des courses: les deux praticiens ont chacun explosé et réalisé une opération très rentable…en misant sur deux stratégies opposées. Quel que soit le type d’activité économique considérée, le choix d’une « bonne localisation » représente l’une des décisions les plus importantes qu’un manager doive prendre. L’emplacement est en effet un investissement fixé sur le long terme et son choix (bon ou mauvais) se ressentira sur « le niveau des ventes, sur la part de marché et sur la rentabilité de l’activité d’une manière d’autant plus importante que le niveau local de concurrence est élevé ». Les choses sont-elles vraiment différentes en dentaire ?

200 nouveaux patients par an

Selon Robert Maccario « tout est question de stratégie ». Il a accompagné de nombreux praticiens dans leur choix d’installation, il s’explique : « Avant de se pencher sur une adresse, chaque praticien doit pouvoir réfléchir et répondre à la question « Quelle est la dentisterie que je veux proposer ? À quelle patientèle ai-je envie de m’adresser ? » Les réponses détermineront le choix géographique de l’installation du cabinet. Dans certaines zones particulièrement désertées, comme dans le cœur de l’Ardèche, le géomarketing n’a que peu d’impact sur une création. La densité de praticiens est tellement faible, que la question ne se pose pas dans la finesse du détail… Vers Nice où le nombre de praticiens est le plus élevé de France, bien choisir son adresse s’avérera déterminant pour la réussite – ou l’échec – d’une installation. »

Si l’on s’accorde à reconnaître qu’un praticien a besoin de 1200 patients pour faire tourner son cabinet dentaire, il lui faudra alors 600 patients « actifs » annuellement avec une rotation de 200 nouveaux patients par an (et si ces patients pouvaient également être « motivés », comprendre : « susceptibles d’engager des frais pour leur santé bucco-dentaire ») il y a de quoi légitimement s’interroger sur « Où être certain de les trouver ? ».

Des déménagements payants

Le Dr Jérôme Galaup a choisi de quitter Tournefeuille, dans la région de Toulouse, pour s’installer en périphérie, face à un grand centre commercial et au sein d’un centre médical. Après une étude de marché, aidé par des consultants, il est convaincu d’avoir choisi un emplacement adapté.

« Être proche d’un centre commercial m’a permis de bénéficier à la fois de beaucoup de passages mais également d’un parking gratuit, très pratique pour ma patientèle. Bien sûr que cette proximité du centre a occasionné certaines tensions auprès de confrères…qui en ont profité pour me faire remarquer le manque d’opaqueur sur les vitres ! Mais je suis parfaitement en règle et le transfert a été plus que satisfaisant ! ».

Dans la même veine, le Dr Henry Épinat à Saint-Cyr-sur-Loire, dans la banlieue de Tours (37) a ouvert les portes de son cabinet de 75 m2, dans le centre Equa Santé, une maison médicale pluridisciplinaire qui regroupe une dizaine de spécialités (cardiologues, chirurgiens, pédiatres, stomatologue, laboratoire biologique…) et dont il est le seul chirurgien-dentiste. Il a choisi de quitter le centre de Tours, qui comme beaucoup de villes françaises, s’est piétonnisé avec pour conséquence des places de stationnement (gratuites) difficiles à trouver.

« Une baisse de 40 000 € de mon chiffre d’affaires par rapport au précédent exercice m’a poussé à réfléchir…et à envisager un déménagement ! Le centre-ville n’était plus adapté à mon exercice ». Avec un total de 147 nouveaux patients dès les six premiers mois d’ouverture, le changement a été payant et les spécialistes du centre n’hésitent pas à lui référer de nouveaux patients.

Outil pratique ou écran de fumée ?

Véritable outil de décision pour les uns, perte de temps pour les autres, le géomarketing ne remporte pas tous les suffrages. Le choix de l’implantation ne semble en effet pas primordial pour le président du Conseil de l’Ordre qui rappelle une démographie médicale particulièrement favorable aux chirurgiens-dentistes, rendant inutile tous les questionnements sur l’adresse : « Les praticiens français sont tout simplement débordés… Quel intérêt de chercher à s’installer dans un endroit A ou B quand il se ferme 400 cabinets annuellement ? La vraie question est comment faire face à l’afflux de patients plutôt que se demander où ouvrir son cabinet ! ».

Un avis que partage, à une nuance près, Alexandre Pascal du groupe Edmond Binhas : « Avec la féminisation de la profession, le nombre d’heures de fauteuil diminue drastiquement. À peine la plaque posée, c’est 100 patients en attente qu’un cabinet qui ouvre ses portes doit savoir gérer ! Le cabinet qui fonctionne aujourd’hui est celui qui sait s’organiser se faire connaître et reconnaître… même en dehors des grandes agglomérations. Nous le constatons tous les jours : les patients sont capables de faire des kilomètres pour aller chez un bon praticien avec un plateau technique de qualité. Mais le géomarketing peut tout de même intéresser de près les créations de cabinets d’orthodontie et ceux de spécialistes. En effet, ils mettent en place une stratégie différente des omnipraticiens : ils n’ont pas des patients à trouver, mais des clients à convaincre en la personne de leurs correspondants. Leur emplacement revêt ici toute son importance: il s’agit de s’installer près des prescripteurs. »

Le géomarketing « maison »

Le géomarketing s’appuie sur le croisement de différentes données socio-économiques. Étudier un seul critère (comme le plus immédiat qui vient à l’esprit : le nombre de praticiens par rapport au nombre d’habitants) n’est pas pertinent, il s’agit de croiser plusieurs critères et de les comparer entre eux. Certaines statistiques (consultables en ligne, gratuitement) sont accessibles à tout un chacun et demandent simplement que l’on accepte d’y passer quelques heures : le journaldunet peut donner à l’internaute des statistiques précises sur les villes.

Combien de médecins y sont installés ? Combien de praticiens ? Quel est le revenu moyen par ménage ? Le nombre de voitures par foyer ? La sensibilité politique ? Mais encore, quel est le moteur économique de la zone étudiée ? Quel est le principal employeur ? Sachant que le revenu moyen d’un ménage français oscille entre 12 000 et 25 000 euros, quel est le revenu moyen de la zone dans laquelle je désire m’implanter ?

Certains le font « le week-end ou le soir à la maison », d’autres encore se font accompagner par des professionnels de l’installation du cabinet dentaire ou par des spécialistes du géomarketing.

Un jeune praticien s’est essayé à l’exercice. « Je voulais proposer une dentisterie plutôt haut de gamme, et j’ai un penchant pour l’implanto, explique Didier. Je désirais surtout revenir dans ma région d’origine, la Haute-Savoie. Hors de question pour moi de renoncer à l’un ou l’autre, mais pour une création mon investissement était plutôt limité. J’ai regardé les différentes possibilités sur Internet, croisant toutes les sources d’informations, étudiant les statistiques. Je me suis déplacé en voiture et j’ai regardé la liste des entreprises du secteur… pour finalement me rendre compte qu’une petite ville, peu connue donc peu prise d’assaut par les confrères, offrait les mêmes ratios que Divonne-les-Bains ou Annemasse ! Je m’y suis installé et mes résultats dépassent mes projections les plus ambitieuses. »

Mon cabinet sur les Champs-Élysées

Une carte de visite prestigieuse peut séduire un praticien, sans que le choix du cabinet (son entrée, l’immeuble lui-même) ne soit pertinent. « Toucher à « l’adresse » peut également faire émerger, chez certains chirurgiens-dentistes, des problématiques d’ego qui prennent alors le pas sur la « raison », note Alexandre Pascal. Et certains sont prêts à des sacrifices pour conserver un emplacement très haut de gamme. » Mireille, 54 ans, praticien d’expérience, peu communicante, « souffrait » de son manque d’aisance avec les patients, dans le 16e arrondissement de Paris, elle tirait difficilement son épingle du jeu. Elle a décidé « à l’instinct » de repartir de zéro dans le 13e un quartier moins prisé où les plaques de chirurgiens-dentistes se font plus rares : elle réussit désormais à s’épanouir dans un travail à vocation plus sociale.

« Un jeune praticien voulant se lancer dans la dentisterie esthétique ou l’implantologie et décidant de s’implanter à Aix-en-Provence ou Marseille aura à faire face à une compétitivité féroce, résume Robert Maccario et devra faire preuve de forte personnalité… ou proposer de petits prix ! J’ai récemment expliqué à un client que dans le centre-ville de Toulouse, il pouvait tabler sur la pose de 20 à 50 implants annuels, mais qu’en partant à 150km plus au nord, à Castres, il pouvait alors espérer poser 400 ou 500 implants par an. »

Même pour une reprise, le géomarketing peut se révéler utile. « Il existe des zones véritablement sinistrées (par le départ d’une usine par exemple), avec en corollaire un taux de chômage élevé et des difficultés à trouver des patients motivés par leur santé bucco-dentaire, poursuit Robert Maccario. La question lorsque l’on prend connaissance d’un chiffre d’affaires, même s’il est très honorable, est toujours de se demander sur combien de patients. »

L’avenir

Certains praticiens se regroupent, en maisons médicales ou en SEL, dans des cabinets de groupe… d’autres optent pour des implantations en clinique, irréprochables vis-à-vis des exigences de l’Ordre, pour à la fois bénéficier d’une stérilisation sans faille et du passage des milliers de patients potentiels.